C'est comment une famille ? Les femmes dans la maison, les hommes dehors.
C'est comment une ville ? Les femmes dans les maisons, les hommes dehors.
C'est comment un État ? Les femmes dans les maisons, les hommes dehors.
C'est comment une société ? Les femmes dans les maisons, les hommes dehors.
C'est comment l'humanité ? Les femmes dans les maisons, les hommes dehors.
Bref, si on est dans une maison, on est une femme, si on est dehors, on est un homme.
Ou alors, on peut le dire autrement..
C'est comment une famille ? Les femmes à l'intérieur, les hommes à l'extérieur.
C'est comment une ville ? Les femmes à l'intérieur, les hommes à l'extérieur.
C'est comment un État ? Les femmes à l'intérieur, les hommes à l'extérieur.
C'est comment une société ? Les femmes à l'intérieur, les hommes à l'extérieur.
C'est comment l'humanité ? Les femmes à l'intérieur, les hommes à l'extérieur.
Bref, si on est à l'intérieur, on est une femme, si on est à l'extérieur, on est un homme.
Bien évidemment, ça n'est pas vraiment ça la réalité. Ça n'est pas du tout ça la réalité, pas du tout ça. Et même, ça n'a jamais été ça. Localement peut-être, temporairement peut-être, globalement et dans la durée, non. Pourtant, j'ai le sentiment qu'on nous raconte une histoire de ce genre, qu'on nous raconte l'Histoire comme ça, et aussi la géographie, dans le passé, ou au loin, les femmes sont à l'intérieur, les hommes sont à l'extérieur, les femmes s'occupent de la maison, autant dire de rien, les hommes s'occupent du dehors, autant dire de tout. Ouais... J'ai comme qui dirait une impression différente...
Dans une société, dans n'importe quelle société, je vois ceci : les femmes réalisent la presque totalité des tâches, dans la maison, autour de la maison et au loin, les hommes font des trucs et des machins, passent beaucoup de temps à causer entre eux, se promènent genre « je vais au boulot » et quand ils reviennent, ouais, ils ne ramènent pas grand chose, je ne sais pas ce que c'est leur boulot mais ça n'a pas l'air trop fatigant, et pourtant ils ont l'air crevé, alors que les femmes ont l'air un peu fatiguées mais pas trop. Je me demande ce qu'ils peuvent vraiment faire pour être si fatigués avec un si maigre résultat. Ouais, d'un sens je crois que je préfère ne pas savoir...
La question que je me pose vraiment est la suivante : pourquoi la description courante des sociétés est-elle contraire à ce qu'on peut en voir ? Voici ce que je vois : quand on demande à une femme d'exécuter une tâche censément masculine, sauf rares cas, au pire elle fait aussi bien, souvent elle fait mieux ; si on réclame à un homme d'exécuter une tâche censément féminine, au mieux il fait aussi bien, souvent il fait pire. Là-dessus, je vois aussi des choses curieuses, des choses de ce genre : dès lors qu'on permet au femmes de suivre des études qui ne sont pas différentes de celles que suivent les hommes, elles ont tendance à avoir de meilleures performances, par contre il se passe ceci que, passé certains planchers, l'efficience des femmes, qui au pire est constante, souvent progresse, en vient à régresser, et des plafonds où le taux de réussite académique des femmes, qui jusque-là est constante ou augmente, se réduit. À remarquer que cela est vrai dans des secteurs d'activité censément féminins, je veux dire : si dans une activité donnée on constate que la majorité ou la totalité des personnes qui y réussissent sont des femmes, quand on arrive à des niveaux déterminés comme étant “de responsabilité”, mystérieusement, les hommes y progressent ou même y apparaissent. Quelques cas concrets :
- Dans une usine de confection classique des année 1970, aux tâches d'exécution il n'y avait que des femmes dans les secteurs d'assemblage, que des hommes dans les secteurs de coupe et d'entretien des machines, et dans les tâches de direction et de contrôle, si l'on trouvait des femmes aux fonctions subalternes, on ne trouvait que des hommes aux plus hauts échelons. Or, si par circonstance presque toutes les fonctions étaient dévolues à des femmes, et bien ça marchait plutôt mieux qu'auparavant (on a vu le cas dans des occupations d'usines).
- Quelles que soient les contraintes non coercitives ordonnant qu'il y ait la même proportion de femmes et d'hommes en fonction ou un faible différentiel dans des postes de direction, de contrôle ou de responsabilité, la proportion de femmes ne progresse que peu et dans certaines circonstances elle régresse, cas bien connu des assemblées législatives ; en France, on a vu ceci qu'après la constitutionnalisation de la parité, la proportion du nombre de femmes a beaucoup plus vite progressé au Sénat qu'à l'Assemblée nationale jusqu'à cette année 2017, et qu'en toite hypothèse elle continuera d'y progresser jusqu'à approcher la parité. La raison en est simple, au Sénat la désignation des élus a lieu principalement par scrutins de listes, et dans ces scrutins la parité est obligatoire (pour exemple, dans les élections municipales on parvint immédiatement à la quasi-parité dès après qu'elle devint constitutionnelle, avec près de 48% de femmes aujourd'hui, tout simplement parce que ce sont des scrutins de listes, ce qui n'induit pas la parité pour le nombre de maires, même si deux des quatre plus grande villes, Paris et Lille, ont une mairesse1) ; l'Assemblée nationale a connu une bien plus lente progression sauf lors des législatives de 1017, et il faut constater ceci : si le parti majoritaire parvient presque à la parité avec 47% de femmes, et si tous les partis, disons, de gauche et du centre approchent ou dépassent les 40% d'élues sinon le PCF (20%) et le PRG (cas particulier, 100% de femmes avec trois élues) et les 50% de candidates, aucun parti de droite ne dépasse les 25% de femmes et en outre, le parti Les Républicains a présenté moins que 40% de candidates.
- L'égalité de salaires entre femmes et homme est une obligation légale et pourtant un écart moyen d'environ 20% persiste. Considérant même les différences de salaires justifiées par des différences de carrières, l'écart reste d'environ 15%.
J'arrête là ma liste de cas concrets, elle est inépuisable. Le constat est le suivant : si l'on considère objectivement l'utilité sociale des femmes et des hommes, au pire les femmes et les hommes sont d'égale utilité, souvent l'utilité sociale des femmes est supérieure ; si l'on considère la position sociale des individus, celle moyenne de l'ensemble masculin est systématiquement supérieure à celle moyenne des femmes, et plus on s'élève dans la hiérarchie sociale, plus l'écart augmente, y compris dans des secteurs où à la base la proportion des femmes est très majoritaire voire exclusive.
Petite pause, je discuterai de conspirations et de complots par après, peut-être...
Contextualisation.
Bon, j'en discute. C'est une histoire d'essence et d'apparence. De l'individu le plus simple (virus, procaryotes) au plus complexe (primates, cétacés, poulpes...), la seule essence qui soit directement connaissable est soi, je sais que la vie existe parce que je me constate, et me constatant je constate que je vis. Toute autre vie que la mienne est une hypothèse. Si je veux, disons, vérifier la présence d'autres vies, d'autres vivants, je ne dispose d'aucun moyen direct, que je sois un virus ou un primate. De même que je ne crois pas aux complots et conspirations mais que je les constate, je ne crois pas à quelque téléologie que ce soit mais je peux en faire l'hypothèse, quelque chose comme “le sens de la vie” dans une acception très basique, la direction générale de l'évolution : affiner ses capacités de discernement. Je ne suppose pas une téléologie, néanmoins je constate que le mouvement général de la vie est quelque chose de cet ordre, réduire l'incertitude quand à l'hypothèse qu'il existe d'autres vivants que soi. Le degré zéro de capacité de discernement est la forme virus, certes on peut aussi faire l'hypothèse de formes encore plus restreintes de vie mais pour l'heure c'est une hypothèse indémontrable, ce qui ne préjuge pas de l'avenir : le virus est incapable de discernement par lui-même. Ce qui crée un paradoxe : en tant qu'individu, un virus n'a presque pas de capacité de discernement, il est uniquement apte à discerner le point dans ce monde qui lui signale la possibilité de devenir actif ; une fois actif il n'est plus un individu mais une partie d'un individu, la question étant alors de savoir si l'on peut encore le déterminer comme un individu. D'un sens oui, puisque son activité est d'inciter son hôte à engendrer des individus de son espèce, à engendrer des virus, de l'autre non puisque sans son hôte il est incapable de se reproduire, donc c'est son hôte qui est le reproducteur, et non le virus, qui n'engendre pas directement mais le fait faire par son hôte. À l'autre bout on a les sociétés humaines qui, pour l'heure, sont les individus au niveau de discernement le plus élevé. Là on a un problème inverse : une société humaine est la variété d'être vivant ayant la plus haute capacité de discernement mais aussi le plus faible niveau de conscience de soi. On ne peut que faire l'hypothèse qu'un virus est un être vivant, par contre on peut constater son haut niveau de conscience de soi par sa capacité à se reproduire alors qu'il n'a pas les moyens propres de le faire. À l'inverse, la haute capacité de discernement des sociétés humaines est un fait indéniable, par contre leur capacité à se reproduire n'est pas démontrable, ou du moins n'est pas démontrée.
De manière élémentaire, la vie se définit par ces deux critères, capacité de discernement et capacité de reproduction, tout le reste en découle. La capacité de discernement ne concerne pas le seul aspect évoqué, il s'agit de pouvoir identifier tout et n'importe quoi, comme le dit cette sentence que je reprends souvent, de « séparer le bon grain de l'ivraie ». Cette parabole est une bonne description du rapport au monde le plus judicieux, quand on ne peut pas faire clairement la différence entre deux objets puis quand, les différenciant, on ne peut sans risque les séparer, il faut savoir attendre le moment propice pour effectuer cette opération de séparation. Bien sûr, si l'on peut améliorer son discernement et affiner sa capacité d'action, on réduira le délai pour faire cette séparation, mais dans tous les cas il faut savoir attendre le moment propice. Pour une application simple, la longue et lente amélioration de diagnostic et de soin pour les cancers, où il s'agit en effet de séparer des objets très similaires, cellules cancéreuses et non cancéreuses : par le fait, il devient possible aujourd'hui de détecter des formations cancéreuses à un stade très précoce, et comme on craint toujours le risque de cancer, la tendance normale est de vouloir supprimer les cellules cancéreuses, d'empêcher leur développement. Il se trouve que si on a conjointement amélioré les méthodes de soin, celui-ci ne se fait jamais sans dommage. D'où, de plus en plus souvent, une question cruciale : doit-on systématiquement soigner ?
La question se pose pour une raison simple : avant l'amélioration nette des méthodes de dépistage des cancers du sein et de la prostate, certes le moment tardif du diagnostic réduisait de beaucoup les chances de survie des malades, même après soin ; de l'autre côté, avant que ce diagnostic atteigne un haut niveau de précocité, le nombre de cancers du sein et de la prostate avérés était assez inférieur à celui indiqué par ce dépistage ; enfin, d'une part la cure pour ces deux types de cancers a souvent des effets secondaires nocifs, parfois définitivement, de l'autre le dépistage lui-même n'est pas toujours sans risques. D'où une discussion récurrente sur ce sujet, qui porte sur plusieurs points :
- Quel est le délai optimal entre deux dépistages ? Trop long, il réduit les chances de faire un dépistage suffisamment précoce, trop court il multiplie les risques dus au dépistage même et le risque de détecter une formation cancéreuse qui pourrait se résorber naturellement un peu plus tard, ou dont le délai de développement jusqu'à morbidité ou mortalité excède de beaucoup l'espérance de vie de l'individu.
- Quel est le délai maximal entre le dépistage et le moment d'intervention ? Puisque l'on sait objectivement qu'un certain nombre d'interventions est inutile, la question est alors de déterminer le moment où le développement du nodule cancéreux devient probablement morbide et requiert un soin, et celui où le risque de récidive devient élevé, de manière à ne procéder au soin que quand il se révèle nécessaire et urgent.
- Ne doit-on pas pondérer le dépistage ? C'est ce qui se fait pour le cancer du sein : les données statistiques indiquent que le risque de développement d'un tel cancer est maximal entre, je ne me rappelle plus exactement mais trente-cinq et soixante-dix ans il me semble, avec un pic entre quarante-cinq et soixante ans. De ce fait, on ne requiert pas de dépistage avant 35 et après 70 ans et le délai entre deux dépistages varie en fonction de l'âge. Une fausse présentation courante est de dire que ces restrictions sont dictées par des raisons budgétaires, or cela joue c'est à la périphérie, la principale raison est de réduire les risques induits par le dépistage, la réduction des coûts étant alors une conséquence.
- Quel est le bon équilibre entre risque et prévention ? Pour prendre un autre exemple, après Tchernobyl les autorités, qui au départ avaient évacué toute la population de la zone contaminée par la radioactivité induite ont finalement, sinon autorisé du moins laissé libres les personnes d'un certain âge (55 ans et plus) qui souhaitaient s'installer dans certaines zones à contamination faible à le faire, avec ce calcul simple : quand on a une espérance de vie d'environ trente ans et un risque de cancer induit à horizon de quarante ans, on a toutes chances de mourir de n'importe quoi sauf de ça. Bien sûr, un individu n'est pas une donnée statistique, il se peut que la personne fasse un mauvais calcul, ait un terrain favorable au développement de cancers qui réduira le délai de contamination ou vive assez pour dépasser ces quarante ans. La question alors est celle de l'information : si elle dispose de tous les éléments et décide de prendre le risque, la société ne la punira pas en lui refusant un soin si elle développe un cancer mais la personne ne pourra pas de son côté demander réparation pour une conséquence due à son libre choix.
J'avais songé à d'autres éléments de réflexion mais peu importe, ceux-là suffisent. De fait, la capacité de discernement a un coût énergétique élevé pour un rendement incertain avec des risques corrélatifs toujours possibles. Pour la nommer autrement, la capacité de discernement a deux aspects, celui du vecteur, ou capacité de communication, et celui du traitement, ou capacité d'information. La capacité de reproduction peut aussi se dire capacité d'action, ça ne concerne pas la seule reproduction de soi, mais celle, disons, de reproduire des gestes, d'avoir une action adaptée à un certain contexte. Communiquer et s'informer permet d'avoir la mémoire, donc la reconnaissance, de contextes stéréotypés, et d'ajuster ses comportements à ces contextes. Il y a bien sûr toujours une incertitude, il se peut qu'un certain contexte ait l'apparence d'une série d'autres contextes mais ça n'est jamais certain, et de ce fait il se peut qu'un comportement se révèle ne pas être adapté au contexte. Je parle de ça dans des textes traitant d'autres questions, il existe par exemple des animaux qui ont une apparence assez semblable mais un comportement assez différent. Le cas que je cite souvent est celui d'une famille de mammifères, les muridés, spécialement d'une sous-famille, les murinés, qui regroupe les rongeurs de type “souris” et ceux de type “rat”. Or, en cas de menace ces deux types de rongeurs ont des comportements très différents, les premiers ont un comportement de type “proie”, les seconds, de type “prédateur”. Et de fait, adopter un comportement adapté à une situation de type proie-proie, proie-prédateur, prédateur-proie ou prédateur-prédateur quand le contexte n'est pas celui attendu peut avoir des conséquences imprévisibles. Autre exemple, les fanes de carottes sauvages et celles de la petite cigüe (Aethusa cynapium) sont, à certaines époques, assez similaires. Si l'on a un peu de connaissance des plantes, il y a des signes qui permettent de les différencier (odeur, marques sur la tige, fruits...) mais si on n'en a aucune, et bien, on se fait naïvement une soupe de fanes de carottes et on meurt d'un empoisonnement à la cigüe, ce qui est arrivé il y a quelques lustres (vers 2000 je pense) à un jeune homme qui avait décidé de faire un “retour à la nature” avec ce problème qu'il avait toujours vécu en ville, donc ce ne fut pas un retour mais un aller simple.
