Comme précisé en introduction, je n'ai pas de foi, si l'on entend par la une foi religieuse, et si l'on définit la religion comme croyance en un dieu, une divinité, un être transcendant, par contre j'ai foi en bien des choses, considérant le sens premier de “foi”, qui est un quasi synonyme de “confiance”, oui, j'ai de la confiance, en moi, en les autres, en la réalité, en bien des êtres et des choses. Une confiance mesurée mais réelle. En tous les cas, je n'ai pas foi en un être nommé Jésus et supposé être un homme et un dieu et une troisième entité donnée par les catholiques, probablement les orthodoxes et certains réformés, comme “saint esprit”, ou un être nommé Dieu et supposé être ces trois entités ou un être nommé Saint-Esprit et supposé être ces trois entités. Il me semble honnête de mentionner cela dans une discussion où l'on parlera de choses en rapport avec ce type de foi.

Retour de Jésus sur la Terre.

J'ai une hypothèse assez fondée, le temps tel qu'on le décrit habituellement, temps cyclique ou linéaire, n'existe pas, il s'agit d'une construction conditionnelle. Par contre le temps comme succession d'événements me semble indubitable et de ce point de vue, l'advenue de certains événements induit l'impossibilité d'autres événements subséquents. Par exemple s'il a existé un humain né alentour du début de l'ère commune, donc, à cette date (30 juillet 2018) il y a environ 2020 ans, à quatre ou cinq ans près, nommé Jésus et ayant accompli certains actes recensés pour partie et avec plus ou moins d'exactitude dans un ouvrage nommé La Bible, partie “Nouveau Testament”, et censément mort il y a environ 1980 ans, à cinq ou dix ans près, quelque interprétation que l'on puisse faire de l'épisode dit “résurrection de Jésus”, tout du moins je suis sûr d'une chose, après cette supposée résurrection il aura vécu par après, selon l'estimation qu'on en peut faire en succession de cycles annuels, au plus jusqu'au début du deuxième siècle de l'ère commune.

Excursus : le problème du temps.

Si l'on souhaite communiquer avec ses semblables on doit le faire d'une manière commune, et par exemple discuter de la succession des événements en termes de temps, que ce soit le temps linéaire ou le temps cyclique. Ce qui me pose problème : tout ce qui a jamais eu lieu et conséquemment, tout ce qui aura jamais lieu, existe ici et maintenant, comme trace ou comme potentialité. De ce point de vue, l'individu Jésus, s'il a vécu, n'existe plus, l'entité qui porta ce nom et vécut cette vie, existe toujours, si même elle ne vécut pas cette vie. Pour le philosophe Michel Onfray par exemple Jésus est comme il dit un être conceptuel, un mythe, un personnage de fiction. Il en déduit que Jésus n'a pas existé. Cela va contre le sens : si la fiction existe – en tant que fiction – alors les êtres qu'on y décrit existent. On peut même dire que l'existence de certains être de fiction est beaucoup plus réelle que celle de la grande majorité des entités effectives, celles ayant vécu une vie autre que de fiction. À quoi l'on peut ajouter que de toute manière tout être “du passé” est fictif, car ce que l'on en connaît est ce que l'on en peut dire, et ce que l'on dit n'est pas la réalité effective, ou n'a d'autre effectivité que celle de l'énonciation.

Si je prends mon cas, de fait je suis une certaine entité née à une certaine date dans le passé et morte à une certaine date dans le futur au moment où j'écris (inévitablement, morte dans le passé à une date de lecture de ce texte ultérieure au moment de ma mort, qui viendra nécessairement – je veux dire, le moment de ma mort, qui est certain, l'hypothétique lecture de ce texte par un tiers dans un futur post mortem relativement à moi étant incertaine – mais au moment de sa rédaction, par le fait cette date est dans le futur). Entre ces dates, je puis me prouver et de ce fait me certifier en tant qu'entité effective en me présentant, ce qui me constitue en tant qu'entité réelle est ma réalité d'entité vivante. Avant comme après cette période entre ces dates je ne puis être que fictif, avant comme hypothèse, après comme traces : ce que l'on pourrait dire sur moi après ma mort ne parlera pas de l'entité réelle que je fus un temps mais des traces du passage de cette entité, non tant dans la réalité effective que dans la mémoire du monde et des êtres. De ce point de vue, un être de fiction n'a pas moins d'existence qu'une entité effective mais morte. Je suppose qu'une entité telle que le héros mésopotamien Gilgamesh ne fut pas une entité effective mais comme personnage ayant laissé des traces il a une existence bien plus “vraie” que la plupart des entités qui contribuèrent à le constituer comme entité de discours.

