Voici une petite carte intéressante :
Comme c'est écrit en petit, je vous précise la description : il s'agit de la répartition des Ukrainiens dans l'empire soviétique lors de la recension de 1979, y compris la Mongolie il me semble. Vous ne remarquez pas quelque chose de curieux ? Et oui, sauf une petite zone au sud, là où il y a la plus faible proportion d'Ukrainiens... c'est l'Ukraine. J'exagère un peu mais à peine, disons qu'une part non négligeable de l'Ukraine compte parmi les plus faibles proportions et que le reste est plus souvent en-dessous qu'au-dessus de 5%. En tout cas, il n'y a aucun district de recension où la proportion dépasse les 15%. Cette carte illustre on ne peut mieux une chose que j'essaie de formuler depuis environ trois mois. Si je la formule telle que je la pense, je suis sûr de me retrouver parmi les fous, les complotistes ou les comiques, trois sortes d'humains qui racontent n'importe quoi : l'Histoire qu'on nous raconte est une construction qui n'a aucun rapport avec la réalité. L'Histoire et, consécutivement, la géographie humaine et politique. D'un sens il y a un paradoxe et comme je ne crois pas aux paradoxes, et bien, il y a une explication logique à cet apparent paradoxe.
L'apparent paradoxe est que j'ai une assez grande confiance dans l'Histoire qu'on me raconte en tant que série ou ensemble d'événements. Et dans le même temps j'ai la certitude que cette Histoire n'a rien à voir avec une réalité d'ordre supérieur, disons, quelque chose comme “le mouvement général de l'Histoire”. Je l'ai souvent écrit, je ne crois ni à la téléologie, ni aux complots, ce n'est même pas une question de croyance, c'est une évidence, il n'y pas de « sens de l'Histoire » et les complots sont des impossibilités. Non qu'il n'y ait des sortes d'organisations secrètes qui “complotent”1 et qui en outre sont souvent nocives pour la société, au mieux elles l'entravent, au pire elles la désorganisent, mais au bout du compte tout ça n'a le plus souvent pas une incidence critique.
Je ne méconnais pas les cas où une sorte de complot a, disons, réussi. Sans même considérer les situations locales dramatiques (Cambodge, Ruanda, génocide arménien...) le cas le plus évident du siècle passé est la vague, disons, “fasciste” des années 1920-1930 en Europe qui a culminé avec l'Allemagne nazie et ce qu'on sait pour la période 1935-1945, en gros. Mais ça ne change rien à mon point de vue, un complot est une impossibilité, si même il réussit, et bien la conséquence est inévitable, il finira par échouer. C'est sûr que si le complot nazi avait échoué en 1933 plutôt qu'en 1945, c'eut été préférable, mais au bout du compte il a bel et bien échoué parc que quand on veut changer la réalité, la réalité vous change, et plus on aura tenté de la changer plus elle vous changera. Le récent décès, attristant mais non regrettable, de Simone Veil (non regrettable parce qu'on est tous destinés à mourir un jour, et parce qu'elle aura eu une belle vie, honorable et exemplaire), a fait remonter cette triste période de l'Histoire européenne, et selon un angle de vue intéressant. Par exemple, j'ai pu entendre sur ma radio (France Culture, la seule que j'écoute) le témoignage de la toute jeune Simone Veil, retour des camps, expliquant ce qu'elle a vu. Et, avec les termes de l'époque mais d'une manière très sobre, très factuelle, elle explique une chose que je raconte aussi, dans certaines pages de ce site : un Juif européen c'est, pour l'essentiel un Européen converti au judaïsme. Elle dit ceci : les Juifs déportés ne se regroupaient pas tous en un même ensemble “les Juifs”, les regroupements se faisaient autrement, les Néerlandais, Juifs ou non, avec les Néerlandais, les Grecs, Juifs ou non, avec les Grecs, les Français, Juifs ou non, avec les Français, les Allemands, Juifs ou non, avec les Allemands, les Hongrois, Juifs ou non, avec les Hongrois. Le seul groupe qui ne faisait pas ainsi était celui des Polonais. Explication complémentaire : une déportée arrivant, on l'identifiait assez vite, souvent par son apparence (les Néerlandaises avait le type néerlandais, Juives ou non, les Grecques le type grec, Juives ou non, les Hongroise le type hongrois, Juives ou non, etc.). Et pour les Polonaises, et bien justement elles avaient « le type juif » des caricatures mais non caricatural, on dira mieux, « le type sémite », et non « le type polonais », plutôt slave, de la population générale. L'autre critère d'identification était la langue et là aussi les Polonaises juives se singularisaient, elles parlaient mal ou ne parlaient pas le polonais. Ce à quoi Simone Veil donna l'explication rationnelle : soit que les Juifs polonais n'aient pas voulu se mêler à la population générale, soit, plus vraisemblablement, que la population générale les ait isolés et cantonnés dans leurs propres territoires, les deux populations ne se sont pas mélangées et ni les Juifs ne se sont “polonisés” ni les Polonais ne se sont “enjuivés”.
