Dans les pages de ce site je développe divers modèles pour les sociétés humaines. Selon les cas je classe les membres humains de ces sociétés en une classe ou en trois à neuf classes, non qu'on ne puisse en considérer moins ou plus, mais ces nombres sont nécessaires et suffisants pour constituer des modèles consistants : en-deçà ce n'est plus une possible société, au-delà ça n'apporte pas plus d'informations, et deux classes ça ne fait pas société.

L'historien, anthropologue et linguiste Georges Dumézil crut un jour découvrir le fonds social commun singularisant ce qu'on nomme les Indo-européens, qu'il appelle la tripartition fonctionnelle. Or, c'est un modèle valable pour beaucoup de sociétés non indo-européennes et inexistant ou indiscernable dans plusieurs sociétés indo-européennes. Pour dire la chose, il s'agit d'une des modélisations possibles mais non la seule, par circonstance et parce que probablement, à la fois ça répondait à son propre modèle intime et il avait une idéologie implicite qui validait la notion d'unité culturelle, “civilisationnelle”, des supposés Indo-européens, il voulait à toute force tenter de démontrer l'indémontable. Peu importe. Il importe surtout que considérer ces modélisations sont fonctionnelles et ne rendent pas compte d'une organisation réelle, ou du moins n'en rendent pas toujours compte.

Les modèles à classe unique ne sont pas tels, ou alors ces sociétés tendront à devenir sans classe, donc des non sociétés. La classe unique modélise une société où il y a séparation totale entre statut et fonction, formellement tous les membres à part entière de cette société ont toute capacité d'occuper toute fonction et leur statut est égal à celui de tout autre membre à part entière. Les classes sont donc reportées vers les fonctions, qui sont détachées des statuts. Trois classes ou plus offrent du confort et présentent un risque, le risque de la division. J'en discute par ailleurs, une société qui dépasse un certain nombre de membres a nécessité à rendre certaines fonctions pérennes. Un incertain nombre, plutôt, autant que je puisse le savoir ça se mesure en dizaines ou au plus en quelques centaines de membres. Le risque est la consolidation de la pérennité.

Dans l'idéal et précisément pour ces fonctions pérennes, ceux qui les occupent doivent les quitter après un temps court suivi d'une sorte d'exil, un “ostracisme” à-peu-près tel que défini par le TLF, un « bannissement d'une durée de dix ans prononcé à la suite d'un jugement du peuple, dans certaines cités grecques et en particulier à Athènes, à l'encontre d'un citoyen devenu suspect par sa puissance, son ambition ». Je ne vais pas me fatiguer ici à expliquer la nécessité de la chose, en toute sincérité j'ai horreur d'écrire sur ce genre de sujet, il serait tellement plus simple d'expliquer cela dans une véritable discussion que le faire ou tenter de le faire de nouveau m'ennuierait, une fois ou deux suffisent – ça se trouve dans ces pages, je ne sais où mais ça s'y trouve.

Il se trouve que passé un certain nombre de membres, il devient de plus en plus difficile de retirer sa fonction pérenne à qui l'occupe. On peut croire qu'une solution possible serait de former deux groupes séparés qui chacun resterait dans des limites supportables mais ça n'est pas une solution, preuve en est que ça se pratique de très longue date et que le résultat est de produire deux sociétés qui le temps passant deviennent étrangères l'une à l'autre, et que s'installe chez l'une ou chez les deux une “nostalgie”, un « état de tristesse causé par l'éloignement du pays natal », pour le groupe qui a quitté le territoire où a eu lieu la séparation, et un sentiment d'((tlf:autochtonie|“autochtonie”), l’« état d'une personne dont l'âme, la pensée sont celles de l'autochtone », pour les membres du groupe qui y est resté. Bref, l'une et l'autre possibilité, rester unis au risque de la pérennisation des fonctions ou se séparer au risque de la désunion, ne sont pas vraiment des solutions, dans l'un ou l'autre cas on finira par se retrouver dans le cas que les sociétés redoutent : la servitude, l'asservissement.

Maîtres ou esclaves, tous également asservis.

Bon, j'arrête là cette discussion, pour la poursuivre discutez-en avec deux autres personnes ou plus mais pas plus qu'une douzaine – sept à neuf me semblent de bons nombres de personnes pour le faire. Bon, allez, une petite explication du titre. Ah non ! Pas besoin, je viens de m'apercevoir que la petite introduction le fait bien suffisamment...


Publié initialement le 15 juin 2018 à 15h57.