Évangile de Luc, 1 :

1. Plusieurs ayant entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous,
2. suivant ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole,
3. il m’a aussi semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d’une manière suivie, excellent Théophile,
4. afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus.


Évangile de Luc, 21 ;

1. Jésus, ayant levé les yeux, vit les riches qui mettaient leurs offrandes dans le tronc.
2. Il vit aussi une pauvre veuve, qui y mettait deux petites pièces.
3. Et il dit : Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres ;
4. car c’est de leur superflu que tous ceux-là ont mis des offrandes dans le tronc, mais elle a mis de son nécessaire, tout ce qu’elle avait pour vivre.
5. Comme quelques-uns parlaient des belles pierres et des offrandes qui faisaient l’ornement du temple, Jésus dit :
6. Les jours viendront où, de ce que vous voyez, il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée.
7. Ils lui demandèrent : Maître, quand donc cela arrivera-t-il, et à quel
signe connaîtra-t-on que ces choses vont arriver ?
8. Jésus répondit : Prenez garde que vous ne soyez séduits. Car plusieurs viendront en mon nom, disant : C’est moi, et le temps approche. Ne les suivez pas.
9. Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne soyez pas effrayés, car il faut que ces choses arrivent premièrement. Mais ce ne sera pas encore la fin.
10. Alors il leur dit : Une nation s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume ;
11. il y aura de grands tremblements de terre, et, en divers lieux, des pestes et des famines ; il y aura des phénomènes terribles, et de grands signes dans le ciel.
12 Mais, avant tout cela, on mettra la main sur vous, et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous mènera devant des rois et devant des gouverneurs, à cause de mon nom.
13. Cela vous arrivera pour que vous serviez de témoignage.
14. Mettez-vous donc dans l’esprit de ne pas préméditer votre défense ;
15. car je vous donnerai une bouche et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront résister ou contredire.
16. Vous serez livrés même par vos parents, par vos frères, par vos proches et par vos amis, et ils feront mourir plusieurs d’entre vous.
17. Vous serez haïs de tous, à cause de mon nom.
18. Mais il ne se perdra pas un cheveu de votre tête ;
19. par votre persévérance vous sauverez vos âmes.
20. Lorsque vous verrez Jérusalem investie par des armées, sachez alors que sa désolation est proche.
21. Alors, que ceux qui seront en Judée fuient dans les montagnes, que ceux qui seront au milieu de Jérusalem en sortent, et que ceux qui seront dans les champs n’entrent pas dans la ville.
22. Car ce seront des jours de vengeance, pour l’accomplissement de tout ce qui est écrit.
23. Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! Car il y aura une grande détresse dans le pays, et de la colère contre ce peuple.
24. Ils tomberont sous le tranchant de l’épée, ils seront emmenés captifs parmi toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations, jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis.
25. Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles. Et sur la terre, il y aura de l’angoisse chez les nations qui ne sauront que faire, au bruit de la mer et des flots,
26. les hommes rendant l’âme de terreur dans l’attente de ce qui surviendra pour la terre ; car les puissances des cieux seront ébranlées.
27. Alors on verra le Fils de l’homme venant sur une nuée avec puissance et une grande gloire.
28. Quand ces choses commenceront à arriver, redressez-vous et levez vos têtes, parce que votre délivrance approche.
29. Et il leur dit une comparaison : Voyez le figuier, et tous les arbres.
30. Dès qu’ils ont poussé, vous connaissez de vous-mêmes, en regardant, que
déjà l’été est proche.
31. De même, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le royaume de Dieu est proche.
32. Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera point, que tout cela n’arrive.
33. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.
34. Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos cœurs ne s’appesantissent par les excès du manger et du boire, et par les soucis de la vie, et que ce jour ne vienne sur vous à l’improviste ;
35. car il viendra comme un filet sur tous ceux qui habitent sur la face de toute la terre.
36. Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous ayez la force d’échapper à toutes ces choses qui arriveront, et de paraître debout devant le Fils de l’homme.
37. Pendant le jour, Jésus enseignait dans le temple, et il allait passer la nuit à la montagne appelée montagne des oliviers.
38 Et tout le peuple, dès le matin, se rendait vers lui dans le temple pour l’écouter.