Sans même considérer quelque téléologie que ce soit, par le fait l'évolution a conduit les individus et par leur biais les espèces à “optimiser” leurs capacités de discernement et de reproduction, à augmenter leurs capacités de discernement sans que le coût énergétique suive la même courbe (dit autrement, améliorer le rapport coût/bénéfice), et conséquemment obtenir une capacité de reproduction plus efficace, à développer et améliorer les comportements adaptées, donc à mieux identifier les contextes. On peut dire cela se fait selon deux axes, « réduire les coûts » et « améliorer la gestion des ressources ». Ils ne sont pas entièrement exclusifs mais malgré tout, pas entièrement compatibles non plus. Disons que plus on réduit les coûts (moins on développe ses capacités de discernement) moins on augmente ses capacités de reproduction (moins on agira efficacement selon les variations de contextes). Il y a quelques temps, une lignée d'êtres vivants, les mammifères, ont acquis une capacité pas entièrement nouvelle mais très spécifique cependant dans leur cas, en ce sens que jusque-là cette capacité était “innée” ou inconsciente, alors que dans leur lignée elle est “acquise” ou consciente, qu'on peut nommer le « partage de compétences ». Cette évolution propre à leur lignée a des causes explicables mais peu importe, elle existe et a eu des conséquences à long terme qui ont abouti chez certaines espèces à une évolution secondaire, qu'on peut nommer « conscience de la conscience », en gros, la capacité de s'identifier comme individu et d'identifier d'autres individus comme des semblables de manière consciente alors que chez d'autres espèces elle est inconsciente, “innée”. On peut aussi parler de capacité réflexive, en gros, la conscience de soi comme si on était observateur de soi-même, comme si on se voyait “de l'extérieur”. Là aussi les causes sont à-peu-près connues et surtout, les conséquences sont intéressantes, par exemple, la conscience de soi comme un autre induit celle de l'autre comme un soi, dit autrement, la conscience que l'autre est non seulement semblable dans son apparence mais aussi dans son essence, qu'il “réfléchit comme soi”.
Je le disais plus haut, le cœur de tout ça est une histoire d'essence et d'apparence. À la base, la seule essence connaissable est la sienne propre. Pendant longtemps, la capacité de discernement a surtout porté sur l'apparence, l'identification du semblable et du différent se faisait de manière superficielle par la vue, l'odorat, le toucher, etc. Sans trop prêter de capacité cognitive éminente à ces espèces, malgré tout les individus les plus complexes, spécialement parmi les vertébrés mais aussi chez certains invertébrés, entre autres les poulpes, ont de longue date, disons, des capacités inductives, sont à même d'identifier le semblable et le différent avec très peu d'indices, et parmi le semblable, le semblable proche (sa famille, son groupe) et le semblable lointain (les “étrangers”), cependant, autant qu'on puisse le savoir ça reste de l'ordre de l'inné (certains supposent un niveau de conscience du même ordre secondaire chez les cétacés et les poulpes mais ça n'est pas démontrable) et ça en reste au niveau de l'identification superficielle. Disons, certaines espèces font preuve de comportements qui donnent l'indice qu'elles considèrent leurs semblables comme étant de la même essence sans qu'on puisse dire que c'est conscient, cas par exemple des oiseaux et des crocodiliens, et de certains autres vertébrés, qui s'occupent de leur progéniture de leur conception à leur naissance et un peu après. Il semble maintenant assuré que ce fut aussi le cas pour les dinosaures et ce le fut pour les diverses lignées de mammaliens, dans ce cas c'est une nécessité puisqu'après leur naissance les jeunes sont dépendants de leurs parents, spécialement de leurs mères, pour leur survie.
Chez les mammifères s'ajoute une autre caractéristique qui explique largement, avec d'autres traits spécifiques, la conscientisation de l'autre comme semblable, la viviparité. Il y a eu d'autres formes de plus grande proximité entre parents et progéniture, dont l'ovoviviparité, mais la viviparité a ceci de singulier que la progéniture est entièrement dépendante de son parent pour sa survie de sa conception à sa naissance et un peu ou, selon le cas, beaucoup plus, par exemple chez les hominidés le jeune n'est capable d'autonomie que trois à dix ans après sa naissance, selon les espèces. J'abrège, en tous les cas les humains ont développé une nouvelle capacité, qu'on peut décrire comme la « conscience collective ». Là aussi ça ne part pas de rien, on en voit l'embryon chez d'autres espèces, notamment chez les autres hominidés et chez certains oiseaux, et là aussi il y a deux étapes, la période où ça reste de l'ordre de l'inné puis celle ou ça passe dans l'ordre de l'acquis, tenant compte que ce que je désigne inné et acquis n'est pas la conception courante, mes équivalences avec inconscient et conscient donne l'indice de ce que je veux désigner, la capacité de conscience collective est certes dépendante de la biologie, donc de la génétique, au départ, mais pour se réaliser dans les individus elle doit être activée par l'interaction avec les individus qui l'ont déjà activée, c'est donc inné en ce sens que seules certaines espèces en ont la capacité mais pour son actualisation, c'est de l'ordre de l'acquis selon l'acception courante. Mais donc, tant que les individus n'ont pas la conscience de cette conscience, ça reste inné, non réflexif.
INCIDENTE. Par la suite, j'indiquerai des périodes passées. La datation sera le plus souvent selon le mode “avant le présent” pour les périodes très longues, la datation “avant l'ère commune” ou “de l'ère commune” (celle qui commence il y a 2017 ans) portant sur les périodes récentes, en gros les trois à quatre derniers millénaires. FIN DE L'INCIDENTE.
La conscientisation de la capacité de conscience collective est directement liée à un trait spécifique des humains, le langage articulé, lequel permet une chose vraiment inédite cette fois, la communication de conscience à conscience, d'essence à essence. Je ne tenterai pas ici une généalogie du développement du langage articulé, d'abord parce que ça ne m'intéresse pas trop, ensuite parce que ça serait largement hypothétique, enfin parce que ça ne concerne pas vraiment cette discussion. Disons que l'on peut être certain que ce trait est stabilisé depuis au moins 150 à 200 millénaires, parce que certaines activités ne sont envisageables que si l'on est capable de ce genre de communication et qu'elles sont attestées depuis cette époque, assurément depuis 150000 ans, probablement depuis plus longtemps, 50000 à 150000 ans ou plus, ne serait-ce que du fait qu'il a fallu à coup sûr un temps assez long pour que cette capacité soit stabilisée. La période qui va m'intéresser ici est en gros les derniers 50000 ans, spécialement les derniers 15000 à 20000 ans, plus encore les derniers 6000 à 10000 ans. Bien qu'il y ait ces temps derniers des réévaluations sur les durées, notamment l'émergence du sous-groupe Homo des homininés, sur sa diversité et sa convergence2, je m'en tiendrai surtout à la période la plus récente, les derniers 40000 ans, où sauf des populations résiduelles l'essentiel des représentants du genre Homo sont des Homo sapiens. Enfin, la chose n'est pas si aussi simple, comme l'indique la dernière note l'espèce actuelle est la fusion de tous les groupes Homo, il se trouve que la morphologie résultante est assez similaire à celle des plus anciens sapiens mais de l'autre bord la différence entre les divers Homo n'est pas aussi significative qu'on l'a longtemps dit ou cru. On dira pour notre compte que l'espèce actuelle est Homo, avec possible dominante sapiens et pas mal d'harmoniques. Toujours est-il, les linéaments de la situation actuelle sont situables entre -50000 et -40000, et que ceux de la situation sociale actuelle sont situables entre -10000 et -7000. À quelques siècles près, sur des durées de cet ordre on n'est pas à 500 ans près...
On peut dire ceci : la division des tâches entre femmes et hommes trouve sa source à la fois dans la biologie et dans la culture, et les deux sont indissociables. Un fait biologique indépassable est la reproduction au sens limité : de sa conception à son sevrage le parent d'un individu qui par nécessité s'en occupe le plus est sa mère ou toute femme de son groupe. Disons, les mères. Cela induit nécessairement une répartition des tâches entre les femmes et les hommes car, et ça on l'oublie un peu, les humains eurent longtemps une espérance de vie limitée, inférieure ou égale à 25 ans, les grands vieillards allant jusqu'à 40 ou 45 ans. Ce qui induit qu'une femme disposait d'une certaine liberté pendant un temps limité, cinq à sept ans entre l'âge de cinq à sept ans jusqu'à l'âge de douze ans environ, un homme restant assez libre après la fin de sa période, disons, d'humanisation, donc pendant les deux tiers ou les quatre cinquièmes de sa vie, selon le moment de son autonomie et celui de sa mort.
Les humains sont des animaux comme les autres, sont des vivants comme les autres, leur raison d'être est de se continuer. Aucun vivant ne vit pour lui-même, il vit pour que vive la vie. Elle vit en lui le temps qu'il vit, et pour qu'elle se perpétue il doit se perpétuer. Je le raconte plus précisément par ailleurs, il y a deux options pour se perpétuer, se perpétuer dans son être, qui est à la base la forme virus, et se perpétuer dan sa descendance, qui est la forme bactérie. L'inconvénient de la forme virus est que l'individu ne peut se perpétuer par lui-même, l'inconvénient de la forme bactérie est qu'elle est précaire. L'évolution est, d'une certaine manière, la tentative permanente et jamais vraiment aboutie de concilier les deux modes d'être, il arrive toujours un moment dans le développement d'une lignée où les individus vont devoir, soit limiter leur évolution pour préserver cette conciliation, soit opter pour un des deux modes de manière plus nette. Fondamentalement, les pièces élémentaires des eucaryotes organisés, leurs cellules, sont des compromis de virus et de bactéries, par contre l'organisme entier, selon qu'il soit animal ou végétal (il y a d'autres lignées mais je prends celles représentatives des modes de base) doit s'orienter plus nettement, passé un certain niveau de complexité ou une certaine taille, les végétaux tendent à se perpétuer dans leur être, les animaux dans leur descendance. La raison même de la division des tâches et des espaces a pour origine cette nécessité à se perpétuer, la partie de la population humaine qui passe une part prépondérante de sa vie dans, disons, l'espace social, est celle orientée vers le mode viral, mobilité réduite, forte dépendance au milieu, celle qui vit essentiellement hors de cet espace est orientée vers le mode bactérien, forte mobilité, faible dépendance au milieu. D'évidence, l'intérêt de l'espèce est de préserver la part de sa population qui lui permet de se perpétuer, raison pourquoi ce sont surtout les jeunes et les femmes qui passent l'essentiel de leur vie dans l'espace social, les hommes et les adolescents qui au contraire passent une part prépondérante de leur vie en dehors, les vieux, donc ceux qui ont dépassé la durée de vie moyenne, sont quant à eux assez libres de leurs choix. Passé un certain âge leur utilité sociale immédiate se réduit mais l'espèce les accepte ou les tolère parce que, ma foi, il est toujours intéressant d'avoir à disposition quelqu'un qui a prouvé sa capacité à persévérer dans son être, il a un stock d'expérience important qu'il peut diffuser auprès des autres, et intéressant de tenter de comprendre comment on peut durer. Certes, on est destiné à finir un jour, à mourir, mais si ça peut être le plus tard possible c'est mieux.
Les germes des complots et conspirations.
Les humains ont évolué. Entre autres, ils sont parvenus au cours des temps à étendre, pour chacun de leurs groupes, leur espace social et leur espace extérieur, et surtout, ils sont parvenus à augmenter notablement leur durée individuelle. Ça n'a pas été rapide, pendant très longtemps/ Entre l'époque lointaine des chasseurs-cueilleurs primitifs et, en gros, la fin du XVII° siècle pour l'ensemble de l'espèce, la durée moyenne a été presque doublée, la durée extrême aussi, pour le dire mieux, à la fin du XVII° siècle l'espérance de vie est d'environ 40-45 ans, les plus vieux pouvant aller jusqu'à 80 ou 90 ans, une part importante des humains qui passent les cinq ou six premières années de vie peut escompter atteindre les 55 à 60 ans bien qu'un nombre non négligeable de femmes meurt assez jeune encore, généralement à la suite d'un accouchement qui s'est mal passé ou d'un avortement, spontané ou provoqué, ce qui a des conséquences morbides puis mortelles à court ou moyen terme. Rien n'est parfait, même alors il y a encore pas mal d'humains qui par accident ou par maladie voient leur vie écourtée et ne dépassent guère les 30 ans. Le moment décisif pour les humains est le XVIII° siècle, pour tout un tas de raisons qu'il est facile de connaître, l'espérance de vie va progresser comme jamais auparavant, entre 1700 et 1900 elle progresse de 50%, entre 1700 et 2000 elle double. Pas partout et pas pour tous mais tout de même, vers 2000 presque tous les humains ont une espérance de vie comprise entre 55 et 85 ans avec une moyenne mondiale alentour de 70 ans et un maximum qui passe les 110 ans. Dans le même temps, l'espace social a connu des extensions phénoménales, avec deux moments décisifs, l'invention et l'amélioration de la domestication des espèces végétales et animales entre -10000 et -7000 puis, il y a -5000 ans environ, les débuts de l'écriture. Depuis, la capacité de fédérer des ensembles de plus en plus vastes d'humains sur des territoires de plus en plus étendus n'a cessé de progresser, pour atteindre aujourd'hui son extension maximale et plus, l'ensemble du globe et sa périphérie proche, jusqu'à 40.000 kilomètres d'altitude environ. Il est intéressant de noter, d'ailleurs, que les orbites géostationnaires correspondent en distance, approximativement à la longueur de la circonférence terrestre. M'est avis que ce n'est pas fortuit, faudrait demander ça à des connaisseurs de la chose qui sauront probablement l'expliquer.
J'explore cela par ailleurs, ce n'est pas le sujet ici, toujours, il y a une relation étroite entre extension et amélioration des capacités de communication, extension et amélioration de la gestion du territoire, et extension des sociétés en population et territoire. En tout cas, une chose certaine, quelque part au cours de notre évolution la division des tâches entre d'un côté les jeunes et les femmes, de l'autre les adolescents et les hommes, a perdu de sa pertinence. Soit précisé, ce que je nomme ici jeunes et adolescents ne correspond pas aux acceptions actuelles, le jeune est l'humain en période d'humanisation, soit en gros de sa conception à six ou sept ans, l'adolescent l'humain en période de socialisation soit une période à-peu-près équivalente, ensuite c'est l'adulte pour une période à-peu-près double des deux premières, puis l'ancien ou le vieux, au-delà de 25 ans environ, à trois ans près. Donc, il y a un moment où la division des tâches n'a plus trop de pertinence. Il n'y a pas de date approximative à donner parce que c'est directement lié à d'évolution de chaque société. Pour exemple, à époque protohistorique, soit entre -5000 et -2500 environ, il y a encore de vastes espaces où les sociétés ont un mode d'existence plus proche du mode primitif que de ceux en cours de développement, des sociétés de pairs d'au plus quelques centaines de membres, un espace social limité, des contacts rares et sporadiques avec les sociétés voisines. Sans donc dater la chose précisément, au moins pour les espace que je connais le mieux, soit les deux continents primordiaux d'où les humains vont diffuser, l'Afrique d'abord puis l'Eurasie, les choses se mettent en place entre, en gros, -4000 et -2500, après quoi l'on assiste à une brusque accélération entre -2500 et -1500. Vers 500 de notre ère, à-peu-près l'ensemble du bloc Afrique-Eurasie est en interaction et formé de vastes sociétés, qu'on peut dès lors nommer des civilisations, lesquelles s'appuient sur des métropoles qu'on peut nommer empires. C'est au cours de cette longue période d'environ 2500 ans que la pertinence de la division des tâches et des espaces s'est perdue. D'évidence, quand l'espace social d'un ensemble comme l'Empire romain à son maximum, entre 200 et 300 de notre ère, va de l'Égypte au sud-est à l'Asie mineure au nord-est, de la Maurétanie (l'actuel Maroc, en gros) au sud-ouest à la Bretagne (l'actuelle Grande-Bretagne sauf l'Écosse et l'Irlande) au nord-est, aucun membre de la société ne peut être considéré comme ayant une mobilité restreinte. Dès lors, la division n'est plus liée strictement à la biologie, on peut dire que “jeune”, “femme”, “adolescent”, “homme” et “ancien” ne sont plus des états mais des fonctions, par exemple, un esclave, quel que soit son âge et son sexe, est fonctionnellement, selon le contexte et l'organisation de sa société, un “jeune“ ou une “femme”, attaché à un territoire restreint et avec une liberté de déplacement limitée. C'est le moment où conspirations et complots se mettent en place.
Le monde tel qu'il est – ou tel qu'il n'est pas...