Autre chose intéressante, dans une émission plus récente la même Simone Veil parle d'une autre division dans les camps, entre les “politiques”, spécialement communistes, et les autres, les “politiques” n'aimaient pas, et n'aidaient pas, les autres, spécialement les Juives, non par antisémitisme mais, disons, par “antibourgeoisisme” : les “politiques” étaient là « pour une bonne raison », ergo “les autres” y étaient pour une mauvaise donc étaient “mauvaises”, des sortes de bourgeoises, autant dire des ennemies de classe, et même quand il se trouve dans la pire des dèches on ne secourt pas son ennemi. Du moins dans leur logique faussée de “politiques”. Et les Juives étaient au plus bas dans leur échelle car elles se trouvaient là pour la plus mauvaise des raisons : pour aucune raison.
Le génocide nazi revisité.
Un bout de temps que je tourne autour de ce sujet, particulièrement délicat si on ne veut pas passer pour un fou, un révisionniste, un complotiste ou encore pire, un Dieudonné, autrement dit un comique qui ne fait pas rire : les nazis n'ont pas organisé “la solution finale du problème juif” mais “la solution finale du problème nazi”. Et ont presque réussi. Leur échec n'est pas de leur fait, cela dit, on les a empêchés d'aller au bout du problème, ce qui est heureux pour le Allemands et pas mal d'autres Européens étiquetés “aryens”. D'un sens la chance d'un pays comme la France était son aryanité douteuse, certes l'Occupation ne fut pas une période tranquille et heureuse mais bon, quand on voit la situation de pays comme les Pays-Bas, supposés “de bonne aryanité”, ou la Pologne, supposée “non aryenne”, en 1945, on peut estimer que si elle n'a pas échappé au mal, du moins elle a évité le pire...
Le point à bien saisir est le suivant : un Européen est un Européen. Si on n'admet pas ce point on ne peut pas comprendre le processus du “génocide nazi”, je veux dire, si à l'instar d'un nazi on découpe la population européenne en “ceci” européens, “cela” européens, on entre dans la logique même qui amène au nazisme. La question n'est pas de savoir si ledit découpage est supposément positif, négatif ou neutre, la question est celle du découpage : les nazis n'ont pas déporté des Juifs européens mais des Européens avec une étoile jaune au revers. Il se trouve que parmi ces européens avec une étiquette, une part importante était, comme on disait à l'époque, de confession israélite, en gros un tiers, et qu'une autre part, environ un autre tiers, sans être de confession israélite ne reniait pas son appartenance à un groupe informel partageant des valeurs largement héritées de ses ascendants israélites, des “juifs par conviction mais non par adhésion”. D'où, 25% à 35% des personnes déportées en tant que juives n'avaient aucun lien au judaïsme, ni Juifs par adhésion, ni Juifs par conviction, ni Juifs par généalogie. Le film Monsieur Klein est un modèle du cas “Juif par étiquette”, Klein n'a, dans l'histoire, nul lien avec la religion juive, c'est le « non Juif » exemplaire, pas d'ancêtres de religion israélite, pas d'idéologie qui le rapprocherait des israélites (il ne partage aucune de leurs convictions) et pas d'adhésion à la religion, mais on va effectivement lui coller une étoile jaune au revers, qui va le transformer en Juif. Le problème simple quand on classe les humains dans des boîtes est que, quelle que soit son intention, on n'est pas maître de l'usage que d'autres peuvent faire de ces boîtes : j'ai une plutôt bonne opinion concernant le projet global des Hébreux tel que décrit dans le livre qui en parle, la Torah, même si j'ai quelques objections quant au mode général de réalisation de ce projet. Là-dessus, j'ai une certitude : aucun “signe ostensible” ne permet de savoir si l'étiquette correspond à des lasagnes au bon bœuf français ou des lasagnes au détestable cheval roumain. Et en outre, j'ai une autre certitude : ce n'est ni l'étiquette ni les discours sur l'étiquette qui peuvent me dire si ce que je mange est bon ou mauvais, c'est ce que je mange. On me dit : les lasagnes au bœuf étaient en réalité des lasagnes au cheval. Bon. Qui a raison, celui qui a collé l'étiquette ou celui qui dit qu'elle est erronée ? Je m'en contrefiche car ce qui m'importe est le contenu. Bon, qu'est un bœuf ? Un mammifère quadrupède herbivore domestique élevé pour son utilité et sa viande. qu'est un cheval ? Un mammifère quadrupède herbivore domestique élevé pour son utilité et sa viande. qu'est un plat de lasagne ? Un plat composite comportant de la chair de mammifère quadrupède herbivore domestique élevé pour son utilité et sa viande. Quand on classe les mammifères quadrupèdes herbivores domestiques élevés pour leur utilité et leur viande “bon” ou “mauvais” par leur espèce, leur lieu d'élevage ou leur étiquette, y a un truc qui cloche.
