La seule réelle manière de faire société est l'harmonisation par l'accord. Toute autre forme n'est qu'apparence de société, ou plus exactement n'est pas la forme humaine de société. On peut dire que d'une certaine manière il y a de l'harmonie entre les membres d'une ruche ou d'une fourmilière mais elle ne se fait pas par l'accord, les membres d'un essaim d'abeilles sont pré-accordés, “sur la même longueur d'onde”, la socialisation apicole est inverse à la socialisation humaine, dans le premier cas les individus sont harmonisés de naissance et si l'un se “désaccorde” il doit sortir de la société, dans le second les individus naissent “désaccordés” et entrent dans la société une fois harmonisés avec le groupe. La phase assez longue de socialisation humaine peut être qualifiée d'accordage. Le contrôle social mentionné dans l'introduction est qualifiable de pseudo-harmonisation, le berger, ou goupillon, “émet sur deux longueurs d'onde”, l'une en phase avec le loup, ou sabre, l'autre avec le troupeau. Il n'y a pas réelle harmonisation car les harmoniques n'interviennent pas dans ce processus, du moins avec le troupeau, mais seulement la fondamentale, les harmoniques étant traitées comme du bruit, du parasitage de signal. Tous les membres d'une société réelle sont à la fois bergers, loups et moutons (ou agneaux, si l'on préfère), dans une pseudo-société ces fonctions sont inamovibles et chacun reste dans son rôle.
N'importe quelle réalité peut me servir d'exemple mais j'ai l'habitude de les prendre dans mon actualité parce que je ne désespère jamais d'être lu peu après avoir écrit, ce qui n'est pas encore arrivé mais ça n'est pas bien grave, du moins pour moi. Triste à dire mais il m'indiffère assez d'être entendu, d'être lu, ou non, qu'est-ce que ça changera à ma propre réalité ? Possiblement un peu plus de confort, possiblement un peu plus d'inconfort, rien de plus. J'espère atteindre les personnes désharmonisées ou non-harmonisées pour leur bien, si j'y parviens c'est tant mieux pour elles, pour moi ça importe peu. Donc, des exemples dans mon actualité. En ce moment j'ai le choix mais le cas qui me servira ici est celui du supposé “mouvement des gilets jaunes”. Supposé mouvement parce qu'il ne meut rien, je vois un peu d'agitation mais sur place, ça gigote mais ça ne déplace rien sinon un peu d'air. Faire un peu de vent peut être agréable pour les voisins mais ça ne meut que de la poussière...
Donc, le mouvement des gilets jaunes. Ils semblent se prendre pour des courageux, des loups, des lions, des sabreurs. Mais s'ils rencontrent une réelle opposition, ils se débandent avant même de s'y confronter. La raison profonde de leur incapacité à construire un mouvement est leur disharmonie, il sont “en accord” non “en harmonie”, ils se fédèrent sur une seule longueur d'onde, un mot d'ordre limité et idiot, ils sont certes des loups mais seulement en meute et seulement si les agneaux, les bergers ou les loups en face sont moins nombreux, les rares qui vont à la confrontation sont des “loups solitaires” mais un loup qui ne chasse pas en meute est impuissant, aussi faible qu'un agneau. Pour le dire méchamment, un agneau enragé ne fera jamais un loup. Dans un autre texte je les décris comme des manifestants qui face aux intempéries scanderaient “Non à la neige ! Non à la neige ! Jupiter démission !”. Tous disent « On n'en peut plus de cette société de merde ! » et tous ont la même solution pour qu'elle ne soit plus une société de merde : ne rien changer.
La disharmonie a trois conséquences : en temps “normal” certains veulent que tout change, d'autres que rien ne change ; en temps “anormal” beaucoup veulent que tout change ET que rien ne change ; en période critique, personne ne sait si tout change ou si rien ne change et certains agissent pour le changement ou l'inchangement mais leur action a le plus souvent l'effet inverse à celui attendu.
Malgré le titre de cette discussion, je compte de nouveau parler ici plus de la disharmonie que de l'harmonie, du moins en un premier temps. Il faut dire, l'harmonie s'explique peu, elle se pratique et voilà tout. Bon, une brève explication.