Comme cela concerne des fonctions sociales, désormais l'emploi des termes “jeune”, “femme”, “adolescent”, “homme” et “ancien” ne s'applique plus à un sexe ou une tranche d'âge précis. Par le fait, l'ensemble “les hommes” est, jusqu'à aujourd'hui encore, essentiellement formé d'humains de sexe masculin, mas quand par exemple une personne publique emploie l'expression figée « les hommes politiques » pour désigner ce que pour mon compte je nomme « les politiciens » (je réserve “hommes politiques” aux seuls politiciens de sexe masculin, quel que soit leur genre), elle nomme le plus souvent tous le personnel politique et non les seuls hommes. On aboutit parfois à des constructions curieuses, du genre « les hommes politiques femmes », à croire (et hélas, il faut le croire) que certains ont du mal à dire quelque chose du genre « les politiciennes »... Clairement, quand quelqu'un désigne l'ensemble des politiciens comme “les hommes politiques” il indique que pour lui ce groupe est, disons, “par nature” une fonction masculine mais surtout, une fonction destinée aux hommes en tant que tels, les êtres humains de sexe masculin. La question n'est pas de savoir s'il le pense, très probablement il ne le pense pas, je veux dire, très probablement, ce qu'il pense, ce qu'il se représente, est l'ensemble des personnes de tout sexe et de tout genre qui ont des fonctions politiques, mais même s'il ne le pense pas consciemment, le fait de le dire montre qu'il pense inconsciemment les choses ainsi. C'est bête à dire, ou bien est-ce intelligent, en tout cas c'est une chose certaine et bien étudiée, quand il y a discordance entre pensée consciente et inconsciente, pensée explicite et implicite, dans le discours ce qui émerge préférentiellement est la pensée inconsciente ou implicite. Pour reprendre mon cas, je ne dis jamais « homes politiques » pour « politiciens » et jamais « hommes » pour « humains », sauf comme citation. Par exemple, quand je parle des droits qui valent pour tous les membres de l'espèce, je parle de droits humains, par contre quand je cite le nom des textes qui les définissent, je dis « droits de l'homme » parce que les textes qui les définissent ont pour titre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ou Déclaration universelle des droits de l'homme (du moins en français, en anglais notamment on parle bien de « human rights »). D'évidence il y a une discordance entre le titre de la déclaration universelle et le début de son article premier, « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », qui montre que cette déclaration est bien celle des droits humains.
D'évidence, ce qu'on dit et la manière de le dire a une incidence sur la représentation du monde que l'on a, utiliser le terme “homme” là ou l'on attend les termes “humain” ou “femme” est à ce titre assez indicatif. Dans ma typologie, les termes “complot“ et “conspiration” désignent deux formes de, disons, propagandes, concernant la discordance entre représentation implicite et explicite, les “comploteurs” sont cette part de l'humanité qui exprime une discordance entre ces représentations ou une discordance entre cette représentation et la réalité observable. Quand une personne dit « les hommes politiques » pour désigner le groupe nommable « les politiciens », d'évidence il y a une discordance. La question est alors de savoir où elle se situe. On peut avoir quatre cas :
- C'est un citation, en ce cas la discordance est indépendante du locuteur, ce qui n'induit rien de sa représentation propre de ce groupe, mais du moins n'est-ce pas son discours ;
- Cette personne a une représentation explicite du groupe comme « les politiciens », c'est donc indicatif de la représentation implicite qu'elle en a ;
- Il y a concordance entre ses représentations explicite et implicite, c'est alors indicatif de l'inadéquation entre sa représentation globale du groupe et la réalité observable ;
- Il y a discordance inverse au second cas, en ce cas c'est indicatif d'une volonté délibérée d'exprimer autre chose que sa représentation implicite. Ce qui peut avoir deux motivations.
- Il n'y a aucune discordance entre représentations et réalité observable.
Ce dernier cas est, disons, ironique. L'ironie a bien des intérêts dans la communication, le premier étant de solliciter un interlocuteur à faire émerger sa représentation implicite en tant que représentation implicite, à “expliciter l'implicite”.
Le quatrième cas est le plus intéressant. Comme déjà dit, quand il y a une discordance entre les représentations implicite et explicite, émerge de manière automatique la représentation implicite. Dans l'hypothèse où la représentation implicite de ce groupe qu'a la personne est bien celui dénoté « les politiciens », le fait de dire « les hommes politiques » est indicatif d'un effort volontaire pour ne pas faire émerger cette représentation. On peut alors avoir deux cas, la discordance porte sur la représentation explicite, ou elle porte sur la réalité observable. On a alors affaire à deux types possibles, un “Saint Thomas” ou un “Socrate” (en réalité un Platon mais comme le modèle platonicien est nommé Socrate dans ses dialogues, je reprends ce nom). Le Saint Thomas est celui qui ne croit pas ce qu'il voit, le Socrate celui qui ne voit pas ce qu'il croit. On peut aussi dire un “matérialiste” et un “idéaliste”. Pour préciser, contrairement au discours habituel sur le nommé Thomas, loin qu'il ne croie que ce qu'il voit, il ne croit précisément pas ce qu'il voit : quand, dans le récit qui le concerne, il voit Jésus devant lui, il ne peut pas y croire, et pour être convaincu, il doit le toucher, toucher ses plaies, passer le doigt dedans, vérifier que les marques laissées par la couronne d'épine ne sont pas un maquillage, je suis prêt à parier, même si le récit ne le dit pas (de toute manière c'est un conte, non un compte-rendu, donc on n'est pas obligé de tout expliciter), qu'il a goûté le sang et reniflé va savoir quoi, bref, il doute de ses sens. Le Saint Thomas ne doute pas de la réalité mais a des difficultés avec elle, il la trouve mouvante, changeante, insaisissable et passe beaucoup de temps à vérifier que ce qui est est. Le Socrate c'est différent, il ne doute pas de sa représentation intime du monde, il doute juste de la réalité observable, ou plutôt il a la certitude qu'il ne voit pas ce qui est, que « tout n'est qu'apparence » et que la réalité est « autre ». D'un sens, le Saint Thomas et le Socrate ont raison tous les deux. Ce qui est impossible.
Ces deux cas relèvent ce qu'en typologie de la psychologie sociale on nomme la “dissonance cognitive”, qu'une enseignante de je ne sais quelle université, Eva Louvet, présente ainsi dans un petit précis qu'elle a eu le bon goût de mettre en ligne, « Présence simultanée d’éléments contradictoires dans la pensée de l’individu ». Elle y ajoute cette remarque, « Un cas typique de dissonance est précisément celui qui résulte d’un désaccord entre nos attitudes et nos comportements ». La dissonance cognitive est l'état habituel d'un être humain, la question importante étant de savoir comment il la réduit. La manière logique, qui n'a rien de naturel, est de tenter d'harmoniser les trois causes ou plus qui créent cette dissonance. Trois ou plus mais à y réfléchir on peut toujours les réduire à trois, sentiment interne, sentiment externe, perception. On peut nommer ça la “triangulation perceptive” ou quelque chose du genre. Le sentiment interne est la représentation informulée qu'on se fait de la réalité, le sentiment externe est celle socialement construite, formulée par le biais de la langue, disons, une représentation moyenne abstraite, qui est le résultat d'une longue construction élaborée par tous les membres de la société, ceux actuels mais aussi ceux passés car la conscience collective est la stratification de tous les savoirs accumulés au cours du temps par la société, enfin il y a la perception du monde qui est une donnée immédiate, mais médiatement reconstruite au filtre des représentations interne et externe. Observant ce qui m'entoure, je vois un objet de forme rectangulaire et en volume, de dimensions approximatives de 10cm×18cm×2cmn, de couleur argentée sur deux faces avec de taches noires et bleues, de couleur blanc cassé sur deux autres faces, qui semble formé d'une accumulation d'éléments rectangulaires de 10cm×18cm et d'une épaisseur presque nulle. Je pourrais donner d'autres détails mais ça importe peu car, voyant cet objet, je ne me suis pas fait une description de ce genre, j'ai identifié un objet de la classe “livre” et j'ai « pensé » “livre”, j'ai fait émerger de ma mémoire un mot qui permet de nommer ce type d'objet, “un livre”. Il y a eu concordance immédiate entre ma perception, mon sentiment informulé “objet de la classe livre” et mon sentiment formulé “un livre”, et même, parce qu'en ce cas je l'ai “reconnu”, c'est-à-dire identifié comme un objet déjà vu auparavant, je n'ai même pas formulé en mon esprit le générique “un livre” mais le singulier, qui le sort de la classe des objets “livre” pour le verser dans celle “individu”, c'est-à-dire la classe des objets qui ont un nom propre, Les Clans de la lune alphane. La description de ce phénomène complexe que l'on peut nommer “réduction de la dissonance” ou “harmonisation” peut être infinie dans ses détails mais elle est assez simple en soi : en interne j'ai élaboré, avec l'aide de mes semblables, deux techniques de discernement, l'une que l'on peut dire paradigmatique, qui consiste à tenter de situer un objet perçu dans une classe d'objets similaires, l'autre syntagmatique qui consiste à procéder à un échantillonnage rapide pour déterminer si cette objet particulier fait partie de ceux que j'ai déjà perçus. Au bout de ce processus assez bref, il peut y avoir quatre cas, l'objet n'appartient à aucune classe à ma disposition, ou il appartient à une classe mais est nouveau ou indifférenciable, ou il est connu mais indifférenciable, ou enfin il est connu et différenciable. Selon le résultat, ma pensée formulée sera « un truc », ou « un livre » ou « un de mes livres » ou un individu doté d'un nom propre.
Ce livre, j'en vois le dos, et à l'envers (pour lire ce qui est écrit je devrais partir d'en bas à droite et lire de droite à gauche en remontant les lignes, ce qui est le sens inverse de la lecture habituelle d'un texte en alphabet latin). Si j'étais un Saint Thomas, et bien je n'en croirais pas mes yeux, il me faudrait, disons, vérifier l'évidence, je le prendrai en main, le retournerais et le mettrais à l'endroit pour constater ce que je sais d'avance, que ce livre est bien celui intitulé Les Clans de la lune alphane. Si j'étais un Socrate, et bien... Je ne sais pas. C'est le problème avec un Socrate, on ne peut pas savoir. Un Socrate c'est l'inverse d'un Saint Thomas, celui-ci est imprévisible mais facile à décoder, comme il doute de ses sens on peut être certain qu'il sera incapable de croire ce qu'il voit, mais on ne peut jamais savoir d'avance de combien de preuves il aura besoin, de quelles sortes et validées avec quelles méthodes. Un Saint Thomas qui doute de votre humanité peut très bien vous ouvrir le ventre pour vérifier que vos organes internes sont organiques, que vous n'êtes pas un robot ou une marionnette. Rien de méchant là-dedans, c'est juste pour vérifier. Bon, c'est sûr, après ce genre de vérifications on est un peu moins humain qu'avant, comme qui dirait, un peu moins vivant, mais c'est un effet collatéral. Un Socrate ne doutera pas de ses sens, voyant le même livre de la même manière que moi, il en arrivera aux mêmes conclusions et plus ou moins de la même manière. C'est la suite qui peut être problématique. Le Socrate est donc prévisible mais difficile à décoder, il ne va certes pas chercher à vérifier ce qui est évident, mais il peut se mettre à “interpréter”, et ça peut se révéler dangereux.
Des dangers de l'interprétation.
Interpréter ou vérifier sont des activités normales, tout le monde le fait. Ma description du processus interne concerne ces deux activités, la vérification est l'opération paradigmatique et l'interprétation l'opération syntagmatique. Une personne, disons, normale ou moyenne tend à ne pas douter de ses classifications et de ses inductions ou déductions, elle va plus ou moins douter de ses sens et plus ou moins douter de sa compréhension mais dans des limites raisonnables et souvent à bon droit, par exemple je suis myope donc quand je ne porte pas de lunettes correctrices j'ai une incertitude justifiée quant à mon identification d'un objet ou d'un être distant. Sortant sur le pas de ma porte sans lunettes et voyant un homme un peu distant que je crois reconnaître, si je lui lance « Salut, Jacques ! », s'il ne me répond pas ou me dis qu'il n'est pas Jacques et qu'il ne me connaît pas, même si par sa voix je reconnais cet homme, même si je l'identifie ainsi comme Jacques, et bien, probablement je ne le contesterai pas et m'en tiendrai là ; s'il me lance, « Tu penses que je fais le Jacques ? », reconnaissant Jean par sa voix et reconnaissant la plaisanterie, probable que je lui répondes quelque chose comme, « Les Jean font souvent les Jacques », et tous deux nous rirons, s'il me réponds, « Salut, Olivier, ça va ? », que je l'identifie bien par sa voix comme Jacques ou non, et bien, je me contenterai d'un simple « Ça va, et toi ? ». Tout cela pour parler de mon rapport au réel : quoi que je pense de la réalité, ayant affaire à un humain, si ce que j'en crois ne concorde pas à ce qui paraît, je tendrai à ne pas contester l'humain avec qui j'échange. Je sais, mon petit apologue paraîtra aux Saint Thomas et aux Socrate contestable, ce n'est pas ça la réalité ! Et bien si.
Exemple concret : j'ai un voisin qui, pour des raisons que j'ignore, ou que je n'ignore pas, c'est indécidable, s'est pris à me détester ou au moins à me mépriser depuis quelques temps. Bon, c'est ainsi. J'ai mon opinion sur ce voisin, je le considère de longue date comme un imbécile. Comme je n'aime pas avoir de problèmes avec mes voisins, si je ne les apprécie pas et si j'ai un jugement défavorable à leur encontre, et bien, je garde ça pour moi et si je les croise je les salue, s'ils me répondent et s'ils décident d'engager la conversation, je discute avec eux un temps décent et si ça se prolonge je m'arrangerai pour arrêter cette conversation poliment en donnant un prétexte vraisemblable (et souvent vrai, qui se résume à « j'ai autre chose à faire », une vérité universelle). Mon voisin, ce n'est pas son genre de faire ça, il ne m'aime pas et me le fait savoir. Bon, c'est ainsi, chacun son truc, quant à moi je continue de le préserver de mon opinion sur lui. Récemment, passant devant chez moi, je lui dis, salut, ça va ? Et lui de me répondre, si dire se peut (j'ai plutôt eu l'impression qu'il monologuait), ça va, crétin. Je lui ai dit que s'il ne voulait pas me saluer, libre à lui, mais que par contre je le priais de ne pas m'insulter, que probablement oui, je suis un crétin, mais que ce n'était pas une raison pour me le dire. Et là encore, je me suis gardé de lui donner mon opinion sur lui. Le lendemain ou le surlendemain, il passe de nouveau devant chez moi quand je suis dehors, et je lui dis juste, « Salut, Léon » (ce n'est pas son prénom, bien sûr), ce à quoi il me répond, si là encore il se peut dire, donc, il me dit en guise de réponse, « Tu cherches à me provoquer ! » – oui, c'était une affirmation appuyée et non une question –, ce à quoi je lui ai demandé en quoi le saluer était une provocation. Je ne sais plus ce qu'il m'a dit, probablement quelque chose du genre « fais pas semblant ! Tu me provoques, tu cherches à me provoquer ! », sans cette fois me traiter de crétin ou équivalent, je crois qu'il avait compris ma leçon de la veille sur le fait de ne pas insulter les gens, mais je n'en suis pas sûr. J'ai une hypothèse : si demain je suis devant chez moi et qu'il passe, cette fois je ne le saluerai pas parce que maintenant c'est clair, le fait que je le salue l'énerve. Selon moi, il aura une remarque désobligeante sur le fait que je ne le salue pas. La raison en est que les Saint Thomas on un rapport biaisé à la réalité, qu'ils ne croient jamais ce qu'ils voient ou entendent, donc quoi qu'on fasse ça leur semble anormal, et ils vous le font généralement savoir, de manière souvent véhémente. Je me méfie des Saint Thomas, ils sont imprévisibles, ils sont du genre à vouloir vous frapper, ou pire, pour “vérifier” que vous êtes bien ce que vous semblez être.
Un autre de mes voisins est un Socrate, donc prévisible : depuis qu'il s'est installé ici, sauf les deux ou trois premières fois où je l'ai vu passer devant chez moi, il ne me salue pas. Il passe devant chez moi, je lui disais bonjour dans les débuts, après un certain nombre de passage sans réponse, le regard droit devant lui genre je ne vois rien je n'entends rien, j'ai laissé tomber. Il y a quelque chose de curieux avec lui : si je suis dehors quand il passe devant chez moi, il regarde droit devant lui et fait mine de ne pas me voir ; si je suis invisible, il regarde vers ma maison et si, ce faisant, il me voit et voit que je le vois, hop ! Regard droit devant, je passe et je ne cois rien... C'est plus ou moins comme ça que je l'ai identifié comme un Socrate : prévisible mais indécodable. Depuis j'ai eu confirmation de mon diagnostic par de nombreux indices qui ont tous cela en commun, il est très prévisible en ce sens que dans un certain contexte il aura un comportement stéréotypé, indécodable parce que beaucoup de ces comportements ne sont pas adaptés au contexte. Disons, il identifie un certain contexte comme appartenant à une série, et se comportera comme dans tous les précédents contextes de la série. Bien sûr, la réalité et autre, je veux dire, il n'existe pas de séries de contextes invariants où toujours le même comportement est toujours la bonne réponse. Remarquez, dans l'ensemble ça ne pose pas problème, de fait les contextes sont souvent assez répétitifs, les gens le considèrent le plus souvent comme quelqu'un de peu d'intérêt et de très conformiste, répondent de manière stéréotypée à son comportement très prévisible et ne cherchent pas trop à nouer conversation, et je crois que ça lui convient, on peut dire qu'il n'est pas très amateur de rapports humains. Je me méfie des Socrate, il sont indécodables, ce qui fait qu'on ne peut pas savoir comment ils vous perçoivent. Si quelque jour il se fait une représentation de moi comme étant une menace pour lui, il risque fort de vouloir « éliminer la menace », ce qui m'ennuierait fort, je pense.