Les Européens avec une étoile jaune au revers qui furent déportés et pour leur majorité tués dans les camps de concentration et d'extermination nazis entre 1933 et 1945 étaient à coup sûr des Européens, puisque vivant en Europe ; ils étaient tous Juifs puisque déportés et massacrés en tant que Juifs, et tous nazis parce que la seule différence observable entre un Européen juif et un Européen nazi est l'étiquette. Une fois la conséquence théorique de ce vain projet comprise, sa conséquence pratique est, ou devrait être, évidente. Les nazis ont comme projet de séparer le même du même, de séparer l'animal de boucherie de l'animal de boucherie, à droite le “bon” animal de boucherie, à gauche le “mauvais” animal de boucherie. Il y a des critères pour différencier les uns et les autres, par exemple le “bon” a des cornes, le “mauvais” n'en a pas. Un bœuf écorné, c'est “bon” ou “mauvais” ? Alors, le “bon” a des sabots unis, le “mauvais” des sabots fendus. Un bœuf qui s'est fendu le sabot est-il “bon” ? Un cheval dont le sabot s'est soudé, est-il “mauvais” ? On peut ajouter les critères aux critères, à la fin des temps le constat est simple, un animal de boucherie mammifère quadrupède (etc.) est un animal de boucherie mammifère quadrupède (etc.). D'où les étiquettes. D'accord mais des lasagnes (etc.) c'est “mauvais” ou c'est “bon” ? L'ultime conséquence est évidente : le but final des nazis est d'éliminer ce qui est “mauvais” dans la société ; a priori, si une société fonctionne mal, la cause est à chercher dans son fonctionnement même, si on la cherche “avant” (les « mauvais éléments » qui perturbent par leur présence ou leur action son fonctionnement) ou “après” (les « bons éléments qui ont été rendus mauvais “ – dans la terminologie nazi, qui ont été “enjuivés”), l'effet prévisible est d'accentuer le dysfonctionnement puisqu'on ne corrige pas la cause réelle et qu'on réduit les capacités sociales en éliminant certains de ses membres et en mobilisant une part non négligeable de ses éléments les plus dynamiques pour “corriger” un problème fictif. Si l'on va au bout du processus, on élimine toute sa population. Ce cas est rare mais malgré tout les nazis ont été assez loin dans ce processus : certes, leur “solution finale” a contribué à massacrer une part importante des Européens étiquetés Juifs, donc de Juifs par destination, environ 6 millions, mais ils ont aussi contribué à la mort de 6,75 à à 8,8 d'Allemands supposés non Juifs, directement ou indirectement. Au final, dans le seul but de “purifier l'Europe”, l'Allemagne a contribué par son action à la mort d'environ 50 millions d'Européens dont environ 6 millions de “Juifs” donc plus de sept “non Juifs” pour un “Juif”. J'appelle ça le génocide nazi, est ça me semble un nom adapté.
Qui sont donc ces Ukrainiens d'Ukraine ?