Considérant cela, peu importe qu'une entité effective soit à la base du Jésus raconté dans les nombreux écrits parlant d'elle depuis environ deux millénaire, le simple fait qu'on en parle, et qu'on en parle comme être, la constitue comme entité, mais sans rapport réel avec la possible entité effective d'il y a deux millénaires.

Pour en revenir au sujet de cet excursus, voici mon problème : le temps cyclique et celui linéaire sont des fictions, certes commodes pour l'ordinaire de nos vies mais trompeuses. L'aboutissement logique du temps cyclique considéré comme réalité est ce que Nietzsche nomme “éternel retour”, notion aussi ancienne que la philosophie, aussi ancienne que la réflexion sur la vie comme cycle, comme recommencement perpétuel, qu'on l'imagine métempsychose, réincarnation ou refondation du monde, même l'idée chrétienne de “résurrection des corps” a, sous une apparence linéaire, un fondement cyclique puisque ce sera une “nouvelle vie”, une forme nouvelle de la même expérience. C'est logique, l'approche de base de la Torah, dont découle le christianisme, est cyclique. L'aboutissement logique du temps linéaire considéré comme réalité est la non réversibilité, le “progrès”, à quoi s'ajoute la causalité, l'enchaînement des “causes” et des “effets”, amenant une appréciation téléologique de la réalité, un « système de relations, de rapports entre des moyens et des fins » (TLF, article « téléologie »), et l'univers comme finaliste.

une idéologie “cyclique” ou “linéaire” peut autant conduire à une forme de millénarisme que de nihilisme, sinon que l'une ou l'autre fin sera marquée inversement : dans une approche cyclique de la suite des événements, l'eschatologie millénariste est plutôt déceptive, celle nihiliste plutôt gratifiante, dans le premier cas il s'agit de la fin d'un cycle et il y a toujours risque quand on passe d'un cycle à l'autre, celui de revenir dans une situation pire que celle actuelle, le but ultime étant la “sortie du temps”, des cycles, le néant ; dans une approche linéaire les temps n'ont pas de fin, donc la “fin des temps” millénariste serait quelque chose comme la fin de l'Histoire, une situation où, comme dit l'autre, « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles », alors que le néant ne serait que la fin des événements concernant l'individu, son groupe, son espèce, la mort définitive.

Factuellement, ces deux conceptions du temps sont donc fallacieuses, trompeuses, et reposent sur une perception subjective déterminée localement pour le temps cyclique, intimement pour le temps linéaire. D'évidence, le temps cyclique découle de l'observation de phénomènes qui se reproduisent sur des durées diverses, la rotation de la Terre sur elle-même, ou journée, la variation de l'ombre portée de la Terre sur la Lune, ou lunaison, ou mois lunaire, la variation de distance de la Terre au Soleil, ou année solaire. Ces mouvements se divisent en phases de plus ou moins de durée, pour la journée au minimum l'alternance jour-nuit, pour le jour et dans les zones où ce mouvement est significatif, ce qui exclut largement les cercles polaires, les phases avant et après que le Soleil soit à son zénith,“avant midi” et “après midi”1 et subdivisions plus fines, celle courante étant les douze heures de jour2, cette division découlant du fait que beaucoup de cultures antiques avaient une base de numérotation de douze unités, ou d'un multiple de douze3. De même, la semaine est associée aux phases de la lune, ses quartiers, une lunaison dure un peu plus que quatre semaines mais on ne peut guère concevoir des parties simples de cycles de sept unités 1/4. Dans une bonne part du continent eurasiatique, où les modèles de description des cycles actuels les plus courants furent élaborés, l'année solaire compte quatre saisons qui s'articulent sur les solstices et les équinoxes. Là aussi le cycle réel n'est pas entier, on le sait, un peu plus de 365 jours, et chaque société a trouvé ses méthodes, plus ou moins efficaces, pour corriger cela, la plus courante étant une année divisée en mois de durée égale (28, 29 ou 30 jours) ou variable (28 à 31 jours) et un mois “intercalaire” court4. Le temps linéaire considère la succession des événements, la “flèche du temps” qui débute à l'origine des temps et achève sa course à la fin des temps. Les deux temps ne s'excluent pas nécessairement, même dans les conceptions cycliques de l'univers, que Nietzsche nomme l'éternel retour, ces cosmogonies qui postulent de diverses manières que la suite des temps a un début et une fin et qu'à la fin tout recommence, durant la période entre le début et la fin le temps est linéaire, et bien sûr le temps linéaire se déroule dans une succession de cycles, jour, semaine, etc.

