Et j'en sais qu'il est très difficile pour mes semblables et dans ma société de tuer un semblable. Certains savent persuader d'autres que certains semblables n'en sont pas, que ce sont des différents, du fait, s'ils les tuent ils ne tuent pas des semblables. Croient-ils. Or, importe non de croire mais de savoir, car quand on agit sans savoir et qu'agissant on tue volontairement un semblable, la sanction est immédiate : qui tue un semblable vivra éternellement en enfer. Cela dit, ça ne change pas grand chose, se trouver en situation d'être capable de tuer volontairement un semblable implique que l'on vit déjà en enfer.

Une pièce qui devint un film a un titre fort intéressant, Les salauds vont en enfer. Le récit conte les aventures sinistres et violentes de deux salauds. Leur parcours semé de morts les conduit en un point où ne restent que trois personnes, eux et une femme, objet de tous leurs désirs et convoitises. Le seul but de cette femme est alors de survivre, et pour cela elle s'appuie sur leur convoitise, qui les met dans une confrontation ultime, et les affronte alors à leur propre violence qui devient violence réciproque. Comme ces deux salauds sont d'une égale violence et, en tant que salauds, d'une égale impuissance, chacun d'eux devient non pas la victime de l'autre mais sa propre victime. Le grand problème pour un salaud est simple, il sait que les salauds vont en enfer, toujours, donc ils ont une méthode pour éviter cela, ne pas être auteur d'un acte irréparable, tel que tuer un semblable. Nul n'échappe à sa propre responsabilité, raison pourquoi ces deux-là deviennent chacun sa propre victime : ou ils tuent en toute conscience un semblable et vont en enfer, ou ils se tuent eux-mêmes en croyant ainsi échapper à leur destin, mais se tuer c'est tuer un semblable, le plus semblable de tous les semblables, et ils vont donc en enfer. C'est ainsi.