Il paraît que la France est en guerre et la République en danger. D'accord. Je n'y crois pas. Je crois en peu de choses et en tout cas, ne peux croire à cela. C'est ainsi. « Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne soyez pas effrayés, car il faut que ces choses arrivent premièrement. Mais ce ne sera pas encore la fin. Alors il leur dit : Une nation s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume » (Luc, 21, 9-10). On peut lire un texte d'au moins trois manières : par sa lettre, par son esprit et par sa forme. À chaque lecteur sa lecture. La forme du propos rapporté ici, attribué à un nommé Jésus, et la forme du récit de Luc même, sont classiques et même antiques. Ce que dit le chapitre 21 ? Littéralement, il annonce des catastrophes, ce qui ne requiert pas de grands talents de prophétie, je puis moi aussi vous annoncer que dans les temps à venir, les secondes, minutes, heures, jours, mois, années ou siècles à venir, il y en aura. Un rappel intéressant mais banal. Spirituellement je ne sais pas trop comment ça marche, je connais le processus mais imagine assez mal sa réalisation parce qu'elle dépend de chacun, chaque mot a une grande variété de significations, l'intérêt et la limite des langues est de simplifier le réel, l'intérêt car l'on peut en quelques mots décrire une vaste portion de la réalité, la limite car certains confondent les discours et la réalité, et la croient aussi simple que les mots. On dira que les littéralistes se contentent d'additionner les mots en leur donnant une valeur simple à chaque fois, les spiritualistes au contraire cherchent quelque chose comme un “sens caché” et multiplient les interprétations.

Il ne faut d'excès en rien, ni en simplification, ni en complexification. Que dit cette parole ? quand les temps changent il y a des paroles et « vous entendrez parler de guerres et de soulèvements », des actes et « une nation s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume » — car il faut que ces choses arrivent d'abord. J'en parle assez par ailleurs, ce qui fait une société est la communication. J'en parle aussi mais moins directement, ce qui défait une société est la communication, par son insuffisance ou son excès. Je dis parfois que les sociétés sont des phénix en ce sens que de loin en loin elles doivent “mourir” puis “renaître de leurs cendres”. Mais elles ont bien des manières de le faire. Et quoi qu'il semble se passer, ce qui se passe est autre.

Ce qu'on sait et ce qui est.

Une grande distance de l'un à l'autre. Je parle de complots et de conspirations dans ces pages, et ne manque pas de préciser que, les complots je n'y crois pas mais les constate, les conspirations j'y crois mais ne les constate pas. Pour exemple, les complots indéniables que mènent divers groupes depuis longtemps, chacun avec ses motivations, tous avec des méthodes similaires, formant des coalitions plus ou moins stables et durables, souvent changeantes. Quand on se trouve dans de tels groupes et qu'on adhère à leurs valeurs, ce que fait son propre groupe apparaît le plus souvent autre qu'un complot. Il s'agit d'un trait normal, quand on appartient à un groupe on en partage les valeurs ou on agit comme si c'était le cas, parce que ce partage de valeurs est la base de la formation d'un groupe. Où cela devient moins normal, quoi que prévisible, certains groupes tentent par divers moyens de s'agréger d'autres personnes en vue de réaliser un certain projet sans toujours expliciter ce projet. Ces moyens se résument à un seul, “transformer la réalité”.

Je le dis souvent, la réalité ne se transforme pas, on peut la modifier localement et très peu mais la transformer ? Compliqué... Les récentes détections d'ondes gravitationnelles se firent à la suite d'événements cataclysmiques, pour la première la collision de deux trous noirs comptant 36 et 29 masses solaires, résultant en un trou noir de 62 masses solaires, une dispersion d'énergie équivalant à trois masses solaires. Comme l'expliqua le physicien Kip Thorne, « La puissance totale libérée dans les ondes gravitationnelles pendant la brève collision [de 0,2 secondes] était cinquante fois plus grande que toute la puissance diffusée par toutes les étoiles de l’univers mises ensemble » (repris de l'article de Wikipédia GW150914). L'univers a une stabilité suffisante pour qu'un tel événement en altère à peine le tissu et soit rapidement résorbé.

