Les conspirations et les complots sont les alphas et les omégas des sociétés humaines, ou les A et les Z, ou les ʾalifs et les yās, ou les alephs et les tavs, ou toute autre paire de lettres-sons qui commencent et finissent la liste des lettres-sons d'une langue écrite – certaines lettres, dites diacritiques, ne notent pas des sons mais des modifications de sons pour certaines lettres. Ce qui ne concerne bien sûr pas les écritures qui n'ont ni début ni fin et qui de ce fait se rapprochent formellement plus des langues parlées, écritures en tout ou partie idéographiques, hiéroglyphiques, pictographiques, qui n'ont pas un nombre fini et ordonné de signes. Bref, les complots et conspirations sont le début et la fin de tout – en tout cas, le début et la fin des sociétés, et pour un être social sa société et tout ça revient à-peu-près au même...

Les discussions de ce site peuvent pour nombre d'entre elles faire voir ou lire son rédacteur principal et presque unique à cette date (le 17 juin 2018 à 8h du matin) comme, insulte courante, un “relativiste”. Ce que je ne conteste pas, pour autant qu'on prenne le terme en un certain sens : est relatif ce qui relie, et en effet je relie beaucoup, objectivement je perçois bien plus ce qui relie que ce qui sépare, subjectivement je m'attache bien plus à ce qui relie qu'à ce qui sépare, intellectuellement je cherche bien plus ce qui relie que ce qui sépare, moralement, éthiquement, politiquement, idéologiquement je privilégie bien plus ce qui relie que ce qui sépare. Ce qui relie ou unit plutôt que ce qui sépare ou divise. De ce point de vue je suis relativiste.

Si maintenant on m'appliquait cette acception courante qui définit le “relativisme” comme, en gros, la mise en cause de la validité des théories et hypothèses d'ordre scientifique en tant que faits circonstanciels ou la mise en cause de principes postulés universels en tant que productions de telle société ou civilisation, alors non, je ne suis pas relativiste. Pour les sciences je suis sceptique, parce que précisément je respecte et reconnaît les démarches d'ordre scientifique, pour les principes, j'ai une position critique, je les interroge encore et encore, mais ce que je crois je n'en démordrai pas, parce que ce n'est que par la conviction qu'on peut conduire son chemin de vie.


Les complots et conspirations... Dans le cadre de ce site, ça réfère à deux manières opposées au départ de “faire société”, le complot vise à diviser et séparer, la conspiration à relier et unir. Selon l'instrument conceptuel utilisé pour les décrire, on pourra nommer diversement ces tendances. Selon le schéma actuel des structures politiques (des modes de régulation des sociétés) tels qu'ils se sont à-peu-près stabilisés au siècle passé on peut nommer les tendances modérées du complotisme, “autoritarisme”, du conspirationnisme, “démocratie”, celles plus radicales “tyrannie” ou “dictature” et “anarchie” ou “ultra-libéralisme”, celles extrêmes “totalitarisme” car dans les deux cas il s'agit de faire de la société “un seul corps et un seul esprit”, un “tout”, en mode complot on exclut et on élimine tout ce qui est “autre”, en mode conspiration on réduit les différences quelles qu'en soient les conséquences sur les individus. Disons, le but est le même, que tous les membres de la société soient des semblables, dans le complotisme la séparation est une fin, dans le conspirationnisme c'est un moyen, dans les deux cas on vise à “séparer le bon grain de l'ivraie” mais avant le temps de la moisson...


