Et puis ? Si je me livre à une stricte autobiographie, un récit de ma vie, pour traduire littéralement le mot en ses formants, que décrirais-je ? Des événements, des actes, des idées, des pensées, des propos, peut-être des opinions et des projets. Est-ce que cela me décrira réellement, me dira ? Peu probable. Dans un autre texte et même dans plusieurs je dis une chose vraie à défaut d'être réelle : je suis vous. Contemplez votre vie et vous connaîtrez la mienne, contemplez-vous, vous me connaîtrez. Comme vous je suis pour moi-même un être singulier, un être unique, pas spécialement remarquable mais unique, comme vous je suis pour mes semblables un semblable parmi une multitude. Bref, je suis ce que vous êtes. Je vous invite donc à lire les discussions de ce site non pas comme “mes” écrits mais comme les vôtres car ils sont tels : le texte est écrit par son auteur mais lu par son lecteur, et votre lecture ne sera pas, ne peut pas être la mienne, donc ces textes sont les vôtres ou le seront après lecture.
Fin de cette autobiographie pour sa partie anecdotique.
Autobiographie imaginaire.
Un être vivant imagine, se représente la réalité en images, se fait une image de la réalité. Relativement au fait que pour un être vivant la réalité est inconnaissable sauf à un moment précis, celui de sa mort, moment où il retourne à la réalité. On peut presque dire qu'il la connaît aussi au moment de sa naissance mais sa naissance même la lui fait quitter, et la quittant, il en perd toute connaissance. Ou l'inverse, il en acquiert la connaissance mais en perd tout souvenir. Ou l'inverse, en naissant il en acquiert le souvenir. Compliqué...
Avant de naître, un être vivant est une parcelle de l'univers, quand il naît, il co-naît, il naît avec et en même temps que l'univers, il devient un univers et le devenant, il crée deux réalités, l'univers intérieur et l'univers extérieur. D'un point de vue objectif, extérieur, un être vivant reste une parcelle de l'univers de sa naissance à sa mort, et de même avant comme après son parcours de vie, d'un point de vue subjectif il en va autrement, avant sa naissance il n'est rien, après il ne sera rien, durant sa vie le seul univers connaissable se limite à lui, le reste est une hypothèse. Certes, une hypothèse dont il doit tenir compte s'il compte persister comme être vivant mais une hypothèse. Cesser de tenir compte de cette “réalité extérieure”, cesser, dira-t-on, de croire à l'univers que l'on n'est pas fait que l'on cesse d'agir comme s'il existait. On ne peut pas réellement faire la preuve de l'univers extérieur mais l'univers extérieur se passe de preuves parce que ne plus croire en lui est mortifère, ce qui suffit comme preuve de sa vraisemblance sinon de sa réalité.
Ce qui précède n'est pas... N'est pas n'est pas n'est pas... N'est pas, quoi ? Les mots, j'ai du mal avec certains, du mal à les énoncer. N'est pas, dira-t-on, “philosophique”. Et allez ! Le mot qui fâche. Qui me fâche. Parce que son emploi commun va contre son emploi exact, le philosophe est l'ami de la sagesse, il la fréquente et y aspire, et qu'y a-t-il de plus près de la réalité que la sagesse ? Ce qui précède n'est pas irréaliste, donc tend à la sagesse, et je suis ami de la sagesse. Mais je ne suis pas philosophe parce que trop de réputés philosophes ne sont pas amis de la sagesse et je ne veux pas figurer dans le lot — non pas dans le lot des amis de la sagesse mais dans celui de ses faux amis. Ce qui précède est on ne peut plus sage, on ne peut plus réaliste et parle d'un fait incontournable : un être vivant ne l'est et ne le demeure qu'aussi longtemps qu'il constitue un système fermé isolé du reste de l'univers. Il ressemble beaucoup à une maison ou plus exactement une maison ressemble beaucoup à un être vivant, mime la structure d'un être vivant : un objet fermé avec des ouvertures filtrantes permettant la circulation de l'air et des éléments mobiles permettant, par un système d'ouverture et de fermeture, à des objets d'entrer et de sortir de manière contrôlée.