L'harmonie est la manière normale de faire pour agir, comme on dit, “de concert”, on s'entend pour réaliser un projet, puis on discute en un premier temps sur les étapes, les fonctions de chacun, les moments de travail en commun, les ressources nécessaires, la durée, etc. On se règle, on s'harmonise, chacun prend sa place dans l'orchestre et quand le chef de projet donne le signal de départ, chacun prend sa partie et commence à jouer. Un projet commun est réellement comparable à une interprétation orchestrale, chaque participant joue sa propre partie sans considérer ce que font les autres participants sauf un, qui peut ne pas exister effectivement, celui qui donne la hauteur et marque le rythme. Il y a cependant trois sortes de projets, comme il y a trois sortes d'interprétations orchestrales : ceux où on connaît le moyen et la fin, ceux où l'on connaît le moyen, non la fin, ceux où l'on connaît la fin, non le moyen. Il y a aussi les cas où on ne connaît ni la fin ni le moyen mais là on ne peut pas vraiment parler de projet. Ces derniers cas correspondent à la disharmonie.
Une société ne peut avoir de projet si elle n'est pas harmonisée. Ce qui ne signifie pas que l'ensemble réuni dans ce que je nommais pseudo-société n'a pas de projet mais précisément ce n'est pas un projet social, ou plus exactement, ce projet concerne une partie seulement de l'ensemble, le “berger”, les “loups” ou la paire berger-loups. Dans tous les cas, il faut un groupe “berger” ou “goupillon” et un groupe “loups” ou “sabres”, le cas paritaire étant, soit la division du groupe en deux sous-groupes, soit un accord entre deux groupes, l'un jouant le berger, l'autre jouant les loups. On peut avoir diverses configurations effectives mais dans tous les cas il y a un même schéma, la différence venant du fait que certains éléments de ce schéma peuvent ne pas être réellement présents. Ce schéma est celui assez bien décrit par un auteur qui me semble avoir été un sale type mais peut-être que non, c'est difficile de savoir quels sont les buts d'une personne qu'on ne connaît qu'indirectement. Ce type s'appelait Carl Schmitt, il explique la chose dans deux textes qui furent à un moment réunis en un volume, ce qui semble cohérent. Le premier, La notion de politique, fut publié en 1932, le second, Théorie du partisan, le fut en 1962. Deux dates significatives puisqu'elles correspondent aux moments de l'époque quasi-contemporaine où l'on passa d'un mode de contrôle à un autre. Époque quasi-contemporaine parce que le premier moment de cette époque n'est plus proprement contemporain, c'est-à-dire que les personnes actuellement vivantes nées avant le début de ce moment sont presque toutes mortes. On peut dater le premier moment alentour de 1920, à un ou deux ans près, et par le fait les personnes nées avant 1920 sont désormais assez rares...
J'ai ma propre manière de découper le passé, qui n'est pas absolue (les siècles, les époques, les périodes, les ères...) mais relative et contextuelle, dans le flux des événements il y a des séquences significatives marquées par des moments qu'on dira de bascule. Dans une autre discussion je donne des durées et des dates relativement précises mais ça n'a guère de sens, je partais de ma propre époque, qui ne vaut que pour moi, disons qu'une séquence, que je nommais dans cette discussion une génération, dure entre environ quinze et environ vingt-cinq ans, avec selon les cas deux inter-séquences à-peu-près égales ou une continuité. Il y a une manière assez simple de déterminer les débuts de séquences, la configuration générale des infrastructures de communication physique et informationnelle. Une séquence commence toujours lors d'une évolution significative de la communication informationnelle, une inter-séquence correspondant à une évolution significative de la communication physique, ce qui n'a pas toujours lieu en ce sens que les évolutions des communications physiques peuvent être tantôt quantitatives, tantôt qualitatives, celles informationnelles étant toujours qualitatives, et seules les évolutions qualitatives sont significatives.
