Toute société “végétale”, “animale” ou autre1, et de toute sorte, des sociétés de bactéries aux sociétés humaines (actuellement les plus complexes), a le même besoin, fonctionner comme un seul corps. On peut considérer un organisme comme une sorte de société et une société comme une sorte d'organisme : le plan général d'organisation de tout être vivant est le même, une partie qui dirige, une partie qui travaille, une partie qui contrôle, protège, régule et sanctionne. On peut disserter sur la question de savoir si ce plan est optimal ou non, en tout cas il est.

Tout être vivant a deux projets en partie incompatibles, se préserver et se perpétuer, vivre et donner la vie : donner la vie revient à se diviser, et se diviser c'est mourir. Dit ainsi, se préserver et se perpétuer n'est pas en partie mais en totalité incompatible. Oui et non : d'une part, tant qu'il ne se divise pas, un individu peut se préserver, mais peut aussi mourir, de l'autre, se diviser donne vie à deux individus qui, peut-on dire, sont des clones l'un de l'autre: ils sont tous deux semblables à l'ancien individu donc semblables l'un l'autre, mais aucun des deux n'est préférablement l'ancien individu. En se perpétuant l'individu se préserve tout en devenant autre. On a donc deux individus à la fois mêmes et autres, mêmes que l'ancien et mêmes tous deux, autres que l'ancien et autres tous deux.

Sans disserter non plus sur le pourquoi, par le fait on peut constater que ce phénomène que l'on nomme la vie a la particularité de sembler vouloir croître et multiplier. Honnêtement, je me fiche royalement des causes premières et des pourquois sans réponse pertinente, savoir pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien m'indiffère, seul m'intéresse que ça continue, qu'il y ait dans les temps à venir quelques chose plutôt que rien. Je suis profondément égoïste et n'ai qu'un but dans cette vie, voir durer la mienne aussi longtemps que possible et dans les meilleures conditions possibles. Je ne vois nul intérêt dans la quête incessante de certains, de beaucoup, à rechercher les cause premières et l'origine de soi et de tout. Je constate la vie, et constate que depuis plus de trois milliards d'années (en ce moment on se dirige plutôt vers les quatre milliards, à quelques centaines de millions près) qu'elle existe sur la Terre, elle persiste et prolifère. Avec des hauts et des bas mais avec une constance certaine. Les quand et les pourquoi de ce genre, rien à battre, les comment et combien de ce jour et des suivants, quelque chose à battre : le passé vaut pour ce qu'il nous apprend de nos erreurs, pour le reste mon truc c'est carpe diem, advienne que pourra et pourvu que ça dure, pour moi et pour mes descendants puisqu'ils seront, qu'ils sont moi.

Et oui, pour un humain il en va comme pour une bactérie, et pour une société comme pour un humain : en se divisant, ils donnent naissance à une sorte de clone. Un clone vrai, donc différent de son parent. Pas très différent mais suffisamment pour augmenter les chances de chacune des parties de poursuivre un peu plus longtemps la partie.



1. Je ne me rappelle plus les détails mais ces derniers lustres ou décennies notre division des règnes a évolué, certaines lignées, tels les mycètes (les “champignons”, en gros) ont des caractéristiques qui les rapprochent des végétaux, d'autres les rapprochent des animaux, ce qui en fait un règne à part : d'autres dont les “blobs”, les yxomycètes, sont de statut indéterminable, un peu animaux, un peu mycètes, un peu végétaux, avec quelques singularités comme la capacité de former des individus à noyau multiple par fusion de plusieurs individus à noyaux unique, etc. Bref, plus on en connaît sur la structure du vivant plus les séparations entre règnes deviennent indéterminées, d'où ce « ou autre ».