Je prends ces deux exemples parce qu'ils sont représentatifs, j'appuie un peu le trait, selon moi ces voisins ne sont pas réellement dangereux pour moi, par contre il sont dangereux pour la société. Non pas précisément ces deux là, mais ce genre de personnes.
Les femmes et les hommes.
En dehors du langage, les femmes et les hommes ça n'existe pas, ce qui existe ce sont les humains, je n'ai pas de preuve irréfutable de l'existence des humains, ma connaissance de la réalité étant indirecte je ne peux que faire des conjectures mais j'ai tendance à avoir une certaine confiance en mes sens et quand j'observe des régularités proches de l'absolu j'en conclus que mes sens ne me trompent pas. Les humains font partie des régularités, c'est loin de l'absolu mais cependant d'une telle fréquence et d'une telle prévisibilité que pour moi les humains sont un fait de la réalité. Par contre, “femme” et “homme” sont, peut-on dire, des fonctions. Il existe de nombreux traits qui signalent une femme ou un homme mais presque tous sont circonstanciels et non spécifiques, au fond les seuls humains dont je peux dire avec certitude ce qu'ils sont, ce sont certaines femmes qui m'ont fait la démonstration de leur capacité fonctionnelle, la classe de femmes qui sont aussi mères. La principale fonction des humains réputés “femmes” est leur capacité à engendrer, donc la qualité de femme ne peut se prouver que par la réalisation de cette capacité. C'est cela précisément qui fait que les deux sectes hébraïques les plus scrupuleuses, les juifs et les musulmans, considèrent, l'une explicitement, l'autre implicitement, que l'hébraïcité se prouve par les mères.
L'humanité se compose de deux ensembles, les mères et les autres. Tout humain est issu d'une mère humaine, voilà une chose certaine. On nous promet tout un tas de choses invraisemblables telles que l'utérus artificiel ou les pères porteurs mais c'est une vue de l'esprit, si même on pouvait créer un utérus artificiel il ne pourrait produire un humain car un humain est un descendant d'humain et non un descendant de machine, quant aux pères porteurs, c'est une impossibilité logique : la procréation ça ne consiste pas en un simple portage de fœtus, il y a aussi nécessité d'un utérus, d'un fonctionnement endocrinien particulier et bien des éléments encore, donc un père porteur devra avoir un utérus, natif ou greffé, et par divers moyens, greffes secondaires, chimie, etc., donc à être modifié pour pouvoir porter un fœtus viable, donc être transformé en mère, ce qui en fera une mère porteuse. La fonction crée l'organe, dit-on, mais aussi l'organe crée la fonction, dès lors qu'un individu est modifié pour avoir la capacité d'engendrer, et bien, c'est une mère, quoi qu'il soit au départ.
Comme dit, “femme” et “homme” sont des fonctions, celles déjà décrites, les femmes s'occupent de l'espace social et de sa périphérie, les hommes, de ses limites et de son extérieur. De cela on peut donc poser que, quel que soit le sexe de la personne qui dirige ces ministères, ministre de l'intérieur est une fonction féminine, ministre des relations extérieures une fonction masculine, ministre de la défense une fonction androgyne. On peut bien sûr étendre cela à toute la société et à toutes les fonctions, ce à quoi j'ajoute, à toute société, au sens où une société donnée, par exemple la société française, est elle-même composée d'une infinité de sociétés où s'applique le même principe, dans une société de type association, le président est un homme, le trésorier un androgyne, le secrétaire une femme, indépendamment encore de son sexe ou de son genre. Ce qui me fait introduire la notion de genre, qui désigne l'auto-représentation : une personne de sexe masculin qui se spécifie comme féminine et qui est trésorière d'une association est de sexe masculin, de genre féminin et de fonction androgyne. Là-dessus, la biologie ne peut pas spécifier les femmes et les hommes, preuve en est la transsexualité qui empêche de certifier par l'apparence qu'une personne est un homme ou une femme biologique, l'incapacité de procréation d'une femme morphologique n'étant pas la preuve de sa non féminité puisqu'aussi bien une femme biologiquement femme qu'une femme biologiquement homme peuvent ne pas être capables de procréation. Bref, dans l'espace des sociétés humaines il n'y a aucune adéquation entre sexe, genre et fonction.
Singularité des complots et conspirations.
Pour aller au plus simple, les conspirations : elles sont “féminines”. Le titre de cette page, « La conspiration des femmes », est donc un truisme, une lapalissade, dès lors que l'on entre dans une conspiration, quel que soit son genre, son sexe ou sa fonction on est “une femme” pour la simple raison qu'on entre dans une société qui n'est concernée que par l'espace social et ses limites et où aucune fonction n'est tournée vers l'extérieur. Les conspiratrices laissent ça aux hommes, qui savent très bien y faire. Et en plus, comme il n'y a pas d'extérieur de la société ça n'a pas grand intérêt de s'en occuper. Je dis, dans cette page il me semble, dans plusieurs autres à coup sûr, qu'incessamment sous peu (disons, entre aujourd'hui et dans trois ou quatre lustres, avec une bonne hypothèse pour entre demain et les deux à quatre ans à venir) l'humanité entière formera une seule société, ce qui est à la fois vrai et faux : l'humanité forme une seule société dès son origine, c'est même sa principale spécificité, le seul réel changement à venir, qui va tout de même prendre un certain temps à se réaliser pleinement, selon moi entre trois et six lustres, à un ou deux lustres près, sera la conscience complète, donc à la fois implicite et explicite, du fait. En l'état actuel on peut estimer qu'environ le tiers de l'humanité est composé de, que dire ? Disons, de Justes, de Cons et de Salauds, environ un tiers de Crédules, environ un tiers de Croyants (je parle brièvement des croyants et des crédules dans la page « Positions sociales »). En théorie, les Croyants et les Crédules sont en voie ou en état de devenir des Convertis, en pratique ça n'est pas si clair, si simple et si évident, à causes de complotistes.
Les complots, et bien, c'est des trucs d'hommes. Fondamentalement, un homme est un humain qui a des problèmes avec la réalité. Le premier étant cette histoire des femmes et des hommes. La réalité que je connais ne comporte pas d'hommes et de femmes, juste des humains. Certes il y a des fonctions féminines et masculines mais précisément, ce ne sont que des fonctions. Il se trouve qu'une part somme toute marginale des humains a de gros problèmes avec la réalité et précisément, avec les essences et les apparences, et qu'une part non marginale a des petits problèmes avec ladite réalité. Les Croyants et les Crédules sont des versions modérées de Cons et de Salauds. Plus ou moins modérées cependant : certains Croyants sont des vrais Cons, certains Crédules des vrais Salauds. Enfin non, pas des vrais, ce sont des faux Cons et des faux Salauds mais ça ne change pas grand chose. Pour comparaison, une de mes cibles bien aimées, les médiateurs. Cible bien aimée parce que ça fait plaisir de lancer des piques (pas trop acérées, cela dit) sur ces cibles faciles, on est presque garanti de faire mouche. Les médiateurs sont fonctionnellement des imbéciles. Peu importe qu'ils ne le soit pas vraiment, par leur position dans l'espace public ils le deviennent, soit parce qu'ils adoptent le style standard de discours médiatique, soit parce que, même ne le faisant pas, ils ont de grandes chances d'être compris au filtre des interprétations appliquées habituellement aux discours des médiateurs, ce qui les transformera en imbéciles. Ce n'est pas la personne qui fait la fonction mais la fonction qui fait la personne. Du fait, un “non Salaud” qui fait fonction de Salaud est un Salaud, soit qu'il agisse comme un Salaud, soit qu'il soit vu comme un Salaud, même n'agissant pas comme un Salaud. Idem pour un “non Con” faisant fonction de Con.
Si les conspirations et les complots n'existent pas, c'est de manière symétriquement opposée. Comme dit, dans la réalité observable il n'y a ni hommes ni femmes, seulement des humains, ce qui implique qu'une conspiration qui est par essence une “conspiration des femmes”, et bien, c'est une “conspiration des humains”. Pourquoi alors conspirer contre ou pour soi-même ? Les femmes, les, hum !, “vraies” femmes, et bien, savent que les vraies femmes ça n'existe pas, ni les fausses d'ailleurs, ni les vrais ou faux hommes, conspirer, in fine, consiste simplement en, agir comme être humain, donc comme soi-même. Malgré tout, les conspirations, ou plus exactement le conspirateurs, existent, mais dans l'œil des “inhumains”. Or, pour qui “voit des conspirateurs”, l'implication est qu'il existe une ou des conspirations. Dans les faits, non, je suis une sorte de conspirateur puisque je me considère avant tout comme un humain, secondairement de genre masculin, tertiairement de fonction plutôt féminine mais pas toujours, faut savoir s'adapter aux contextes. Disons, de fonction féminine avec composante mineure androgyne et le cas échéant, apte aux fonctions masculines. C'est le genre de choses qui troublent les personnes fixées dans leur fonction, et leurs font penser qu'une personne, hem !, « de mon genre », c'est-à-dire d'une genre indéterminable, ne peuvent pas agir librement sans qu'il y ait « quelqu'un derrière eux ». Les inhumains, surtout les Cons, les Salauds et ceux des Crédules et des Croyants qui en sont le plus proches, sont des gens curieux, ils mènent généralement une vie multiple, au moins double, souvent triple, et pour les cas les plus graves, infiniment changeante. Bien sûr ça n'est pas possible, ils sont comme tous les humains et n'ont qu'une vie. Les personnes de mon genre les troublent parce qu'elles semblent n'avoir qu'une seule vie et que pourtant elles sont changeantes. Ce qui les trouble le plus, je pense, est que nous fassions du “changement à vue” sans le masquer.
J'ai tendance à classer les inhumains en deux grandes classes, les pigeons et les escrocs. Avant de poursuivre, un petit commentaire sur “inhumain”. Comme souvent avec moi c'est un terme symbolique, un humain est nécessairement humain, ergo un humain ne peut pas être inhumain, c'est juste une manière de désigner ceux des humains qui, volontairement ou non, limitent leurs capacités, sont moins humains qu'ils ne le pourraient. J'en parle dans je ne sais plus quel texte, peut-être celui-ci, je ne prétends pas chrétien et, selon moi, je ne le suis pas, pourtant je vis une vie beaucoup plus chrétienne que bien des personnes qui portent leur christianisme en bandoulière ou en bannière. En réalité, je vis une vie humaine, et il se trouve que les bons conseils pour mener une vie humaine, on les trouve dans la plupart des livres fondamentaux des principales religions. Je ne vis pas proprement une vie chrétienne, serais-je dans un contexte culturel musulman, juif, bouddhiste, confucianiste, taoïste ou que sais-je, je vivrais une vie « de fidèle », parce que les préceptes de toute religion sont assez similaires, donc vivre une vie humaine c'est vivre « selon la religion », quelle qu'elle soit. Les inhumains sont donc les personnes qui, par choix ou non, ne vivent pas « une vie de fidèle » même quand ils proclament leur foi. Sauf les Salauds (et même eux, en partie), les inhumains ne le sont pas pour moi, à titre personnel je considère que tout humain est un humain, mais pour eux-mêmes, ils se voient ou ils agissent en partie en tant que non-humains, symboliquement ou effectivement. Exemple, quand un humain dit à un autre humain « traite moi comme un chien », par exemple dans le cadre d'une relation du type dénommé “sado-masochiste”, et bien, il souhaite réellement être traité comme un chien et à cette occasion “devient un chien”. Cela dit, même un “vrai” humain peut dire et faire ça, ce n'est pas mon genre mais de fait, il peut y avoir un certain bonheur dans l'abjection et la douleur, mais à petite dose. Non dans le fait même mais dans ses conséquences. Il n'est pas si aisé de rester relié à la réalité, certaines personnes ont plus de difficultés que d'autre à le faire, et ma foi la douleur ou l'abjection est un moyen efficace de se relier à la réalité. Un peu violent mais efficace. Il n'y a peu, j'étais un peu trop “en dehors de la réalité”, pour dire la chose, j'avançais dans la rue en rêvassant, sans trop faire attention au contexte, qui s'est violemment rappelé à moi sous la forme d'un poteau indicateur dans lequel j'ai buté. Je ne peux dire que ça m'ait plu, comme précisé la douleur ça n'est pas mon truc, mais du moins ça m'a rappelé à la réalité illico. Du coup (cas de le dire) j'ai repris mon chemin en rêvassant mais en restant vigilant juste ce qu'il fallait.
Des masochistes, j'en ai connu. Des sadiques aussi, je suppose, mais sans certitude, je veux dire, un sadique tend à la discrétion, je pense en avoir connu, par interpolation, donc sans certitude (je ne suis pas un Saint Thomas mais du moins, si je n'ai pas vu ni n'ai obtenu une information fiable sur quelque chose, je ne peux la certifier). Remarquez, les masochistes que j'ai connus comme tels sont des sortes de sadiques : une relation sado-maso est censée avoir lieu entre un sadique et un masochiste, n'étant pas sadique, si un maso me sollicite pour lui faire mal, je refuse, et si par dépit il se fait lui-même mal devant moi, c'est à moi qu'il afflige une douleur. Comme je ne suis pas non plus masochiste, et bien, je réagis avec violence car je ne supporte pas la douleur. À mon avis, c'est le but recherché, pour au moins l'un de ces masos, je sais qu'il obtint d'une personne non sadique de se faire infliger de la douleur par réaction, l'autre personne l'ayant frappé pour qu'il cesse, du coup il est devenu sadique par circonstance. Moi je me limite aux portes, un maso qui se torture devant moi, je me lève et je sors en claquant la porte, s'il y en a. Ce genre de masochiste est un inhumain à coup sûr, un masochiste, ou un sadique, humain ou tendanciellement humain, ne va pas imposer la douleur, reçue ou subie, à qui ne consent pas. Le sadisme et le masochisme sont des cas limites mais représentatifs d'une certaine forme d'être au monde, celles que je désigne, sur les brisées d'un Sartre ou d'un Vian, le Salaud et le Con, déjà décrites, le Salaud ou le sadique ne crois pas vraiment à la réalité, de ce fait aucune action en ce monde n'a de conséquence réelle, infliger de la douleur à un tiers, torture, tuer, violer, affamer une personne ou tout un peuple, éliminer six millions de juifs ou vingt millions de déviants anticommunistes ou quelques dizaines de milliers de communistes antiaméricains, ça n'a pas d'importance et c'est même bien si ça contribue à hâter une fin souhaitable. Le Con ou le masochiste croit à la réalité mais a des difficultés à la discerner, il doit la ressentir en plus gros, grand, large, puissant, il doit vérifier que ce qui est est, en premier vérifier qu'il existe vraiment. En soi, les Salauds et les Cons ne sont pas gênants, par contre il n'y a rien de plus nocif que la réunion d'un Salaud et d'un Con. Un complot c'est ça : la coalition des Salauds et des Cons contre la société et les humains.
La coalition des Salauds et des Cons.
Je ne me lasserai pas de le dire, ces noms et ces descriptions sont des modèles et non des typologie psychologiques ou des situations réelles. La seule chose réelle dans tout ça est la question du rapport à la réalité et sa conséquence, le rapport à l'humanité. Les complots n'existent pas, en ce sens que les comploteurs ne convergent pas dans leurs intérêts. Par nécessité, la coalition des Salauds et des Cons est l'union de la carpe et du lapin, les Cons ne sont qu'essence et ont du mal avec les apparences, les Salauds ne sont qu'apparence et ont du mal avec les essences. C'est la raison même qui fait que les Cons n'attachent d'importance qu'aux apparences, les Salauds, seulement aux essences : ils cherchent à saisir ce qu'ils n'ont ou ne sont pas. Ou plus exactement, ce qu'ils croient ne pas avoir, ne pas être. Les Salauds se savent n'être qu'apparence mais savent aussi qu'il existe des essences, ils se voient comme des masques, des marionnettes, des morts vivants, et surtout, des âmes errantes. Les Cons doutent toujours de leur apparence, et doutent des autres apparences, leur pulsion à vérifier est précisément due au fait qu'ils ne parviennent jamais à déterminer si derrière une apparence il y a une essence, si derrière telle apparence l'essence actuelle est bien la même que la précédente fois, parce qu'ils constatent pour eux mêmes qu'ils ne sont jamais la même essence ou la même apparence d'un moment à l'autre.