Le début de la séquence dont je parle ici correspond au moment où la “téléphonie sans fil” (la TSF, ou radiophonie) commença à s'établir en tant que moyen de communication socialement disponible, vers 1920, sa fin est alentour de 1960, quand les premiers satellites artificiels à orbite stable furent mis en place, avec trois dates plus particulièrement significatives, le 12 août 1960 avec le lancement du premier satellite de télécommunication mais passif et limité à la TSF, le 10 juillet 1962 avec le premier satellite de télécommunication actif, le 13 décembre 1962 avec le premier satellite de télécommunication actif et universel pouvant relayer tout type de télécommunication (télévision, radiophonie, téléphonie, télégraphie). Dans mon analyse la dernière date est plus spécifiquement le moment de bascule mais ça n'a pas tant de validité, si l'on peut à-peu-près dater les moments de bascule il n'y a pas de solution de continuité, le début d'une séquence ne démarre pas le jour même de l'événement le plus significatif mais commence un peu avant et s'achève un peu après. L'année de publication de La notion de politique correspond à une inter-séquence, quand la convergence des deux infrastructures de communication s'achève, permettant une coordination nouvelle des loups et des bergers, la date de publication de Théorie du partisan correspond à une séquence, le moment où la communication informationnelle connaît une bascule qualitative. Ce qui explique pourquoi le premier expose la méthode idoine pour assurer un contrôle social “par le haut”, le second celle d'un contrôle “par le bas”.
Je soupçonne Carl Schmitt d'être un sale type en ce sens qu'il expose à chaque fois la méthode de contrôle pseudo-social, de l'autre côté il se peut que son but soit machiavélique, non se faire l'auxiliaire des loups et des bergers mais exposer leurs méthodes. Je le crois un sale type à cause de sa manière de les exposer, purement rhétorique et dans une forme accessible principalement par les bergers et une partie des loups, une forme d'écriture “ésotérique”, “pour initiés”. Mais rien n'est sûr avec les personnes qu'on ne connaît pas directement. Passons. Au fait, je ne vous conseille pas la lecture de Schmitt, pour être poli il est soporifique, pour l'être moins, chiant comme la mort. Je vous conseille plutôt une analyse de son travail brève mais percutante, Une entreprise de subversion du vocabulaire politique (Analyse de la matrice notionnelle de Carl Schmitt) d'Hélène Desbrousses (48 p., 5 €, éd. Inclinaison, coll. Ligne oblique, ISBN 978-2-916942-31-5), qui parle plutôt de la rhétorique schmittienne que de ses “théories”, lesquelles ont peu d'intérêt, pour le moins. Sinon en tant qu'explicitation de la propagande pseudo-sociale.
Son premier ouvrage se place dans un contexte de triomphe des pratiques “totalisantes”, de la forme de pseudo-socialisation qui renforce une situation où elle domine, le second dans un contexte où elle est en position de faiblesse et où elle doit pratiquer une sorte de guerre qui ne dit pas son nom, une guerre d'escarmouche, une guerre de guérilla. Une pseudo-guerre “divisante” : quand on est fort on cherche à unifier, quand on est faible, à diviser. Je parle bien sûr des tenants de la pseudo-socialisation, quand on agit pour une socialisation réelle c'est presque l'inverse sauf pour les termes, en position de force on cherche à faire progresser le niveau d'autonomie de chacun, en position de faiblesse à fédérer en mettant de côté ce qui peut opposer. Les partisans d'une structure pseudo-sociale berger-loups-moutons divisent toujours, les soutiens d'une structure réellement sociale unissent toujours, quand les uns “unifient” ils divisent quand même puisqu'ils unifient des “nous” contre des “eux”, quand les autres “séparent” ils unissent quand même puisqu'ils visent à donner également à tous la liberté de consentir à la société.
