Deux questions m'occupent assez dans ces pages, celles de la langue et du langage. Pour un linguiste comme pour toute personne qui s'intéresse à un objet dans une approche de type scientifique il est judicieux de bien définir ses termes. De ce point de vue les linguistes ont pour habitude depuis environ un siècle de définir le langage comme, disons, la capacité de formuler une pensée de manière à la communiquer à des tiers et celle symétrique de convertir une telle communication en pensée, la langue comme leur réalisation effective, les langues comme les réalisations particulières de cette capacité effective. Ceci indique assez je crois que le langage est un objet peu stable puisque dans d'autres contextes les mêmes éléments de cette langue particulière qu'est le français langue et langage peuvent avoir le même sens, dans d'autres encore, comme en informatique par exemple, le terme langage correspondant plutôt au sens de langue pour un linguiste – le langage C, le langage Pascal et pour l'acception de réalisation effective, le générique langage(s) informatique(s), dans d'autres, le terme de langue vaut pour une langue générique (le français par exemple) et langage s'applique plutôt aux variantes, dialectes ou patois ou sociolectes, etc. Bien sûr, même chez les, disons, spécialistes d'un domaine les acceptions ne sont pas toujours dénuées d'ambiguïté, mais quelques réglages permettent de s'entendre sur les notions, les concepts et les outils de description et d'analyse de la réalité. Disons, je ne m'entendrai jamais vraiment avec les tenants de la grammaire générative et ne suis pas trop d'accord avec certaines hypothèses et descriptions de certaines branches de la linguistique structurale mais du moins nous pourrons déterminer nos divergences comme fondamentales et non comme le fruit d'une interprétation divergente de certains termes.
Comme dit par ailleurs, les mots n'ont pas de sens, on peut exprimer la même pensée avec des mots très différents et un même mot peut désigner des réalités ou des concepts sans guère de rapports évidents entre eux, le mot chien peut désigner un animal d'une certaine lignée, un être humain, un élément de certaines armes à feu, un type de fenêtre, etc. Autre exemple, on peut exprimer un certain désir, tel que voir une tierce personne effectuer une action telle que fermer une fenêtre en lui disant “tu peux fermer la fenêtre s'il te plaît ?” ou “ferme la fenêtre” ou “ tu ne sens pas comme un courant d'air ?” ou “je crois qu'il serait temps de fermer cette fenêtre” ou “il commence à faire froid...”, etc. Clairement, le sens des mots ne leur est pas intrinsèque et il peut être parfois très dépendant du contexte. La langue, le langage, les langues m'intriguent de longue date, à la fois parce que j'ai une certaine aise avec la langue et parce que j'ai eu et d'un certain point de vue je continue d'avoir quelques problèmes avec les langues et le langage.