Que dire ? Les Salauds et les Cons éprouvent ce qu'éprouve tout être humain. Mais ils ne l'éprouvent que partiellement et d'une manière déceptive. Je vais tenter une description de la chose mais bien sûr, si vous êtes un Salaud ou un Con, ça risque fort de ne pas vous être d'une grande utilité, est-ce que la description de la synesthésie vue-audition peut avoir du sens pour un aveugle incapable d'empathie pour un entendant, un sourd incapable d'empathie pour un voyant ? À la base, tout être vivant est essence et apparence, dit autrement, un individu, humain ou autre, a un “milieu intérieur” et une “membrane”, pour un humain, un organisme et une peau. Vivre est une opération précaire qui consiste à chercher un équilibre entre l'imperméabilité et la perméabilité, ma modélisation virus-bactérie rend compte de ça en ses extrêmes, le mode virus est celui de l'imperméabilité maximale, on limite les risques liés à la perméabilité mais ça implique avoir une vie réduite, étriquée, tellement minimale qu'elle est proche de la non vie, raison pourquoi d'ailleurs, on a longtemps douté et que certains doutent encore que les virus soient des êtres vivants, le mode bactérie est celui de la perméabilité maximale, une membrane très perméable, un noyau ouvert, une circulation aisée entre milieux intérieur et extérieur et entre individus, une vie intense, expansive, mais soumise à tous les aléas, précaire et une limite insaisissable entre le soi et le non-soi. La troisième forme, les eucaryotes, est un compromis : certaines parties de l'individu, que l'on peut dire les plus vitales et les plus individuelles, sont peu voire non perméables, fermées, d'autres, nécessaires mais moins vitales, sont semi-perméables et comportent des sortes de sécurités, le reste est assez ou très perméable et libre, ouvert. Comme une cellule eucaryote est un compromis elle peut selon les circonstances accentuer ses modalité virus ou ses modalités bactérie, réduire ou augmenter son niveau d'activité, s'ouvrir ou se fermer.
Fondamentalement, les virus et bactéries sont des cas particuliers d'une même forme, noyau, milieu intérieur, membrane. Pour lui-même un virus est surtout essence, un noyau à vie lente avec de faibles capacités d'interaction, vu de l'extérieur c'est surtout une apparence, une membrane solide, stable, hermétique. Le paradoxe du virus est que quand il devient actif il “perd son essence”, il s'insère dans un autre individu, certes pour que celui-ci se mette à produire des virus de la même sorte que lui mais le virus n'est pour lui-même qu'un rouage d'une machine plus vaste. Pour elle-même une bactérie est surtout apparence, un noyau très actif, de fortes capacités d'interaction, une capacité étendue d'influence sur le milieu, vue de l'extérieur elle est surtout une essence, une membrane fragile, instable, perméable, une faible différenciation avec le milieu extérieur. Puis il y a la troisième forme, celle dite eucaryote. Un eucaryote est un être composite, partie viral, partie bactérien, et changeant, tantôt l'essence domine, tantôt l'apparence. Même si c'est d'autre manière, les trois modes fondamentaux sont caractéristiques des individus complexes, les uns ont une vie plutôt végétative, solide mais lente, les autres plutôt active, fragile mais rapide, d'autres peuvent alterner les modes. Bien sûr, plus un être sera complexe, moins cette opposition sera pertinente, c'est plus une orientation qu'un état, parler de l'état végétatif comme “viral” est inexact, les végétaux sont des individus actifs, ayant une forte interaction avec leur environnement, adaptatifs, réactifs, les animaux, censément plutôt “bactériens”, alternent les phases rapides et lentes, actives et végétatives. Enfin, il y a une autre forme de vie, qu'on peut appeler associative, qui est presque aussi ancienne que la vie même, les exemples connus les plus anciens sont les stromatolites qui datent a minima de 3,7 milliards d'années, des colonies bactériennes, qui continuent à se former de nos jours même si bien plus rarement.
En un sens, un organisme pluricellulaire est aussi une sorte d'association mais le type dont je parle est celui où les membres sont libres et non ou peu différenciés. Il y en a de trois sortes, les colonies, les sociétés spécifiques et les sociétés inter-spécifiques. L'exemple donné est de type colonial pour les plus anciens mais il existe aussi des stromatolites inter-spécifiques combinant des bactéries de deux lignées ou plus, cependant le mode reste plutôt colonial en ce sens que les individus restent assez indifférenciés et qu'on a une alternance de couches d'une espèce et d'une autre. Une société est organisée et ses membres conservent une certaine autonomie ou une autonomie certaine. Certaines sont strictement l'association de pairs, chaque membre est semblable aux autres et chacun peut accomplir toute fonction utile à la société, je pense notamment aux guêpes sociales (bien sûr il peut y avoir des différences entre individus mais liées au dimorphisme sexuel), d'autres (fourmis, termites, abeilles) ont une variation fonctionnelle des individus, les “mères” (les reines) sont assez ou très différentes du morphotype moyen et parmi les autres individus il y aura une spécialisation morphologique plus ou moins accentuée, parfois très importante chez les fourmis, moindrement chez les abeilles où en outre la transformation est souvent en lien à l'âge de l'individu. Enfin, les sociétés inter-spécifiques se composent, comme leur nom l'indique, d'individus de plusieurs espèces. Il existe peut-être des cas de sociétés inter-spécifiques ou chacune est égale des autres mais pour celles que je connais il s'agit de commensalisme symbiotique, une espèce est dominante, les autres sont commensales, leur cohabitation a pour base un intérêt réciproque, l'espèce dominante permet à celles commensales de prospérer mieux que quand elles sont autonomes, en contrepartie l'espèce dominante tire partie de celles commensales, le plus souvent comme sources de nourriture, parfois pour d'autres ressources. Les espèces qui font le plus cela sont les fourmis et les humains, et pour les unes et les autres, l'association se fait avec plusieurs règnes, animaux, végétaux, champignons et levures, et même, en tout cas pour les humains, avec les bactéries et les protistes. Il existe d'autres types de commensalismes que symbiotiques, pour exemple, les humains acceptent parmi eux les félins de petite taille et les protègent non pour un profit direct mais pour leur utilité, ils chassent les rongeurs et d'autres espèces parasites. On ne peut pas vraiment dire, sauf à époque assez récente, que les chats firent parti des espèces domestiques, un terme qui désigne le type de commensalisme symbiotique, et même pendant asse longtemps ce ne fut pas exactement une espèce apprivoisée, à l'instar du chien par exemple, c'était proprement une cohabitation, les chats et autres petits félins mais aussi d'autres espèces comme les fouines, les genettes ou les civettes (ces deux dernières espèces appartiennent au même sous-ordre que les félins). Il y a de longue date une pratique d'apprivoisement de ces espèces mais c'est secondaire, et surtout lié à des groupes sociaux (élites aristocratiques ou bourgeoises, clergé), disons, un signe de statut social. Dans les années 1960, époque où beaucoup de paysans continuaient à stocker leurs récoltes et où les chiens étaient surtout des auxiliaires pour diverses activités de gardiennage, et en tout cas où cette pratique avait été général peu de temps auparavant, dans les zones rurales, y compris les petites villes, rares étaient les maisons où l'on acceptait la présence de chats et de chiens sinon dans les greniers et les combles pour les chats. Ils vivaient hors des lieux d'habitation, dans les greniers, les granges, les cours, pour les chiens il y avait souvent mais pas toujours une niche ou un chenil.
Ces dernières considérations sont intéressantes à plusieurs titres :
- Elles illustrent la profonde modification de l'organisation sociale dans les pays les plus développés depuis la deuxième guerre mondiale, en 1945, même aux États-Unis ou en URSS où pourtant l'urbanisation et la mécanisation des campagnes s'étaient accélérées dès les années 1920, une part encore importante de la population était rurale et en Europe, dans des pays comme la France, l'Espagne ou l'Italie elle était prépondérante ; dès la fin des années 1960 elle s'était beaucoup réduite pour être marginale dans les années 1980, et à l'intérieur de cette population rurale les paysans étaient eux-mêmes devenus minoritaires, pour en outre basculer dans le statut d'agriculteurs ;
- Les comportements peuvent évoluer très vite et, contrairement à une perception courante, ce n'est pas générationnel, je veut dire : dans les années 1990 l'accueil des chiens et des chats dans les habitations était devenue assez courante en zone rurale, y compris les maisons où les résidents avaient vécu l'essentiel de leur vie dans la coutume de les en exclure et de les reléguer dans les espaces “de travail” ;
- On peut observer ici la « démocratisation » rapide et progressive de pratiques qui furent jusque-là réservées à des classes sociales élevées : jusqu'à la seconde guerre mondiale, le chien ou chat de salon se voit surtout dans l'aristocratie, la haute bourgeoisie et les couches les plus élevées de la moyenne bourgeoisie, et les chiens domestiques sont assez rares dans les grandes villes ; à la fin des années 1980 c'est une pratique courante dans toutes les couches de la société et les chiens sont de plus en plus nombreux en ville, on assiste même à la reprise rapide des nouvelles modes d'animaux de compagnies.
Ce genre d'évolution a une forte incidence sur les Cons et les Salauds, des personnes qui ont la crainte du changement : quand on a du mal avec la réalité et qu'on la trouve en soi peu stable, si elle devient effectivement instable ça les désoriente gravement. Petite remarque incidente, j'emploie des mots masculins pour désigner ces personnes ce qui en la circonstance est adapté : un Con ou un Salaud est un “homme”, quel que soit son sexe est son genre, ou même sa fonction. Une question de point de vue, voir la réalité “comme un homme”, en gros.
Points de vue et angles de vue.
Je le disais, les Salauds et les Cons éprouvent ce qu'éprouve tout être humain. Je le disais aussi mais sous une autre formulation, il est difficile de leur faire comprendre qu'ils sont dans l'erreur, que ce n'est qu'une histoire de point de vue ou d'angle de vue. N'importe qui sait que... Et allez donc ! La grande généralité creuse et fausse, « N'importe qui sait que ». Justement non, certains ne savent pas et c'est ce dont je discute... Disons, tout le monde fait l'expérience de cette double limite, celle de la connaissance du monde et celle du contact avec les autres essences, avec les autres êtres en leur être.
INCIDENTE. Comme vous probablement, disons, comme beaucoup de mes lectrices et lecteurs potentiels, je m'agace de ce discours trop symbolique, symboliste, trop rhétorique. Il y a cependant une raison à cela, les personnes qui ont des difficultés avec la réalité, toutes et non les seuls cas extrêmes typologisés “Cons” et “Salauds”, tendent à mieux saisir le sens d'un discours s'il n'est pas trop sec et direct. J'aurais pu (et ça m'arrive parfois) définir mes termes pour faire une description plus précise mais c'est contreproductif, une personne qui a du discernement peut accéder au sens quelle que soit la forme, même si (comme il en serait pour moi en tant que lecteur des pages de cette série Révélations sur le mont – rien que ce titre ! D'un ronflant...) elle peut se lasser de cette forme, mais je pense à mes lecteurs ayant moins d'acuité, d'où l'emploi de termes communs venant de la philosophie de bazar (si du moins il en est d'autre sorte) et de la bondieuserie. Mon but n'est pas de me faire apprécier mais de me faire comprendre. FIN DE L'INCIDENTE.
On peut nommer autrement les Salauds et les Cons, on peut aussi dire les Philosophes et les Géomètres. J'emploie ailleurs le terme “géomètre” en un autre sens, plus ou moins comme un synonyme d'arpenteur, de personne qui prend la mesure du monde avec ses pieds, ici il s'agit plutôt de celui qui mesure, qui évalue, qui calcule avec des instruments “de précision”.
Le philosophe pense. Moi non, j'aime réfléchir et j'ai des pensées mais je ne pense pas. Je ne suis pas naïf au point de croire que je puis avoir des pensées personnelles. Parfois, de loin en loin, j'ai des idées. En des circonstances encore plus rares il m'arrive de parvenir à convertir ces idées en pensées, c'est-à-dire à donner une forme commune à quelque chose de personnel, à dire avec les mots de tout le monde quelque chose qui ne vient que de moi. Bon, je ne suis pas du genre qui a beaucoup d'idées, je manque d'imagination. Un signe le montre, je ne me souviens que rarement de mes rêves. Remarquez bien, ce n'est une chose qui me peine le moins du monde, je connais quelques personnes qui ont beaucoup d'idées, parmi lesquelles beaucoup de scories mais aussi quelques perles. J'ai lu une fois un propos de Franklin Delano Roosevelt sur Winston Churchill, « Winston a cent idées par jour, dont trois ou quatre sont bonnes ». De prime abord ça semble dévalorisant mais on peut considérer ceci : une personne ordinaire question production d'idées, une de mon genre, si elle a une idée par jour c'est déjà beau, s'il y en a une sur dix de bonne c'est miracle. Du coup, la personne qui a trois ou quatre bonnes idées par jour, ça fait rêver...
Le philosophe pense. Ou du moins, il croit penser. Je plaisante sur Socrate et je raille Platon, ce qui est en partie injuste. M'est avis que Platon fut un con, ou sinon lui du moins ses disciples, ceux qui prirent la peine de noter ses sketches. Je peux très bien m'imaginer Platon en séance : il décide, ce jour-là, de parler des éloges funèbres, il s'en remémore un, du moins les grandes lignes, comme c'est un sujet qu'il connaît bien (tant les éloges funèbres que le thème de celui-ci en particulier) il imagine à-peu-près comment il va le développer. Il y aura bien sûr son personnage récurrent, Jeha le Fou – pardon : Socrate. Il se demande si ça sera un dialogue ou un apologue, il opte pour une forme mixte, le cadre sera un dialogue, pour les généralités sur les éloges funèbres, le cœur un récit dialogué avec le morceau de bravoure dans la bouche de Socrate. Il opte pour un dialogue simple à deux personnages, Ménexème comme Monsieur Loyal, Socrate comme Auguste, il compose vite fait un canevas en son esprit et en avant ! C'est parti pour le sketch. Possible qu'il ait déjà rodé celui-là, possible que c'en soit un nouveau fait de chic mais quand on a l'habitude de ce genre de séances ça importe peu, il ne s'agit pas d'un vaste récit à rebondissements mais d'un saynète traitant d'un sujet mineur sur lequel on peut facilement improviser.
Il faut se représenter le contexte, il ne s'agit pas d'un Grand Philosophe qui discourt pour la Postérité et la Gloire mais d'un philosophe d'intervention qui s'adresse à un public qu'il veut édifier, dont il veut affûter le discernement et l'esprit critique, il ne récite pas un texte pensé et pesé, il joue un dialogue à deux personnages et trois voix car son personnage récurrent va lui-même jouer un personnage, l'orateur qui dit un éloge funèbre. C'est quelque chose entre le stand up et le one man show, la forme est un sketch mais il utilise des personnes réelles comme personnages et traite d'un sujet d'actualité, pas d'une actualité immédiate mais bon, un hommage aux morts à la guerre, on a entendu ça une fois on les a tous entendus et le récit sous-jacent c'est quelque chose comme la seconde guerre mondiale ou la guerre d'Algérie pour un Français de 2017, tout le monde connaît. C'est pour ça que j'aime bien lire les dialogues de Platon, je me représente bien la scène et je fais ce genre de transposition, j'actualise pour adapter à mon propre contexte. Comme philosophe généraliste je ne le trouve pas terrible, La République ça me tombe des mains... Le Socrate de Platon a probablement quelques rapports avec le vrai Socrate mais de loin. Clairement, le Socrate des philosophes de profession sans imagination est triste, rien à voir avec celui des récits de Platon, ils trouvent probablement l'apparence décevante et cherchent l'essence derrière l'apparence, et pour me citer, quand on cherche on trouve. Comme il n'y a rien à chercher et que tout est dans l'apparence, ils trouvent un peu n'importe quoi, chacun y trouve ce qu'il y met et ma foi, ce qu'y mettent les philosophes de profession n'est pas terrible... Ce que je reproche aux disciples de Platon est d'avoir noté le résultat et non la méthode. Quand on fixe un discours dynamique on le rend statique, c'est certes un truisme mais qui ne semble pas si évident à beaucoup, l'intérêt des discours de Platon ce n'est pas le discours, c'est la forme et la méthode. La forme : un conte, un récit, un sketch, une saynète, bref, une représentation imagée du discours ; la méthode : l'interaction, le dialogue, l'échange de propos, la dialectique. Le résultat ? L'heuristique ou découverte, qui est triple : ton discours ou ta pensée, mon discours ou ma pensée, notre discours ou notre pensée. Certes l'un des débatteurs est un « accoucheur », mais de quoi accouche-t-il ? Non d'une pensée mais d'un discours, qui recueille trois pensées qui sont le reflet de la pensée de “soi”, d'“autrui” et de “tous”.
On peut appeler ça harmonisation : tenter de se régler avec les autres débatteurs en vue de faire concorder les diverses perceptions d'un même objet pour aboutir à une représentation commune qui est plus que la somme de toutes. Comme dit, on peut nommer cela “triangulation perceptive”, qui est la même opération, mais par et pour le langage, que la triangulation stricto sensu, on a un objet “mental”, un concept, une image, une idée, que chacun voit sous un certain angle et à une certaine distance, avec trois personnes en trois positions à trois distances on devrait pouvoir la décrire « sous toutes ses faces visibles ». Cela n'épuise pas la description de l'objet mais du moins peut-on s'entendre sur le fait que c'est bien le même objet, et peut-on alors s'entendre sur l'usage à en faire.
