Si l'on veut être précis on se doit de définir ses termes. Le mot “esprit” constitue de ce point de vue un problème tant il est polysémique et sujet à interprétations divergentes, contradictoires et même opposées. Bien qu'assez pratique pour décrire certaines réalités il me pose précisément un problème, celui d'une fausse division : l'esprit ne s'oppose pas au corps pour la raison simple que les corps sont des esprits et les esprits des corps. Et voilà ! En une phrase je viens de me mettre en désaccord avec beaucoup de gens, ceux qui postulent qu'il y a des corps et des esprits, ceux qui postulent qu'il n'y a ni corps ni esprits, ceux qui postulent que l'esprit naît du corps, ceux qui postulent que le corps naît de l'esprit, ceux qui n'aiment pas les phrases apparemment complexes et les propositions apparemment paradoxales ou en ont peur. Beaucoup de gens...

Je ne me suppose pas réaliste, je me sais réaliste. Nul n'a obligation de me croire, je puis dire qu'il m'arrangerait de n'être pas cru parce que j'ai un rapport complexe à la croyance, fondamentalement je n'ai aucune croyance et souhaite qu'il en soit ainsi pour tous, quand je dis croire ceci ou cela c'est généralement faux, soit j'en suis certain, soit il s'agit d'un choix délibéré qui n'est pas de l'ordre de la croyance, je ne crois pas proprement en la liberté, en la justice, en l'égalité, en la démocratie, en l'esprit, en la réalité, je les admets, les constate ou les souhaite parce que c'est vital, voilà tout.

Cela posé, sachez que désormais je définirai très peu mes termes, parce que je l'ai fait abondamment dans les autres pages de ce site, sachez aussi que ma définition des termes les plus problématiques n'est pas la vôtre, parce que vous n'êtes pas moi, vous n'avez pas vécu ma vie, connu ce que j'ai connu de la manière dont je l'ai connu, ce que je comprends de la réalité ne correspond pas à ce que vous en comprenez, me lisant, partez de cette hypothèse certaine, si vous ne cherchez pas à savoir ce que pour moi signifie le mot “esprit”, ce que vous lirez n'aura aucun rapport avec ce que j'écris, parce que ce que je comprends n'a rien à voir avec ce que vous comprenez. Dans une discussion de vive-voix nous ferions une chose simple, nous nous harmoniserions, nous discuterions un certain temps du sens du mot “esprit” dans le cadre de la discussion en cours, pour nous entendre, dans une discussion différée cela n'est pas possible, j'écris à un certain moment, vous me lisez à un autre moment, et nous n'avons pas moyen de nous harmoniser. C'est ainsi.

Une fois cela énoncé, vous comprendrez pourquoi je ne poursuivrai pas cette discussion : ayant décidé de ne plus définir mes termes je suis certain d'une chose, vous ne comprendriez pas mes propos en leur attribuant le sens que je leur attribue, donc à quoi bon ? Je suis tout aussi certain d'une autre chose, je viens de faire la démonstration de mon réalisme : dans la réalité vous n'êtes pas moi et je ne suis pas vous.