Le temps normal est celui où la socialisation prédomine, soit que l'on réalise, soit que l'on consolide un évolution qualitative des communications. Modifier la qualité des communications a toujours un effet perturbateur. Les voies et moyens de communication sont à une société ce que sont les systèmes sanguin et nerveux à un organisme, en modifier la qualité revient à faire de la société un autre organisme. C'est à la fois une nécessité et un risque : une nécessité parce qu'aucun organisme ne peut vivre éternellement et qu'une société se perpétue en se transformant, en “renaissant à elle-même” — il m'arrive de dire des sociétés humaines que ce sont des sortes de phénix — ; un risque parce qu'au moment de cette “renaissance” tous les repères habituels sont perturbés, ce qui crée du trouble, de l'anomie. Durant ces phases de changement qualitatif il y a nécessité à introduire de la pseudo-socialisation mais à petite dose. Là s'introduit un autre risque, dans une société existent toujours des groupes partisans d'une pseudo-socialisation permanente à haute dose qui dans ces périodes d'anomie agiront plus efficacement contre la société, contre son mouvement même, qui ajouteront du trouble au trouble, de l'anomie à l'anomie. Les tenants de la socialisation comptent sur le fait que les pseudo-socialisants sont divisés et que de ce fait ils ne trouveront pas moyen d'unir leurs ressources pour perpétuer et renforcer la pseudo-socialisation. Ce calcul ne se vérifie pas toujours, que ces antinomies s'entendent pour, pense chacune, orienter par après la structure en faveur de son propre projet, ou qu'un de ces groupes parvienne à imposer son idéologie à une part suffisante de la société pour en prendre le contrôle. Ce qui induit alors un temps anormal, mais durable. Durable, il faut s'entendre : rien ne dure en ce monde. On dira plutôt un état persistant au-delà de la période nécessaire d'ajustement.
Le schéma articulant la pseudo-socialisation est assez simple, on divise la société en trois ensembles, “le peuple” ou “le troupeau” ou “les ouailles”, “les puissants” ou “le berger” ou “le goupillon” et “les protecteurs” ou “les loups familiers” — “les chiens” — ou “le sabre”, et on divise le monde en trois entités, “nous”, “eux” et “les territoires à conquérir”, ce dernier ensemble étant effectif ou symbolique, des territoires “matériels” ou “spirituels”. J'en discute ailleurs plus précisément, la socialisation des individus est un processus assez incertain qui ne fonctionne pas pour tout le monde, du fait il y a toujours un stock de personnes imparfaitement ou insuffisamment socialisées, soit qu'elles consentent trop à la part de conditionnement nécessaire pour socialiser, soit qu'elles ne perçoivent pas l'intérêt de la solidarité paritaire et estiment n'en avoir jamais assez ou que d'autres en ont trop. Ces dernières sont celles qui constitueront, le cas échéant, des groupes ayant une idéologie où le modèle d'organisation est celui de la pseudo-socialisation, les premiers seront celles qui seront le plus perturbées durant les phases de changement, le plus plongées dans l'anomie et de ce fait, les plus sensibles à une propagande pseudo-socialisante, pour cette raison que dans une période troublée les schémas réducteurs et les solutions simples rassurent.
Je le disais précédemment, quand on les interroge les “gilets jaunes”, il ont presque tous un propos paradoxal, ils estiment vivre dans une “société de merde”, ce qui devrait induire à soutenir des propositions de changement de l'état des choses, or ils réclament que rien ne change. De fait, qu'ils le veuillent ou non les choses changent et même, ont déjà changé, ce qui les perturbe est ce changement que pourtant ils souhaitaient probablement mais entre ce qu'on espère et ce qui advient il y a rarement adéquation. Certains se demandent pourquoi une part importante et parfois — et souvent — majoritaire du “peuple” est “contre les réformes”, une question doublement réductrice : d'une part il n'y a pas que le peuple (entendu comme “le troupeau”) qui s'oppose aux réformes, en fait la majeure partie des opposants efficaces (qui peuvent réellement empêcher une réforme) appartient au groupe “berger” et quand “le berger” veut à l'inverse à tout prix qu'une réforme passe, il n'hésite pas à envoyer “les loups familiers” morde le peuple et à faire aboyer “les chiens de garde” contre lui, d'autre part “le peuple” est beaucoup plus souvent favorable que défavorable aux réformes, ou il y est indifférent, mais comme souvent les observateurs professionnels ne s'intéressent qu'aux trains en retard, rares, et négligent les trains qui arrivent à l'heure. Là-dessus, de toute manière “le peuple”, du moins dans cette version pseudo-sociale, n'existe pas, il n'y a pas d'un côté “les humbles” qui formeraient bloc, de l'autre “les élus” qui n'en formeraient pas un, ce serait presque l'inverse. Au passage, et merci à Emmanuel Laurentin, producteur de La fabrique de l'Histoire sur France Culture, de l'avoir signalé, l'historien Gérard Noiriel a publié un très intéressant papier, « Gilets jaune. "Les leçons de l'histoire" ». Comme il le relève, la forte médiatisation de ce “mouvement” ne reflète en rien l'importance du mouvement mais son intérêt en tant qu'élément de renforcement du groupe de pouvoir actuellement le plus fort, et comme il le note aussi, au cas où ce mouvement qui n'en est pas un prenait la voie de se consolider, les mêmes qui le valorisent en masquant ses aspects les plus déplaisants, ne manquera pas de les mettre en avant pour le disqualifier dès qu'il deviendra gênant. Sans compter que dans l'usine à spectacle que sont les chaînes de désinformation en continu, un spectacle chasse l'autre, je ne donne pas deux semaines aux “gilets jaunes” pour sombrer de nouveau dans l'anonymat d'où ils auront brièvement émergé — leur éphémère quart d'heure de célébrité...