Je parle bien sûr, une peu plus haut, des philosophes idéalistes, ceux donc qui vont au-delà des apparences, le problème étant qu'au-delà des apparences il n'y a rien. Ce que je peux savoir d'un autre, d'un semblable, est dans l'apparence de ce qu'il me donne. Apprendre une langue c'est faire un long labeur jamais achevé pour ajuster sa compréhension d'un discours avec celle commune et celle que produit chaque discours particulier. On peut nommer ça échantillonnage, d'abord sur la forme, segmenter le discours en unités de sens, ensuite sur la composition, donner une valeur fonctionnelle à chaque unité, article, verbe, substantif, adjectif, conjonction, etc., enfin donner un sens à chaque unité puis en donner un à la séquence complète. Si tout est correctement réalisé du côté de l'émetteur et de celui du récepteur, la séquence complète devrait produire un sens global, unique, indivisible. Ce qui est rare. Dans mon jeune temps j'étais un grand lecteur de romans et de nouvelles, spécialement de science-fiction mais des autres genres aussi. Je n'ai jamais compté, en tout cas de huit ans à vingt ans j'ai du lire dans les 75 romans par an, 30 à 40 revues ou recueils de nouvelles, 100 à 150 hebdomadaires, mensuels et albums de bandes dessinées, quelques dizaines de revues généralistes et ouvrages documentaires, liste non close. Un gros lecteur. Comme tout le monde dans ma famille. Et en plus j'y consacrais peu de temps, je veux dire, peu de temps pour la masse de lecture que ça représente, en gros, en moyenne une à deux heures par jour en semaine, trois ou quatre en fin de semaine et le jeudi, puis le mercredi (le changement du jour de repos des écoliers a fait perdre une expression, la semaine des quatre jeudis, “semaine des quatre mercredis” n'est pas très euphonique...). J'en parle pour ce constat : sur cette masse de lectures, très peu d'œuvres m'ont donné le sentiment de l'unicité, quelques dizaines, peut-être une centaine. Il y en a certes plus qui s'en approchent, peut-être le triple, le reste est composite, fait de bric et de broc, un assemblage sans idée directrice.
Voici comment je peux décrire, disons, un récit global, le terme de récit s'appliquant à tout ce qu'on peut nommer message discursif fini, roman comme essai, bande dessinée comme chanson, même les œuvres plastiques, audiovisuelles ou musicales peuvent être des récits : quand on en a fini la lecture, il donne à la fois un sentiment de complétude et d'incomplétude, c'est un objet fini et ouvert, gratifiant et décevant. et bien sûr il a un sens global, il donne le sentiment qu'on pourrait l'enfermer dans un seul mot, ce qui d'un sens est exact, à ceci près qu'on peut le plus souvent le nommer de plusieurs noms ou verbes. Parlant de ça, un constat, il existe des créateurs de récits qui, comme Churchill, ont cent idées par jour dont trois ou quatre bonnes – j'exagère le propos, qui sont, disons, très productifs, plus que la moyenne des humains, très changeants dans leurs récits, et dont la quantité, parfois la proportion de bons récits est assez élevée –, d'autres qui ne donnent qu'un seul récit dans leur toute vie, parfois strictement unique, parfois sous la forme de variations qui selon les créateurs est une recherche de la forme parfaite ou la multiplicité de points de vue sur un même objet. On peut bien sûr avoir les trois cas chez un même individu, je pense notamment à un auteur de fiction, Philip Jose Farmer, qui a développé trois séries d'œuvres, l'une qui est se compose de variations sur un thème qu'on peut nommer « la quête de la vérité » ou « la quête de la lumière », l'autre sur un sujet qu'on peut nommer “la sensualité” ou “la sexualité” ou “les rapports charnels” selon divers points de vue, enfin des récits disparates, qui pour certains comportent un thème récurrent, que l'on peut décrire comme “découvrir les choses derrière les choses” mais souvent de manière secondaire ou subalterne. Bien sûr, certains de ses récits participent de deux séries ou des trois et rares sont celles qui n'intègrent pas les trois séries, deux d'entre elles intervenant dans certaines parties du récit. D'un sens, on peut rassembler toute son œuvre sous une même description, “la rencontre de l'autre”, mais on peut le faire de toutes les œuvres, de tous les récits, toutes, tous sont une tentative d'élucidation de ce mystère, « la rencontre de l'autre », quel que soit cet autre. D'où ma caractérisation du récit en tant que message discursif fini, qu'objet donnant un sentiment de complétude et d'incomplétude, de finitude et d'ouverture : c'est une question sans réponse ou plus exactement, à la fois une question dont chaque réponse est une nouvelle question et une réponse dont chaque question est une nouvelle réponse.
Voilà ce qui trouble les Philosophes et les Géomètres, les premiers supportent mal les questions sans réponse, les seconds ont horreur des réponses sans question. Or, la vie est à la fois une réponse sans question, le constat que la vie est la vie, et une question sans réponse, pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? D'une certaine manière, toute l'évolution de la vie est comme une tentative de concilier les deux choses, tenant compte de ce qu'on peut d'avance savoir que chaque réponse est le germe d'une nouvelle question, chaque question le germe d'une nouvelle réponse. Pour prendre un autre lieu commun, l'œuf est la réponse au poulet qui est la question de l'œuf, mais aussi le poulet est la réponse à l'œuf qui est la question du poulet. La tentative vaine des Philosophes est de trouver la réponse ultime à toutes les questions, celle des Géomètres, de découvrir la question ultime derrière toutes les réponses. Tentatives vaines certes, mais parfois dangereuses.
Du danger social des Salauds (vrais ou faux) et des Cons (vrais ou faux).
J'explore rapidement la fabrication des faux Cons et des faux Salauds. Comme dit par ailleurs et peut-être ici, ce qui unit et fédère la société, les sociétés, est la communication, comme vecteur (moyens, supports et organes) et comme message (méthodes, langages et contenus), ce qui la constitue est la confiance, ce qui permet d'y agir librement est l'amour, qu'on peut aussi nommer la concorde ou la paix universelle, qu'on peut nommer la liberté, ou l'égalité, ou la fraternité, ou les trois ensemble. Qu'on peut nommer comme on veut du moment que l'on accepte ce que l'on nomme. Comme dit précédemment concernant les vrais et les faux chrétiens pointe cela : les sentences « Aimez-vous les uns les autres » et « Aime ton prochain comme toi-même », ce sont des préceptes chrétiens postulés par le fondateur supposé de cette idéologie3, pour moi le christianisme c'est de la daube et ces sentences des bondieuseries mièvres, pourtant je les respecte, je les respecte dans l'esprit, c'est-à-dire en mon esprit et dans l'esprit de ces sentences, et dans la lettre, j'incite mes semblables à “s'aimer les uns les autres” et “j'aime les autres comme moi-même”, donc avec modération et discernement. Je suis un vrai chrétien en ce sens que j'agis comme un chrétien affirme qu'il faut le faire, pourtant je n'adhère pas à cette idéologie. Par contraste, le faux chrétien est celui qui prétend adhérer à cette idéologie et à ces sentences comme à une Vérité Universelle, et ne respecte ni son idéologie ni ses préceptes, dissuade ses semblables de s'aimer les uns les autres, ou les y incite à l'excès, ou ne les aime pas comme lui-même, ou ne s'aime pas, ou s'aime trop, bref, quelqu'un qui n'est pas au niveau de ce qu'il dit être sa foi.
Voici les Cons et les Salauds, les Géomètres et les Philosophes : ils affirment défendre une certaine idéologie mais agissent effectivement contre elle. Le Géomètre par manque de compréhension de la société, de son idéologie, de son action dans la société, de tout, le Philosophe par manque d'adhésion à la société, à son idéologie, à son action dans la société, à tout, l'un a une foi aveugle, l'autre est aveugle à la foi. La cause diffère, l'effet est convergent. Il y a cependant une différence entre le Con et le Salaud, on peut, parfois avec beaucoup d'efforts, rendre la vue à un Con, montrer au Géomètre qu'il est plus pertinent de mesurer le monde en l'arpentant qu'en se servant d'instruments qui l'en éloignent, on ne peut pas, quelques efforts qu'on fasse, convaincre un Salaud qu'il s'aveugle volontairement, montrer à un Philosophe qu'il devrait cesser d'agir contre son idéologie, contre la société et contre lui-même. En fait, il n'y a qu'une manière de convaincre un Philosophe, lui faire perdre le soutien des Géomètres, pour qu'il reprenne contact avec la réalité.
Dans l'ensemble, il y a plus de faux que de vrais Philosophes et Géomètres. Même si ce n'est pas vraiment le cas, on peut dire que les vrais Cons et Salauds sont des malades mentaux. En réalité, ils sont rarement malades et c'est rarement “mental”, quoi que ça veuille dire, une description plus exactes serait : des personnes qui ont une problème d'humanisation, d'où ma qualification des Cons et des Salauds comme “inhumains”, qu'on dirait plus justement “des humains incomplets”, des ratés de l'humanisation. Le ratage n'est le plus souvent pas de leur fait. Un bon exemple de ratage provoqué est le modèle de la “double contrainte” exposé par Gregory Bateson et alii' dans le texte « Vers une théorie de la schizophrénie ». Le contexte est une interaction entre deux individus ou plus, où au moins l'un est censé être “responsable”, les autres “irresponsables”. Cela concerne la société, les responsables sont ceux qui prennent un engagement envers elle, celui d'effectuer une certaine tâche socialement utile ou nécessaire, en ce cas, former un individu pour en faire un humain socialisé. Les personnes en formation sont a priori'' considérées irresponsables, d'abord humainement puis socialement, de fait on ne peut pas évaluer le comportement d'un gamin de deux ans avec les critères valables pour un individu de quatorze ans, ni celui d'un gamin de huit ans avec les critères pour un adulte de vingt ou trente ans. Le modèle de la “double contrainte” rend compte de situations où la personne supposée responsable ne l'est pas, où elle agit de telle manière que les personnes irresponsables dont elle a la charge ne puissent acquérir les comportements qui en feront des humain socialisés. Bien sûr, ce modèle est plus large dans son application, les contextes qui ont permis de l'élaborer sont paroxystiques, comme je le dis dans une autre page, l'élément central de ce modèle est celui qui sert à construire la situation, que Bateson définit comme « injonctions paradoxales », qui consiste en ceci :
* Une injonction négative primaire. Celle-ci peut prendre deux formes : « Ne fais pas ceci ou je te punirai » ; « Si tu ne fais pas ceci, je te punirai ».
* Une injonction secondaire, qui contredit la première à un niveau plus abstrait tout en étant, comme elle, renforcée par la punition ou par certains signaux menaçant la survie.
* Une injonction négative tertiaire, qui interdit à la victime d'échapper à la situation.
Comme le précisent les auteurs, « il convient de noter qu'il n'est plus nécessaire que ces éléments se trouvent réunis au complet lorsque la “victime” a appris à percevoir son univers sous la forme de la double contrainte ». C'est généralisable à toute forme de conditionnement : une fois le contexte conditionnel bien établi, une partie de la séquence suffit pour la “réaliser”, cas par exemple du conditionnement mis en évidence par Pavlov où, une fois l'association sonnerie + nourriture bien intégrée, le chien salive à la sonnerie. Bien sûr il est nécessaire, de loin en loin, de renouveler la séquence complète de manière à renforcer et maintenir le conditionnement.
La majeure partie des procédés qu'emploient les Salauds ou Philosophes pour, disons, établir leur domination sur les Cons ou Géomètres, sont des mécanismes sociaux “normaux”. Faire du conditionnement est un impératif pour humaniser puis socialiser un individu, « ne fais pas ceci, sinon... » ou « fais ceci, sinon... » sont des injonctions normales et souvent répétées pour induire un comportement stéréotypé dans certains contextes. Au bout d'un temps plus ou moins long le comportement attendu est innéisé et l'injonction n'est plus nécessaire, sinon de loin en loin pour prévenir un déconditionnement et normalement, arrive un moment où ces renforcements deviennent inutiles. Non que ce soit absolument innéisé, l'absolu n'est pas un phénomène observable, disons qu'on peut estimer à un certain moment, variable pour les individus mais habituellement alentour de quinze ans, à deux ou trois ans près, qu'un humain est “fini”, qu'il est capable de vivre en société de manière autonome. Rien n'est certain, le moment de socialisation est bien plus variable, disons que le minimum observable est rarement inférieur à huit ans et qu'il n'y a pas de délai maximum mais que les cas où la socialisation se fait au-delà de 25 ans sont d'incidence faible. Cela dit, même pour les humains très tôt socialisés, pour tout un tas de bonnes raisons, notamment le fait indéniable qu'il y a dans toute société une proportion non nulle de Salauds et de Cons, et que ceux-ci sont dangereux pour les jeunes humains, on ne concède que rarement une autonomie complète aux individus de moins de 15 ans (en France, le seuil minimal légal est actuellement fixé à 16 ans). Un autre type de conditionnement, beaucoup plus complexe que, disons, les règles de vie élémentaires en société, est l'apprentissage des langages humains. C'est là qu'on peut observer le plus de ratages, sans qu'on puisse aisément déterminer d'où vient le problème. La double contrainte est intéressante de ce point de vue car elle induit, comme l'indique le titre de l'article, une forme spéciale de schizophrénie qu'on peut dire « schizophrénie sociale acquise ».
Le mot « schizophrénie » servit originellement à décrire des troubles du comportement considérés “mentaux”, c'est-à-dire dont l'origine est dans l'individu même. Comme ce qui est la source d'acquisition des comportement était supposément “l'esprit”, mens en latin (le terme “esprit” est devenu assez tard un quasi-synonyme de “mental”, “mentalité”), un trouble du comportement était nécessairement mental jusqu'à récemment. Depuis, la doctrine a beaucoup évolué, suite à l'avancée de certaines méthodes, hypothèses et théories. Pendant une période assez longue, en gros presque tout le XX° siècle, l'attribution causale des troubles mentaux a varié, tantôt les explications biologiques et physiologiques dominant, tantôt celles psychologiques ou psychiatriques, tantôt celles éthologiques, voire ethnologiques, tantôt celles sociales. Il faut dire que les humains ont une propension à chercher une cause unique à un phénomène statistique et ce n'est que récemment que l'on commença d'admettre, et encore pas partout ni tout le monde, que presque toutes les causes apparentes de ces troubles dits mentaux sont valides4. Ce qui est un acquis non négligeable : tenter de soigner ou réduire un symptôme d'origine physiologique avec des méthodes psychologiques n'est pas une garantie de succès... C'est ici que vient la discussion en rapport au titre de cette partie, le danger social des Salauds et des Cons, qu'ils soient vrais ou faux.
La saloperie ou la connerie natives sont des sortes de troubles mentaux. Pour mon compte j'ai quelques doutes quant à la validité de la notion de trouble mental et même, pour être net, je suis certain de l'invalidité de cette notion mais peu importe, disons, la saloperie et la connerie ont pour source une trouble communicationnel du type conventionnellement dit mental ou de l'esprit. J'en ai déjà abondamment décrit les symptômes et les implications, reste un point à élucider : il est très facile de faire d'un humain un Con ou un Salaud. C'est même une pratique sociale assez courante. D'un sens, il est plus facile d'en faire un Salaud qu'un Con mais du fait que les « fabricants de Cons et de Salauds » sont surtout des Salauds dont le but est de préserver leurs positions sociales, ils préfèrent utiliser des techniques de fabrication de Cons. De l'autre bord, il n'est pas très compliqué de transformer un Con, du moins un faux Con, en Salaud. Les méthodes ne sont pas miraculeuses, même si elles peuvent servir à créer des miracles, et ont toutes trait à la communication et au conditionnement. Je dis, “créer des miracles”, mais habituellement je parle plutôt d'illusions, au sens où ces supposés miracles sont précisément illusoires. Ce qui n'empêche des conséquences on ne peut plus tangibles et réelles.
Créer des illusions ou se diriger dans la vie ?
En fait, il y a deux sortes principales d'illusions, celles de type « illusionnisme » et celles de type « prestidigitation ». Les premières sont plus efficaces mais posent le problème de mobiliser beaucoup de ressources, les secondes, si moins efficaces, ont un très faible coût mais demandent plus d'habileté, par contre, une fois les techniques de prestidigitation acquises, elles sont très faciles à mobiliser. Quelque type d'illusion que l'on utilise, on peut dire qu'il s'agit d'un “effet de miroir”, sinon que l'illusionnisme se sert de réels miroirs, ou d'équivalents de miroirs, tandis que la prestidigitation, et bien, donne l'illusion qu'il y a un miroir. Raison pourquoi je parle d'illusions en général.