Temps cyclique et temps linéaire sont donc des constructions, considérant les faits : tout ce qui fut jamais est encore, tout ce qui sera est déjà. Même si je ne crois pas réellement au libre arbitre du moins je crois que si on veut vraiment avoir une petite part de ce qu'on peut placer sous cette étiquette il faut tenir compte de cela, tenir compte que la conception ordinaire du temps est défectueuse. Dire que ce qui fut est, revient à constater que ce que l'on nomme ordinairement le passé persiste dans le présent, que tout événement passé continue dans le présent par ses traces matérielles et conceptuelles et par, disons, ses effets. De ce fait on peut postuler que tout ce qui sera est, que les événements du présent préparent les traces du futur, sont des traces du futur dès leur avènement. Je le précisais précédemment, on peut considérer un temps réel qui est la succession des événements passés depuis l'origine de l'univers jusqu'au présent, que continueront les événements depuis le présent jusqu'à la fin de l'univers. J'ai mon hypothèse quant à cette question du début et de la fin des temps mais ça n'a pas tant d'importance, on peut considérer que très probablement l'événement qui détermina cet univers, dit inexactement le “big bang”, aura dans un temps indéterminé mais lointain son symétrique, un autre événement catastrophique qui signera sa fin, de ce fait toute hypothèse sur la situation avant ou après ce moment a son intérêt mais une portée assez réduite quant à notre réalité, qui a lieu dans le cadre de cet univers. Dans cet univers le temps comme durée n'a pas de réalité même s'il a localement une effectivité, aussi longtemps que notre système solaire persistera, envisager le temps comme durée, comme succession de jours, de lunaisons, d'années, de générations, d'ères, restera valide. Par contre, considérer que le passé est révolu et le futur non advenu pose problème.

Il faut s'entendre : les événements effectivement advenus sont révolus, ceux non advenus effectivement, et bien, ne sont pas réalisés. Maintenant, pour ceux déjà réalisés on ne peut que constater leur persistance,


1. Encore utilisé dans ses formes latines chez les anglophones, “ante meridiem” ou AM et “post meridiem” ou PM, les pays dits de langue latine ayant opté pour une notion qui renvoie à la religion chrétienne, “matin” ou “matino” ou “mañana”, qui désigne la phase entre les matines et le midi.
2. Qui, longtemps, correspondirent à la douzième partie du mouvement apparent du Soleil dans le ciel, donc la durée objective de chaque heure d'une demi-journée différait, et dans un pays comme la France les heures du solstice d'hiver avaient une durée objective presque moitié moindre que celles du solstice d'été. Bien sûr, plus on se rapproche de l'équateur, moins la durée objective du jour varie d'un solstice l'autre.
3. Ce n'est pas universel cela dit, par exemple les langues dites germaniques gardent trace d'une base de compte douze, les nombres étant nommés jusqu'à ce compte, les suivants nommés par combinaison (trois-dix, quatre-dix, etc.) alors que le français nomme les nombres jusqu'à seize, suggérant donc une probable ancienne base de compte seize – soit précisé, le dernier nombre nommé séquentiellement n'est pas un chiffre, une unité, mais le nom du premier nombre de rang deux, pour exemple dix est en base dix le premier nombre non chiffre. Incidemment, on peut postuler que sur ce plan les seules langues latines strictes sont l'italien et le roumain, qui donnent des noms combinés dès onze, un-dix, deux-dix, etc.
4. Les calendriers solaires ne recensent pas toujours toute l'année, ce sont des instruments utilitaires, spécialement pour déterminer les moments de l'année ou certaines choses souvent en lien avec les cultures et les élevages doivent être faites, comme le plus ancien calendrier romain, dit romuléen, comptant dix mois de 30 ou 31 jours et ne tenant pas compte de la période “stérile”, entre décembre et mars.