Les “gilets jaunes”, comme le dit Noiriel, « crient “j’ai mal à la taxe au lieu de dire j’ai mal partout” [et] il suffit d’écouter les témoignages des gilets jaunes pour constater la fréquence des propos exprimant un malaise général ». Mais comme il l'écrit aussi,
Un tel mouvement est en effet voué à l’échec car ceux qui l’animent sont privés de toute tradition de lutte autonome, de toute expérience militante. S’il monte en puissance, il se heurtera de plus en plus à l’opposition du peuple qui ne veut pas être bloqué et ces conflits seront présentés en boucle sur tous les écrans, ce qui permettra au gouvernement de réprimer les abus avec le soutien de “l’opinion”.
L’absence d’un encadrement politique capable de définir une stratégie collective et de nommer le mécontentement populaire dans le langage de la lutte des classes est un autre signe de faiblesse car cela laisse la porte ouverte à toutes les dérives.
Je peux parfois donner l'impression, dans cette page ou dans d'autres où j'en parle, d'avoir un certain dédain voir du mépris envers les “gilets jaunes”, ce qui est inexact, ils sont la manifestation d'un malaise réel et honorable mais en sont une fausse réponse, une réponse qui conforte l'organisation sociale contre laquelle ils expriment leur ressentiment, dont les tenants, pour citer encore Gérard Noiriel, « la classe dominante a évidemment intérêt à privilégier un mouvement présenté comme hostile aux syndicats et aux partis ». à quoi il ajoute un peu plus loin,
En diffusant en boucle les propos des manifestants affirmant leur refus d’être “récupérés” par les syndicats et les partis, [les journalistes des chaînes d’information continue] poursuivent leur propre combat pour écarter les corps intermédiaires et pour s’installer eux-mêmes comme les porte-parole légitimes des mouvements populaires. En ce sens, ils cautionnent la politique libérale d’Emmanuel Macron qui vise elle aussi à discréditer les structures collectives que se sont données les classes populaires au cours du temps.
Et par leur entremise les “gilets jaunes” renforcent ce contre quoi ils croient lutter. On ne lutte pas contre la violence par la violence, contre le Spectacle par le spectacle...