Comme souvent, ce qui est complexe se décrit facilement et bien sûr, ce qui est simple se décrit difficilement. L'illusionnisme est complexe, en gros ça consiste à placer des miroirs, des fausses parois, des trappes invisibles, des machines masquées et des rouages qui les font interagir pour donner l'illusion que ce qu'on voit est autre que ce qui est. Les “magiciens” qui font dans l'illusionnisme montrent assez bien le principe dans sa nudité en utilisant de fait des miroirs, des fausses parois, etc., pour leurs tours. Comme il s'agit d'un spectacle et pour partie, une propagande conspirationniste pour montrer qu'il est très facile de créer des illusions convaincantes, s'ils ne les révèlent pas toujours, du moins ils ne dissimulent pas que leurs tours sont basés sur des trucs et des trucages. En soi c'est plaisant, et d'un point de vue pédagogique c'est une manière efficace de dire à son public, « méfiez-vous des apparences, ce qu'on voit n'est pas toujours ce qui est ». La prestidigitation est simple, ça consiste à créer des objets invisibles que tut le monde voit et à masquer des objets visibles sans les masquer, cela juste avec le geste et la parole, et parfois un petit truc mais ça n'est pas nécessaire, disons, c'est le trait des prestidigitateurs paresseux qui préfèrent parfois s'économiser un long apprentissage pour des illusions mineures. D'un sens ils n'ont pas tort, de l'autre, si un jour ils perdent ou oublient leur petit truc, et bien, ils n'auront plus ce palliatif et se diront alors qu'un peu plus de travail ça a du bon...
Beaucoup d'œuvres d'art, y compris dans les arts libéraux et les arts appliqués, utilisent ou exposent des illusions. Je parlerai ici principalement des beaux-arts. Une œuvre d'art est en soi une illusion, elle vise à donner l'impression du réel avec des moyens artificiels, un tableau est un objet à deux dimensions qui peut donner, si on cherche cet effet, l'illusion de la profondeur, un dessin est un ensemble de traits parfois minimalistes donnant l'illusion qu'on voit un objet ou un être, un film est une série d'images fixes qui, défilant à une vitesse suffisante, donnent l'illusion du mouvement, etc. Outre cela, bien des œuvres sont des récits d'illusions réelles, je veux dire : racontent une histoire où ce que l'on voit n'est pas ce qui est. Étant placés du point de vue des créateurs d'illusions, on voit donc que c'en sont, et l'on voit en même temps que ceux qui, dans le récit, ne savent pas qu'il s'agit d'illusions, croient en leur réalité. D'autres sont des « dévoilements » : au début du récit, tout est donné comme réel puis, au cours de son déroulement, il apparaît que ce qui semblait une certaine chose en est une autre, puis que même cette autre chose n'est qu'apparence, puis parfois, que ce qu'on vient de découvrir comme apparence est finalement la chose réelle, et toutes les transformations et métamorphoses possibles, pour à la fin, selon les cas, « découvrir la vérité » ou « découvrir que tout est illusion ». D'une certaine manière, tous ces récits parlent de la réalité, de la réalité réelle, de notre vie la plus quotidienne, où en effet il y a beaucoup d'illusion. Quand on se réveille le matin, on va imaginer la journée à venir d'une manière à la fois assez détaillée et assez sommaire, un enchaînement d'actions se déroulant d'une certaine manière et dans un certain ordre. On commence à agir et, très vite, les choses ne se déroulent pas comme prévu, au lieu de prendre sa douche puis de boire un café on fait l'inverse parce que la salle de bain est occupée ; on dit à ses enfants en passant devant leurs chambres de se lever, il est l'heure, et quand on arrive dans la cuisine l'un est déjà là, mais dix ou quinze minutes après le second n'est toujours pas levé, du coup, au lieu d'aller “comme prévu” (enfin, pas vraiment comme prévu puisqu'on avait justement prévu autre chose) prendre une douche dans la salle d'eau enfin libre, on remonte secouer le gamin pour qu'il se lève, on redescend et l'autre est en train de prendre sa douche... Bref, dans l'ensemble rien ne se passe comme imaginé.
Ce que dit pour la journée vaut pour la semaine, le mois, l'année, et pour sa vie entière, dans l'ensemble rien ne se passe comme on le prévoit. Bien sûr, pour une journée particulière le plus souvent l'écart est faible et peu significatif entre ce qu'on imagine et ce qui se réalise, de même pour une semaine ordinaire, mais sur un mois ça devient plus aléatoire et les écarts peuvent être significatifs, au-delà c'est l'incertitude totale. L'être humain vit le plus souvent une vie illusoire, il passe son temps à se l'imaginer, à anticiper sur ses actions parfois pour de longues durées (sinon peut-être Valéry Giscard et François Hollande, je crois que depuis Pompidou tous les présidents de la République française y ont songé assez ou très longtemps à l'avance, même si certains – Mitterrand et Chirac, pour les nommer – ont beaucoup échoué avant de réussir), et la réalité concorde rarement avec l'imagination. Pour un humain accompli5 ça n'a pas grande incidence sauf accident important et même en ce cas, il part du point de vue que la vie est imprévisible, ergo l'écart entre ce qu'il anticipe et ce qui advient ne le surprend ni ne l'inquiète, si parfois ça le déçoit. Cette capacité d'acceptation n'a rien de “naturel”, sauf à dire que l'humanité est “dans la nature humaine”, à la seule condition de l'activer dans le cadre de la société, de la culture. C'est, disons, le résultat d'une socialisation réussie, dont le but général est précisément de conscientiser cette perception inconsciente que l'on a de sa propre finitude et du caractère aléatoire de la vie. Qui est pour l'heure la meilleure manière de permettre à un humain de bien diriger sa vie et de persister dans son être autant qu'il sera possible. Pour comparaison, connaître les risques de la navigation et apprendre à piloter sont les deux conditions pour anticiper sur ces risques et diriger son navire, ça ne fait pas disparaître les risques et les aléas mais ça les réduit beaucoup.
Un Con est une personne qui ne sait pas trop bien piloter sa vie, un Salaud une personne qui n'a pas trop conscience des risques, le premier se sent perpétuellement périssable, le second se sent perpétuellement invulnérable. Par ce qui peut sembler un paradoxe, le Con “ne craint pas les périls” et le Salaud “se préserve des risques”. C'est lié à ce qui est conscient et ce qui ne l'est pas : le Con est donc conscient des risques, le Salaud, du pilotage, donc l'un craint la réalité, l'autre sait se diriger ; le Con ne sait pas piloter mais l'ignore et croit savoir se diriger parmi les périls, le Salaud ne voit pas clairement les risques et cherche donc à s'en protéger, même quand il n'y en a pas, même si d'un sens il n'y croit pas. En un autre apparent paradoxe, les Cons et les Salauds se rejoignent pour ne pas apprécier les humains accomplis, les Cons les considèrent comme des piètres dirigeants (ou pilotes), les Salauds les considèrent irréalistes (ou risque-tout). C'est parce qu'un humain accompli a la certitude que la réalité est réelle et assez stable mais changeante, de ce fait il craint peu les risques, somme toute assez prévisibles, et se préoccupe peu du pilotage car un bon navire se dirige tout seul et le pilote n'intervient qu'en cas d'imprévu, donc rarement. De ce fait, un humain accompli donne à un Con l'impression qu'il dirige mal, et à un Salaud le sentiment qu'il prend des risques inutiles alors qu'à l'inverse il pilote bien, puisqu'il se préserve pour dépenser son énergie à bon escient, et qu'ayant une assez bonne appréciation des risques il ne tente pas de s'en prémunir s'il n'y en a pas. Dit autrement, pourquoi se dépenser et dépenser contre un péril illusoire et pourquoi s'assurer contre la vie quand la seule chose contre quoi on peut s'assurer est la mort ? L'idéal de l'humain accompli est de s'économiser pour durer et d'économiser pour transmettre, en cas de tempête il ne va pas lutter contre, c'est inutile, au contraire il va aller dans le sens de la tempête, ce qui est la seule manière de réduire les risques, et s'il désire persévérer dans son être il sait que ça ne se pourra que de manière limitée, au mieux, pour un humain, une centaine d'années, son projet est alors de persévérer autrement, en transmettant : si je lègue à mes descendants un bien que j'ai économisé par moi-même et qui est apuré de mes dettes ou si le leur transmet une chose dont je peux me dire à bon droit l'auteur, je persévèrerai en mon être à travers eux, si même je disparais de la mémoire des humains comme être singulier. Je ne dis pas, si « dans les Siècles des siècles » certains humains savent qu'un certain Olivier Hammam a fait quelque chose, même mineure, qui a profité à l'humanité, ça ne serait certes pas pour me déplaire mais bon, « dans les Siècles des siècles » je ne serai pas là pour constater le fait, m'intéresse alors d'agir pour l'humanité ici et maintenant, aussi limitée soit mon action, aussi anonyme soit-elle.
Encore deux traits des Cons et des Salauds : le Con a tendance à remettre à plus tard et pour plus loin, il veut sans fin “améliorer”, il se persuade qu'ailleurs et demain « ça sera mieux » ; le Salaud veut briller, être visible et mémorable, il a le souci de laisser une trace dans la mémoire des humains en tant que lui-même, à un niveau il se sait mortel, à un autre niveau il se pense immortel, il a la croyance naïve que persister en tant que lui-même dans la mémoire des humains va réellement le rendre immortel.
Les illusions réelles.
Mes lectrices et lecteurs, s'il y en a, doivent le savoir pour autant qu'ils et elles aient un peu parcouru ces pages, je ne crois pas en grand chose, pour ne pas dire en rien. Je suis un “incroyant” et ne suis guère assuré de quoi que ce soit. J'ai certes tendance à croire en le témoignage de mes sens, ce qui ne signifie pas que je croies toujours ce que je vois, en fait j'y crois rarement, je constate, et ça me suffit. Par contre, je suis crédule, pour le dire autrement, j'ai confiance dans le témoignage de mes sens, si je constate une série de situations où une séquence d'événements est hautement prévisible, bien que ne croyant guère, ne croyant pas à la causalité, j'appellerai ça une relation causale et ferai l'hypothèse que, observant une séquence assez longuement similaire à une séquence précédemment constatée, elle a toutes chances de se poursuivre et de s'achever comme celles précédentes. Bien sûr, ça ne sera pas toujours le cas. Raison pourquoi je garde le plus souvent un niveau de vigilance minimal pour, le cas échéant, modifier mon comportement si je vois la séquence évoluer d'une manière inattendue. Face aux prévisibles aléas de la vie nulle anticipation n'est parfaite, il faut donc rechercher un juste équilibre entre prudence et désinvolture, entre sûreté et liberté : trop de prudence réduit sa liberté, trop de désinvolture réduit sa sûreté. D'où l'on peut poser que croire qu'on peut obtenir un niveau de sûreté absolu est illusoire, et croire qu'on peut obtenir un niveau de liberté absolu l'est tout autant. C'est de ces deux croyances que découlent ce que je nomme ici les illusions réelles.
Les Géomètres tendent à rechercher la sécurité maximale et si possible absolue. Pour cela, ils inventent sans fin de nouveaux moyens et de nouvelles méthodes pour augmenter le niveau de sécurité, pour eux-mêmes et pour les autres. Les Géomètres, dira-t-on, ont un bon fond, ils œuvrent pour l'amélioration de la société et, dans leur conception de ce que peut être une amélioration, augmenter le niveau global de sécurité leur semble un bon moyen, je dirai même que ça leur semble le meilleur, peut-être le seul moyen. Pour réaliser cela ils auront deux voies, “augmenter la régularité” et “réduire les incertitudes”. Exemple : comme dit l'adage, « tous les chemins mènent à Rome », ce qui signifie que pour obtenir un même résultat il existe une infinité de moyens et de méthodes. Dans le cas réel d'un déplacement depuis, disons, Paris vers un lieu précis, Rome, Bourges ou Trou-sur-Mer, “augmenter la régularité” revient, d'une part à “améliorer” certains parcours, de l'autre à en détériorer ou effacer ou bloquer certains autres, “réduire les incertitudes” revient à obliger les gens à suivre certains parcours avec certains moyens, et à leur interdire ou leurs rendre malaisés certains parcours ou/et certains moyens.
Pour un cas réel, pendant longtemps j'ai effectué le parcours qui va de Bourges jusqu'à Montpellier ou l'inverse, un aller-retour que je faisais deux à six fois par an, en moyenne trois à quatre fois, en prenant un train de nuit, Le Cévenol. À cela il y avait plusieurs raisons, aucune ne dominait et toutes concouraient à mon choix : c'était le plus court trajet donc le moins coûteux puisque le prix du billet dépend de la distance parcourue ; c'était le seul train direct entre Bourges et Montpellier, tous les autres parcours impliquaient deux à cinq correspondances ; pour un déplacement long, je trouvais plus pertinent de le faire de nuit, en général je ne fais pas grand chose d'autre que dormir entre 22h et 6h et je fais bien des choses entre 8h et et 20h et justement, ce train partait de Bourges vers 22h pour arriver à Montpellier peu après 7h ; les rares fois où j'ai pris l'autre convoi Le Cévenol, celui de jour, ça me prenait environ 7h de trajet avec une courte correspondance (15mn d'attente) pour la partie Béziers-Montpellier, par les autres parcours possibles, Bourges-Paris, Paris-Avignon, Avignon-Montpellier, ou Bourges-Lyon, Lyon-Avignon, Avignon-Montpellier, nominalement la durée du trajet était d'environ 5h, mais même avec les moindres temps d'attente pour les correspondances ça y ajoutait environ 2h, dit autrement ça me prenait autant de temps pour un coût presque double (une partie du trajet se faisait en TGV donc incluait une taxe de réservation) ; le parcours entre Bourges et Montpellier en passant par le Massif Central est superbe, en été je me réveillais vers 4h30 ou 5h pour profiter pleinement du spectacle, et les quelques fois où j'ai fait le parcours de jour, c'était un émerveillement permanent devant la variété des paysages, alors que, sans vouloir médire, les deux autres parcours ne sont pas d'un agrément formidable, sinon une moitié environ du trajet Bourges-Lyon. Un jour, quelque décisionnaire, individu ou groupe, a estimé qu'il fallait “augmenter la régularité” et que les seuls parcours valides étaient ceux qui passaient par Lyon, et de ce fait Le Cévenol a été supprimé. Il était encore possible de faire le parcours mais avec au minimum quatre correspondances, nécessairement de jour et pour une durée minimale de 11h à 12h. J'ai continué de passer par ce parcours mais avec un poil moins d'agrément et une touffe de poils plus de contraintes...
Les Philosophes tendent à rechercher la liberté maximale et si possible absolue. Pour cela, ils inventent sans fin de nouveaux moyens et de nouvelles méthodes pour augmenter le niveau de liberté, pour eux-mêmes et pour les autres. Les Philosophes, dira-t-on, ont un mauvais fond, ils œuvrent pour la détérioration de la société et, dans leur conception de ce que peut être une détérioration, augmenter le niveau global de liberté leur semble un bon moyen, je dirai même que ça leur semble le meilleur, peut-être le seul moyen. Pour réaliser cela ils auront deux moyens, “réduire les contraintes” et “augmenter l'entropie”. Le premier moyen est connu et visible et se résume en ce mot, « dérégulation ». Le second moyen est connu et visible, et se résume en ce mot, « désinformation ». Dans les deux cas, ce sont des illusions mais des illusions réelles et nocives, destructrices de la société, or les humains étant des êtres sociaux, détruire la société revient à détruire l'humanité, au sens concret de supprimer – tuer – des humains, et à celui abstrait de les rendre inhumains, de les amener à agir autrement que ne le fait un humain accompli. Évidemment, les sens abstrait et concret convergent, le moyen de supprimer des humains étant d'amener d'autres humains à le faire. Je pense que mes lectrices et lecteurs, à ce point de ma description de l'action des Philosophes sur la société, ont vu la description d'une situation qu'ils connaissent, celle qui a lieu dans la plupart des sociétés actuelles. Mon but ne sera donc pas, ici, de décrire ce qui est évident, car si l'action des Géomètres est évidente dans ses conséquences, il n'était pas inutile je crois de montrer comment l'on peut, avec de “bonnes” intentions, obtenir de très mauvais résultats pour une efficacité nulle ou négative et un coût important. Pour l'action des Philosophes sur la société il n'y a rien à démontrer, elle est d'évidence négative, par contre il me semble intéressant de comprendre comment ils parviennent à convaincre une part non négligeable des humains, au mieux à consentir, au pire à participer à la destruction de ce qui constitue leur humanité, le lien social, et à détruire les humains mêmes.
Non-information, désinformation, surinformation et contre-information.