En finir avec les complots et conspirations, donc. J'ai quelques difficultés à y parvenir, il semble, j'ai fait suivre la première phrase de cet alinéa de quatre développements, et les ai supprimés parce que je retombe toujours dans mon travers, vouloir épuiser le sujet, or il est inépuisable. J'ai une fichue tendance, vouloir convaincre. C'est idiot : soit on comprend mon propos, et en ce cas il n'y a pas à convaincre, soit non, et en ce cas vouloir convaincre est vain. J'ai abondamment dit ce qu'il en est ici pour moi des complots et conspirations, un mode de régulation sociale qui, utilisé avec mesure et discernement, permet de maintenir la structure et de la faire évoluer. Croire que les complots et conspirations n'existent pas ou sont des faits rares revient à croire qu'il n'y a pas de sociétés humaines – remarquez, c'est une croyance certes minoritaire mais somme toute point si rare.

Je relève dans diverses pages un point assez explicatif des dérives “conspirationnistes” et “complotistes”, tout ce qui fut et tout ce qui sera, est. Passé et avenir ne sont pas des réalités, il n'y a qu'une réalité, celle de l'ici et du maintenant, “le passé” et “l'avenir” sont des extensions de cet ici et ce maintenant, ce qu'on sait du passé n'est pas dans le passé mais dans le présent, la trace actuelle d'événements révolus, ce qu'on sait de l'avenir n'est pas dans l'avenir mais dans le présent, ce qu'on anticipe ou escompte d'événements non encore advenus. Notre connaissance du passé ne dépend pas de ce qui advint mais de notre capacité ici et maintenant à connaître et comprendre ce qui advint, et notre connaissance de l'avenir ne dépend pas de ce qui n'est pas advenu mais de notre capacité, ici et maintenant, à faire des choix judicieux pour que certains événements adviennent d'une certaine manière. Le temps ressemble bien plus à une accumulation de strates qu'à ce voyage qu'on présente le plus souvent. Ce que l'on sait du passé n'est pas derrière ou devant mais dessous ou dessus.

Il m'arrive de dire que j'ai trente ans. Certes, trente ans “un peu vieux” mais trente ans. D'un point de vue chronologique j'ai, à cette date, près de soixante ans – je les aurai en mai 2019, autant dire dans peu de temps. D'un sens je les ai puisque né le 11 mai 1959 donc conçu neuf mois plus tôt, vers la mi-août 1958, il y a soixante ans à un mois près. Pourtant j'ai, en gros, trente ans. Cela tient au fait que, disons, ma personnalité s'est stabilisée à ce moment-là. Je pourrais décrire cela autrement en disant que j'ai connu quelque chose qu'on peut nommer une “seconde naissance” : il y a soixante ans je suis né comme individu, comme être vivant, et trente ans après je suis né comme personne, comme être humain accompli. Avant cela j'ai accumulé les connaissances, savoirs, attitudes et habitudes à partir de quoi je me suis “inventé”. Dire aujourd'hui “j'ai trente ans” ne revient pas à dire que je suis “devenu moi-même” il y a trente ans mais que je le suis devenu vers trente ans, j'aurais pu dire cela il y a dix ou vingt ans et je pourrai le dire dans dix ou vingt ans. Bien sûr je me relie à la personne que je fus entre ma naissance et mes trente ans mais différemment, j'ai changé au cours des trente dernières années mais d'autre manière qu'auparavant, on peut dire que toute ma vie est “mon présent”, les premiers trente ans “mon passé”, depuis et jusqu'au moment que j'espère le plus tardif et bref possible, où je “changerai de personnalité”, “mon avenir”, le reste de ma vie sera une sorte de présent, mais autre, le présent éternel d'un vie où les expériences nouvelles ni ne me feront autre, ni ne me changeront.

L'inventeur de la théorie de la récapitulation, Ernst Haeckel, postulait que « l’ontogenèse récapitule la phylogenèse », ce qui par après se révéla inexact – dès la fin du XIX° siècle, trois décennies après qu'il eut développé sa “théorie”, on avait mis en évidence ses limites. Comme beaucoup de scientifiques de son époque, Haeckel avait généralisé un principe sans réelle preuve empirique. Cela dit, il y a du vrai dans sa théorie.


Publié initialement le 15 juin 2018 à 16h19.