Enfin si, on lutte ainsi contre la violence et le spectacle, mais d'autre manière : si les “gilets jaunes” veulent réellement déstabiliser la violence pseudo-légitime et dévoiler les ficelles du Spectacle ils doivent prendre le risque de la violence subie et ne pas consentir au Spectacle, à leur spectacularisation. Ce n'est pas par la violence commise mais par celle subie, et par le refus du spectacle, du spectaculaire, que le mouvement étasunien des droits civiques des années 1950-1960 obtint ses premières victoires, au risque, hélas effectif, de la sauvegarde, au risque de la vie de ses membres, en premier de ses représentants. Or, le fait que ce mouvement soit “spontané” et “désorganisé” ouvre un espace énorme aux dérives et aux “actions directes”. En toute honnêteté je ne crois pas à sa spontanéité ni vraiment à sa désorganisation, contrairement à ce qui se raconte trop souvent, le buzz spontané est une denrée rare sur Internet, et quant à la spontanéité du discours de la lanceuse du mouvement, excusez la chose, il suffit de l'entendre pour comprendre qu'elle n'est pas vraiment dans ce schéma. Bref, selon moi il y a par derrière ce “mouvement spontané” une organisation, une préparation, il y a un mouvement dans l'histoire mais un antérieur. Quel mouvement ? Aucune idée. Un mouvement qui ne veut pas de changement, voilà tout. Quoi qu'il en soit, ce pseudo-mouvement n'a aucun avenir parce que, pour me répéter, il ne meut rien, il va bien au contraire vers l'immobilité, ce qui ne peut réussir dans un monde en mouvement...
Donc, trois ensembles et trois entités. Comme vous ne l'ignorez pas, le monde est en guerre, l'Europe est en guerre, la France est en guerre. Vous l'ignoriez ? Étrange : l'actuel président de la République est le troisième consécutif à l'avoir dit, le cinquième à l'avoir acté, en outre l'actuel a confirmé et accentué la mobilisation des troupes sur des terrains de conflit, en premier sur le territoire national. Car outre d'être en guerre extérieure la France mène depuis des lustres une guerre intérieure. Pour être précis, par intermittence à partir de janvier 1991, continument mais avec des “niveaux d'alerte” variables jusqu'en 2005, en niveau maximal de cette date à février 2014. Depuis, comme dit Wikipédia, « il est resté au niveau rouge jusqu’à l’abandon du code couleur le 20 février 2014 », autrement dit le plan vigipirate est désormais au niveau maximal de manière ordinaire. À quoi l'on peut ajouter que depuis novembre 2016, la France est continument en état d'exception. Quand l'état d'exception devient un état permanent, on appelle ça la mobilisation générale, donc la France est officieusement mais de fait en guerre depuis au moins 2016, probablement depuis 2005. En guerre contre qui ? C'est une question. Faudrait demander à son président.
Je ne suis pas trop persuadé qu'Emmanuel Macron ait vraiment souhait que la France reste en guerre mais qu'il le veuille ou non ça ne change rien parce que la France est réellement en guerre. Certes, ce n'est pas la guerre qu'on nous vante ou vend mais elle y est. Je ne sais pas grand chose de Macron, comme déjà dit, que peut-on savoir d'une personne qu'on ne connaît qu'indirectement ? Je me fie à ses discours publics, lesquels sont très raisonnables et me conviennent, le plus souvent. Peu importe ce qu'on croit d'une personne, ce qui compte est ce qu'elle dit, il faut la croire sincère, agir envers elle selon ce qu'elle dit et lui demander d'en faire autant, d'agir selon ce qu'elle dit. Peu importe, je sais aussi ceci, quand Macron est arrivé à la tête de l'État la France était déjà en guerre, à la fois en guerre extérieure et en guerre intérieure. Il est comptable des engagements de ses prédécesseurs donc il doit maintenir cet engagement-là jusqu'à résolution du conflit. C'est que, dans une guerre il y a au moins deux parties — dans celle-ci il y en a beaucoup plus mais peu importe — et ce n'est pas parce que l'une dira “Pouce ! On arrête la partie !”, que la partie s'arrêtera.
Bon, je m'égare, comme souvent... Quoique, c'est quand même en lien avec l'histoire. trois ensembles et trois entités, disais-je. Pour illustration, raison qui m'a fait penser à Carl Schmitt, l'Allemagne hitlérienne. Suite à la défaite de l'Empire et de ses alliés, certains, ceux qui avaient trouvé de l'intérêt à voir cette guerre lancée en 1914 et la surprise d'une défaite écrasante après quatre ans de conflit lamentable — faut dire, la propagande de leur côté aurait fait passer la presse française pour une presse critique, du fait, la veille même de l'armistice les Allemands (en tout cas ceux qui n'étaient pas au front) croyaient qu'ils allaient chaque jour plus de victoire en victoire, d'où leur extrême surprise —