Le Tsunami (presque) deux ans après

 O n le sait je crois, les médias n'ont guère l'habitude, pour la majeure partie d'entre eux, de revenir sur certains événements qu'à un certain moment ils ont mis en exergue de manière particulièrement forte, en décrétant le plus souvent que, désormais, «plus rien ne sera comme avant». Plus rien comme avant, donc, après Le Tsunami (ici, la double majuscule est de rigueur…). À l'époque j'ai envoyé ce message à la rédaction de ma radio préférée, France Culture (en fait, la seule que j'écoute chez moi, sauf extrêmement rares occasions), sur ce sujet. Voici:

7/05/2005 - Rédaction

Bonjour,
        Je sais que j'ai mauvais esprit, mais j'aimerais comprendre pourquoi le raz-de-marée en Asie du sud, qui jusqu'au 10 janvier 2005 formait l'essentiel des informations sur votre antenne, a en à peine trois jours régressé parmi les brèves de fin de journal, voire a disparu de certaines éditions.
        Bien sûr, vous pourrez me dire, «l'information» et ses priorités, mais ça ne tient pas: les attentats du 11 septembre 2001, qui firent 30 fois moins de morts et à coup sûr bien moins de dégâts sociaux et économiques que ce tsunami, tinrent la rampe plus de trois mois, pour n'être remplacés que par la politique nationale (les élections de 2002, et bien sûr la supposée «insécurité»).
        Je sais que c'est ancien, mais alentour du 5 janvier 2005, à vous entendre, le plus grave était la situation désastreuse des habitants des pays touchés. Or, je constate qu'une fois les touristes rentrés ou définitivement considérés comme perdu, les locaux perdent de leur importance, si leur détresse, elle, n'en perd pas. Je constate que la perte d'importance de ce qui se passe là-bas est concommitante avec la déclaration de notre premier ministre sur le fait que, désormais, il n'y avait plus guère d'espoir pour les Français disparus. On espère que les deux choses ne sont pas liées...

Hélas, je n'ai pas reçu de réponse semble-t-il. C'est dommage, et étrange, selon moi. Je comprends mal ce qui motive les réponses à mes courriers: parfois j'envoie une chose que je juge anecdotique et ne méritant pas, crois-je, de réponse, et j'en reçois une; d'autres fois une question que je juge importante n'en reçoit pas. Quels critères président à ces choix, je l'ignore, et probablement à jamais.


Donc, le tsunami médiatique, fin 2004-début 2005, vaguement relié à celui réel du 26 décembre 2004. On eut droit à l'appareil unanimiste habituel en ces circonstances, cela jusqu'au «tsunamithon», jusqu'à la mise au ban des médiateurs (ou plutôt, DU médiateur, car il n'y en eut guère qu'un parmi ceux notables) semblant ne pas se ranger à l'unanimisme ambiant, jusqu'au haro général sur les rares organisations humanitaires (ou plutôt, LA rare) tenant un discours apparemment à contre-courant, enfin, jusqu'au retour de bâton, la «gueule de bois» post-unanimisme tellement coutumière désormais (par sa répétition ?), qu'on pourrait nommer «syndrome de Timisoara» tant cet événement est devenu le lieu commun de l'erreur à ne pas refaire (qu'on l'utilise précisement après l'avoir refaite…), qui semble ne pas servir à grand chose. Les médias ressemblent à ces intempérants qui, les lendemains de cuites, se promettent chaque fois de ne plus tomber dans ces excès, et replongent à la première occasion qui s'offre. D'autant que, comme les intempérants, ils prennent soin de ne pas s'attarder sur l'écart entre leur description des crises passées et leur réalité, moins brillante. Je commencais tout juste ce texte que j'entendis, sur la «web-radio[1]» de France Culture «Les Chemins de la connaissance» une émission où des personnes assez au fait de la réalité de terrain revenaient sur ce tsunami de 2006 pour dire, entres autres propos, à quel point cette réalité avait peu à voir avec celle produite par les médias.


[1] Le terme «web-radio» est abusif, une peu exacte analogie car, contrairement à la télévision, cela désigne la méthode et non la forme: radiophonie, «son par les ondes», sous-entendu ondes hertziennes. Cela dit, l'informatique en général, ce qui tourne autour d'Internet plus encore, use et abuse de supposées analogies qui sont le plus souvent très approximatives, voire complètement inexactes, à commencer par la «mémoire vive» (la random-access memory ou RAM en anglais) ainsi nommée parce que techniquement similaire à la «mémoire morte» (la read-only memory ou ROM), alors qu'elle est beaucoup plus une extension de la partie active de l'ordinateur qu'une «mémoire» ou espace de stockage de l'information, terme plus applicable aux disques, bandes magnétiques et autres supports du genre. Il n'y a guère que les RAM dites non volatiles telles que les «clés USB», les «mémoires flash» et les «lecteurs MP3» non basés sur des micro-disques durs qui sont de réelles «mémoires».