Pour mémoire, cette image :
J'ai mon hypothèse concernant l'URSS, si ce n'était pas le paradis vanté par certains, ça n'était pas non plus l'enfer décrit par d'autres. J'ai vécu dans plusieurs pays et ma foi, quoi qu'on en dise en externe ou en interne, de là où j'étais, je n'ai jamais vu de grandes différences d'un pays l'autre. Y compris quand c'était des pays en guerre. Le fait est, je n'ai jamais vécu dans un pays en guerre civile ouverte, là les choses sont différentes. Même si c'est limité on peut constater, en France et dans quelques autres pays européens, ce que c'est qu'une guerre civile : des gens qui n'ont aucune raison de le faire et qui n'ont pas donné de signes de vouloir le faire, se mettent à massacrer leurs voisins. Autant que je le sache, durant une bonne partie de son Histoire, disons, entre 1924 environ et 1940 environ puis entre 1948 et 1990, l'URSS n'a pas connu de guerre civile ouverte. D'où j'en conclus que selon toute probabilité la vie devait y être à-peu-près équivalente à celle que j'ai connue dans tous les pays où j'ai vécu, des bons ou excellents moments et des moins bons ou même des moments catastrophiques. Pour moi, ou pour mon entourage. Et pour la société dans l'ensemble des hauts, des bas et le plus souvent la monotonie des jours. Si je me base sur l'image que les médias donnent de la France, à certains moments j'ai l'impression qu'on me décrit le siège de Sarajevo puissance mille ou le Liban de la guerre civile puissance dix. Je regarde autour de moi et je ne vois rien de ça. Et ne parlons pas de la description de loin : en 2005, si on lisait la presse anglo-saxonne on avait l'impression que c'était la Guerre d'Algérie mais en métropole cette fois. Ouais... Des lanceurs de cailloux, de loin en loin un cocktail Molotov, quelques dizaines de voitures brûlées, deux ou trois tentatives d'incendie de bâtiments publics, je veux bien que ce soit la Guerre Civile mais la récente période a montré que quelques rébellions d'adolescents boutonneux et une vraie guerre civile, c'est assez différent. On dit que chien qui aboie ne mord pas, on oublie de dire que chien qui mord n'aboie pas : un type qui veut faire la guerre, sa guerre, ce n'est pas comme dans les films, il ne fait pas des grands gestes en agitant une arme et en hurlant « Je vais vous tuer ! Je vais tous vous tuer ! », sinon il ne tuera qu'une personne, lui-même. Les assassins de sang-froid n'ont jamais la complaisance de prévenir leurs futures victimes.
Donc, l'URSS. Vous ne trouvez pas ça curieux, l'éparpillement des Ukrainiens et leur faible présence en Ukraine même ? Les données datent de 1979 et je suppose qu'elles ont très peu évolué depuis. Je n'ai pas d'opinion tranchée sur l'URSS, par contre je doute assez peu de la validité de leurs statistiques, ils aimaient ça et les faisaient avec sérieux. Donc, en 1979 la majorité des Ukrainiens d'URSS était hors d'Ukraine. Ce qui signifie qu'en 2017, vu qu'on ne m'a pas parlé dans les médias de grands mouvements de population, ça doit toujours être le cas sinon qu'ils ne sont plus en URSS. Du coup, qui sont ces gens dont on me dit qu'ils sont Ukrainiens parce qu'ils vivent dans un État nommé l'Ukraine, indépendante depuis une certaine date (les détails m'ennuient, disons, plus ou moins depuis 1991). De fait c'est le cas, les citoyens de l'Ukraine sont les Ukrainiens, comme les citoyens de la France sont les Français et toute la suite. Par contre, ce ne sont pas les mêmes Ukrainiens que ceux de l'URSS. Au cas où vous l'auriez oublié, voire au cas où vous l'ignoreriez2, l'URSS était une fédération, l'Union des Républiques socialistes soviétiques, donc tout citoyen d'une République était citoyen de l'Union, un truc comme les États-Unis, ou l'Union européenne, en gros. S'il y avait liberté d'installation de chacun en tout lieu de l'Union, on y limitait la liberté de circulation, c'est ainsi, dans chaque État ou nation ou fédération il y a des libertés et des contraintes, le choix des soviétique était celui-là, faciliter les déplacements mais non la mobilité.
Pour des raisons qui les concernent, les soviétiques ont fait entrer la question sur, disons, la nationalité dans leur questionnaire de recensement. Je trouve ça un peu curieux mais en même temps la plupart des questions de recensement me paraissent telles, savoir l'âge et la commune de domiciliation me semble suffire. L'avantage est de disposer de l'information, ça donne un éclairage différent sur certaines choses, un point de vue particulier. Ici donc, je me demande qui sont les personnes peuplant l'Ukraine. Certes, ce sont des Ukrainiennes pour une bonne part mais des Ukrainiennes par citoyenneté. Si en 1979 5% des personnes vivant sur ce territoire se disaient Ukrainiennes, en 1990 la proportion devait être proche, donc les Ukrainiens de l'Ukraine indépendante étaient à 95% des “non Ukrainiens”. En toute hypothèse ce sont des citoyens soviétiques de toutes les nations. Du coup ça pose bien des questions, du moins ça me les pose, ou je me les pose. Finalement, ma première formulation est la bonne, ça pose bien des questions, et ça devrait vous en poser. Toutes on un lien avec ceci : pourquoi une population à 95% “non ukrainienne” et a priori liée à plusieurs républiques de l'URSS a-t-elle demandé son indépendance, sa séparation de ces républiques ? Je ne sais pas quelle est la réponse, par contre je sais ceci : tous ces gens censés revendiquer de retourner vers les vieilles valeurs fondamentales ukrainiennes et d'aller vers la démocratie réclament de retourner de là où ils ne sont pas venus et d'aller vers là où ils sont déjà, donc ce qu'on me montre ne correspond pas à ce qui est.
Je vous laisse méditer là-dessus.