Si la communication est le cœur et le moteur de la société, ce n'est qu'un moyen, la fin est de réguler l'information en vue de “lisser les rapports humains”. Comme je le dis dans divers textes, il n'y a pas de relation causale entre les fins et les moyens, aucune fin ne justifie aucun moyen, aucun moyen ne justifie aucune fin, la communication est un moyen collectif mis à disposition de tous, afin que chacun puisse poursuivre au mieux ses propres fins. Exemple concret, le téléphone : c'est un moyen de communication disponible pour tous et capable de relier tout humain à tout autre humain disposant d'un téléphone ; le moyen existe pour la collectivité mais la collectivité ne préjuge pas de l'usage qui en sera fait, a priori ce moyen est donc conçu pour communiquer entre humains par le truchement d'un outil commun lui aussi, le langage. Cela posé, un humain disposant d'un téléphone peut l'utiliser pour tout un tas d'autres choses. Ceux actuels les plus courants, téléphones portables, smartphones et tablettes numériques, intègrent déjà d'autres outils pour d'autres usages ou les mêmes usages mais sous une autre forme, ce sont aussi des appareils photos, des radios, des lecteurs MP3, des réveils, des alarmes, des terminaux d'ordinateurs, des consoles de jeu, etc. Là-dessus, en tant qu'objets d'une certaine forme et d'une certaine consistance, ils peuvent avoir des usages non prévus par leurs fabricants, par exemple, il m'est arrivé d'en utiliser un pour aider une personne à déposer des décalcomanies sur une vitrine, tirant partie de sa rigidité et de sa faible surface de contact, sous un certain angle, pour exercer une pression forte et régulière à même de désolidariser le décalcomanie de son support et de le transférer sur la vitre. Description un peu longue pour montrer qu'un usage inattendu peut être pertinent du fait des caractéristiques intrinsèques d'un objet, indépendamment de son usage supposé. Il y a donc indépendance entre le moyen “téléphone” et la fin poursuivie par son détenteur. Par le fait, plus un objet est conçu en vue d'une certaine fin plus on l'utilisera ainsi mais il n'y a pas de nécessité à cela. Autre exemple, je dispose d'un tranchoir dont le concepteur me dit que c'est une débroussailleuse, et de fait ça en constitue une très efficace, mais comme c'est un objet assez lourd pourvu d'un manche avec, côté tranchoir, une surface plane assez importante, je m'en sers aussi pour aplatir des objets, aplanir ou lisser des surfaces, et côté manche je m'en sers comme massette pour enfoncer des pieux, etc. Ici, contrairement au téléphone portable comme objet rectangulaire et plat, si les autres fonctions ne sont pas expressément prévues les concepteurs de l'objet l'ont conçu pour que des usages de ce type soient possibles, c'est un trait commun de beaucoup d'outils que la polyvalence. Les quatre cas du titre de cette partie, non-information, désinformation, surinformation et contre-information, ont en commun de réduire le champ d'usage ou d'application de la communication, de réduire de beaucoup sa polyvalence et d'en faire un certain moyen pour une fin unique ou un moyen unique pour une certaine fin.
Ces quatre cas fonctionnent par paires, non-information et surinformation sont les deux faces d'une même fin, désinformation et contre-information les deux faces d'un même moyen. Bien sûr dans l'optique des Philosophes il n'y a pas d'indépendance entre les fins et les moyens, la différence tient en l'orientation, non-information et surinformation poursuivent une fin dont la communication est le moyen, en gros, donner une fausse représentation de la société, soit en réduisant le niveau d'information, soit en l'exagérant, ce qui dans les deux cas empêche les membres de la société de s'en faire une représentation vraisemblable. Désinformation et contre-information sont en amont de l'information stricto sensu, en théorie, tant la non-information que la surinformation se basent sur des “informations” réelles, même si le caractère d'information d'une information est toujours sujet à caution mais peu importe, on peut dire que dans l'ensemble ça concerne des fait réels et vérifiables, en revanche les deux autres cas « fabriquent de l'information », la désinformation en soustrayant, la contre-information en ajoutant des “faits” à la réalité. L'exemple classique de désinformation est cette pratique des régimes totalitaires de réécrire l'Histoire en en éliminant les individus et les événements du récit, les cas les plus illustratifs étant la retouche de photographies et pour les exemples les plus spectaculaires, de films d'où des personnages disparaissent, parfois remplacés par d'autres quand le trou dans l'image serait trop visible, au gré de leur disgrâce. Parfois certains réapparaissent. La contre-information est aussi ancienne que la désinformation mais n'avait pas encore de nom spécifique jusqu'à récemment, ça dépend des époques, jusqu'à il y a peu on parlait de “propagande” même si la désinformation aussi en fait partie, depuis peu la présence grandissante de la contre-information lui a donné des noms, “réinformation”, “vérité alternative”, “fake news”, entre autres. Chacun de ces trois termes pointe un type particulier de contre-information.
La supposée réinformation est la construction d'une pseudo-information à partir de faits avérés mais “retouchés”, soit part en y ajoutant des éléments factuels ou interprétatifs qui ne sont pas présents dans les informations sources, soit en rassemblant des faits disparates dans une même rubrique en les “unifiant” fallacieusement, par exemple en regroupant tous les faits divers sur des actes de délinquance où l'un au moins des délinquants supposés a un nom à consonance “arabe” ou a une peau assez ou très sombre, le but étant de “démontrer” à la fois que ce genre de personnes fait notablement dans la délinquance et que “la menace arabe” (il faut dire désormais “la menace musulmane” mais c'est la même chose) ou “la menace nègre” (ici l'euphémisme est “la menace africaine”, même quand la personne pointée est antillaise de naissance ou d'origine) est un fait indéniable et très prégnant.
La “vérité alternative” n'est vérité que de nom et tire partie d'une réalité, discutée un peu avant d'autre manière, ou de la même, au fond, selon l'angle de vue un même objet n'a pas la même apparence. J'ai le souvenir d'un cas récent en France, la supposée “manif pour tous” censée compter, d'après ses organisateurs, plus d'un million de membres. Pour avoir participé moi-même à une manif dont les organisateurs, plus humbles, ont donné le même nombre même si selon moi ça allait plutôt vers les 1,5 millions, j'ai un peu idée de ce que ça représente comme masse humaine et à cette aune, je situe la supposée “manif pour tous”, au mieux alentour de 250.000 membres. Une rare fois où mon estimation rejoint celle de la préfecture qui, en temps normal, tend à sous-estimer le nombre de manifestants. Le nombre donné par la supposée “manif pour tous” est une construction liée à une donnée que seuls ses organisateurs connaissent, le nombre de véhicules ayant amené des manifestants et le nombre de manifestants véhiculés. Il semble que dans ce cas ces données furent « un peu » gonflées... Dans le même genre, suite à une manifestation anti-Trump organisée aux États-Unis et un peu partout dans le monde, les soutiens de Trump ont organisé une contre-manifestation qu'ils ont donné comme rassemblant là aussi un million de membres, contre une estimation des médias et des forces de l'ordre d'environ 200.000. La “défense” des organisateurs est proprement d'angle de vue cette fois, les “trumpistes” arguant du fait que les photos et films rendant compte de la manifestation étaient dans des angles de vue qui ne visaient qu'une partie du rassemblement, alors qu'on la voit sous tous les angles et que sous tous les angles elle rassemble en effet au mieux 200.000 personnes. Clairement, la “vérité alternative” ne recherche pas vraiment une validation par la réalité observable, elle se destine, disons, aux convaincus, aux personnes déjà sensibles aux propos venant d'un certain groupe et assez insensibles aux autres sources.
Les “fake news” sont proprement des informations fabriquées, on affirme qu'une certaine chose a eu lieu, a lieu ou aura lieu, alors que ce n'est pas le cas. Bien sûr, assez vite après des personnes vont s'empresser de « rétablir la vérité » ce qui indiffère l'émetteur de la fausse nouvelle. Le but ici est double : à court terme, dans l'immédiat même, il s'agit d'obtenir un soutien appuyé et le plus large possible ; à moyen et long terme, et bien, je le disais dans d'autre pages, formulé un peu différemment, ce qui est donné pour vrai un jour est vrai pour toujours. Les mêmes que je nomme ci-avant les “convaincus”, ou en tout cas ceux parmi eux qui le sont profondément, les “convaincus par avance”, ne remettent jamais en cause ce que leurs “idoles” ou les “officiants” de ces idoles disent, du moins si les officiants et les idoles ont le même discours, en cas de contradiction seule la parole des idoles compte. Disons, Trump émet une connerie du genre « La Lune est un fromage de Gruyère », et les officiants proclament urbi et orbi que pas du tout, il ne voulait pas dire ça, en fait il voulait dire que la Lune est trouée comme un Gruyère, mais Trump lui-même ne dit rien, pour les autres il y a eu un démenti, pour les convaincus par avance il y a eu une stratégie pour dissimuler la Vérité Vraie aux yeux et aux oreilles des Infidèles et des Incroyants. Car il n'est pas bon que les Incroyants et les Infidèles connaissent la Vérité Vraie.
Ce qui fonde la, disons, « stratégie de communication » des Philosophes et des Salauds (car certains Salauds ne sont pas des Philosophes et poursuivent leurs propres buts, qui sont parfois contradictoires avec ceux des Philosophes. J'appelle ce genre de Salauds les Escrocs car, contrairement aux Philosophes ils visent leur intérêt propre à court terme alors que les Philosophes proprement dits visent le Bien de l'Humanité, mais à long terme, et en attendant il faut éliminer “un peu” les Indésirables) est le désir de fabriquer non pas une vérité mais une réalité alternative. Les Escrocs s'en fichent un peu, dans la typologie “psy” on dirait que ce sont des “sociopathes”, ce qui n'est pas trop inexact pour une fois, je veux dire, ils sont en quelque sorte “malades de la société”, de la société considérée comme un organe. Ils ont bien intégré les codes sociaux et savent y évoluer, dirait-on, avec grâce, mais il n'en font pas partie, pour eux la société est une sorte d'eau et ils sont des sortes de poissons, mais des poissons qui portent un masque : sardines ou thons à l'extérieur, requins par dessous, ou un truc du genre. Trouvez la métaphore qui vous convient, le fait est là : un sociopathe est une personne qui ne se considère pas participer de la société humaine, soit qu'il considère que la majorité ou la totalité des humains ne sont pas humains, soit qu'il se voient lui-même comme non-humain, surhomme, ou loup, ou dieu, bref d'une autre essence. Dans un cas ou l'autre le résultat est le même, il est dans un rapport de type proie-prédateur avec les autres humains, lui-même est un prédateur, les autres humains majoritairement des proies, minoritairement des prédateurs. Le sociopathe “pur” se fiche un peu et même beaucoup de savoir s'il a affaire à des proies ou des prédateurs, pour lui un prédateur est juste une proie un peu plus coriace que la proie moyenne. Le sociopathe “impur” n'a pas la même vue des choses, il ne souhaite en rien se confronter à des prédateurs, de ce fait ils vont se trouver des comparses, des sortes de proies mais avec des qualités de prédateurs, ou au contraire des prédateurs à apparence de proies, ou tout simplement des proies. Dans tous les cas, il s'agit d'envoyer ces comparses en éclaireurs, comme détecteurs de cibles. Si la cible visée est un prédateur, et bien, c'est le comparse qui prendra, où le prédateur si le comparse est un prédateur à forme de proie et que la cible a trop confiance en ses capacités de discernement. Pour ces histoires de proies et de prédateurs je prends souvent l'exemple des souris et des rats : pas toujours facile de les différencier, et si on se trompe et qu'on agit contre un rat comme si c'était une souris, ça peut avoir des conséquences imprévues et dommageables.
D'un sens, les Philosophes aussi ont une mentalité de prédateurs, mais bienveillants, s'ils font souffrir des humains c'est par nécessité et pour un bien futur. Le modèle classique est celui du pasteur et du troupeau. C'est d'ailleurs pour ça que je ne suis pas chrétien, j'ai horreur de cette symbolique, en aucun cas je n'entrerai dans le troupeau et je n'ai aucun désir d'être son pasteur. Moi qui ne suis en rien philosophe j'ai ma philosophie, ni con, ni salaud. C'est comme ça, je suis un incroyant en matière d'idéologies et de philosophies mais ça ne m'empêche pas d'en tirer des leçons profitables. La symbolique est claire je crois, le pasteur et le troupeau, et en plus le troupeau est invité à s'identifier à l'Agneau de Dieu, on ne peut faire plus transparent. Remarquez bien, le but de cette symbolique est en théorie de prévenir les ouailles (les oies ?) de se garder des pasteurs, avec ce problème qu'une personne à mentalité de pasteur, un Philosophe par exemple, peut trouver là une opportunité pour passer de la symbolique à la réalité alternative, ai-je besoin de recenser tous les cas historiques où en effet de bons bergers ont mené leur troupeau à l'abattoir ? Non, je n'en ai pas besoin, c'est sûr. Et au fond, je n'ai pas trop besoin d'aller plus loin dans cette discussion, c'est assez simple de comprendre comment ça fonctionne, il s'agit de convaincre une part significative des membres de la société que l'on a un bon berger bienveillant, de mettre en place des conditionnements qui peuvent transformer les moutons en loups si besoin est, et de les « déclencher » en leur envoyant le bon signal. Il est vrai que dans un nombre important de sociétés ça ne marche plus si bien, en Europe par exemple il n'est plus envisageable de faire une levée en masse pour aller sus à l'ennemi, mais les terroristes qui ont agit récemment et continuent de le faire montrent que pour résiduel soit le nombre de “conditionnés” il n'est pas nul, et qu'ils sont aisément activables. Il est vrai, le temps passant, les réseaux qui permettent aux Salauds ou aux Philosophes de lancer des attentats vraiment efficaces se réduisent comme peau de chagrin, et de fait, l'activation à distance est beaucoup moins efficace. Le problème des Salauds est qu'ils doivent compter sur des Cons pour l'action directe, et qu'un Con est un Con... Dans une société largement conditionnée on peut se servir de faux Cons, des non-Cons qui se prennent pour des Cons, donc effectivement des personnes efficaces malgré leur manque d'estime de soi, mais le temps passant il y en a de moins en moins et l'on doit faire avec les vrais Cons, qui ne sont guère autonomes, d'où la difficulté de les activer à distance, ou avec des faux Salauds, qui ne sont pas fiables car un Salaud, vrai ou faux, agit d'abord pour son propre intérêt et qu'on n'est jamais sûr que les intérêts d'un Salaud convergent avec les siens propres. Sans compter les faux faux Salauds, qui sont au mieux des vrais Cons qui s'ignorent, au pire des humains accomplis qui, par nécessité, jouent un autre jeu.
Très sincèrement, je suis fort heureux de ne pas être un Philosophe ni un Salaud, ces gens-là doivent vivre en permanence dans la peur et la colère. Spécialement lorsque leur réalité alternative se désagrège et qu'il n'arrivent pas vraiment à comprendre pourquoi.
En guise de conclusion.
Pour les hypothétiques Philosophes qui me liraient, j'explique pourquoi leur réalité est en cours de désagrégation. Comme dit dans d'autres pages, les personnes les mieux à même de créer des illusions sont, pour la conception des humains accomplis, pour la réalisation des Géomètres. Bien sûr, ils les construisent, du moins en apparence, pour des Philosophes. Mais bon, si j'étais un humain accompli, quel intérêt aurais-je à favoriser les menées d'un groupe dont le but est la destruction des humains accomplis ? La réponse est dans la question, et comme dit, ils les construisent donc en apparence pour des Philosophes. Le plus curieux dans tout ça, lesdits Philosophes devraient pourtant savoir que le apparences sont trompeuses puisqu'ils demandent aux humains accomplis de leur créer des apparences trompeuses, je pense, sans pouvoir le certifier, qu'ils pensent avoir un moyen d'aller au-delà des apparences, ce qui est impossible, du moins en ce qui concerne les vraies apparences. Mon hypothèse est que voyant une apparence, ils tentent de la “percer” est quand ils y arrivent, pensent avoir découvert une essence, quand ils y échouent, sont convaincus qu'il s'agit d'une apparence trompeuse, ce en quoi ils ont tort. D'où leur incapacité à comprendre pourquoi les apparences “non trompeuses” se révèlent trompeuses.
Ce n'est qu'une hypothèse, autant je suis à-peu-près capable de comprendre un Géomètre, autant je ne comprends pas les Philosophes, il se peut que tout simplement ils souhaitent que leurs projets irréalistes échouent. Ou qu'ils soient à bout de ressources. Ou que le Petit Lutin Vert ou la Fée Carabosse ou je ne sais quel autre être mythique les ai quitté ou au contraire soit là et leur ait exprimé son désaccord quant à leur conduite des affaires humaines, ou que sais-je... Je suis réellement incapable de comprendre les schémas de pensées de personnes qui croient que la réalité est trompeuse...