Les humains se paient de mots, voir par exemple cette question de l'Oracle de Wikipédia et la réponse qui montre assez la distance entre fantasmes de toute-puissance et réalité : une “guerre nucléaire” aurait probablement des conséquences énormes pour les humains, un effet somme toute modéré et vite atténué pour leur environnement — de ce point de vue, on peut dire que le nucléaire civil est beaucoup plus dangereux, la réponse ne le mentionne pas mais il y a des cas où « les niveaux mortels ne concernent [pas] que des zones limitées, et ne sont [pas] atteints que quelques jours », comme Tchernobyl et Fukushima, dans ces cas la source de radiation reste à demeure et pour un temps très long. Et quelque énormes soient les modifications humaines au niveau qui les concerne, la biosphère, un peu en-deçà et un peu au-delà, elles ont une incidence assez limitée, et au niveau de cette section plus large de l'univers, le couple Terre-Lune, elles ont une incidence presque nulle.

Le cas actuel de ce que l'on nomme “changement climatique”, ou dans sa version restreinte et grand public “réchauffement climatique”, l'illustre bien, l'incidence des activités humaines sur leur contexte large (système Terre-Lune) est peu significative, sur la biosphère un peu plus notable mais bien moindre qu'on semble le croire, de ce que j'en entend dans les médias ou en interaction directe, par contre et assez logiquement elle est forte dans la part la plus significative pour les humains même. D'où cette perception de cataclysme imminent, “la fin de la vie” ou quelque chose de cet ordre. Factuellement, c'est improbable, et même la fin de notre espèce à court terme (dans les siècles voire les décennies à venir) est assez peu probable, en fait, il est assez peu probable que ça change grand chose à notre train de vie mais ça aura nécessairement une incidence forte sur nos comportements, or ce qui nous paraît le plus significatif est cela : nos comportements. De ce fait, un changement significatif de ceux-ci nous apparaît subjectivement “la fin du monde” puisque ce monde, d'un point de vue subjectif, dépend pour sa structure de nos comportements.

Ce que l'on sait se rapporte pour l'essentiel à ce qui nous concerne, nous humains. À l'évidence, ce qui vous concerne n'est pas ce qui me concerne. Certes, nous sommes vous et moi concernés par les mêmes choses, dans l'ensemble, disons, à plus de 95%, probablement à plus de 98% — considérant nos fonctions essentielles nous sommes concernés par les mêmes choses à près de 100%. Mais pour vous comme pour moi importe avant tout ce qui diffère d'une personne à l'autre, et la distance ou la proximité entre ces différences. J'hésite quant au taux de différence parce que ça ne se situe pas aux mêmes niveaux. D'un individu l'autre et même, d'une espèce l'autre les fonctions vitales diffèrent peu si du moins la manière de les mettre en œuvre peut assez varier, il n'y a qu'une manière d'être vivant — ça laisse un peu de côté la question des virus, cela dit. Par contre il y a de plus grandes différences entre lignées au niveau structurel, et de plus grandes différences encore entre espèces au niveau comportemental. J'entendais ce matin sur France Culture, émission « Les cours du Collège de France » , série « L'Homme prédateur » de Jean-Jacques Hublin1, que la connaissance de plus en plus fine des espèces proches de la nôtre, spécialement les espèces Pan, chimpanzés et bonobos, donnent des indices sur ce qu'a pu être le processus évolutif des humains, notamment par le fait que les structures sociales de ces espèces et leur comportements sont beaucoup plus similaires à ceux des humains qu'on ne le supposait il y a encore une vingtaine d'années — je parle ici des spécialistes de ces espèces, les primatologues, et des personnes qui s'intéressent au sujet, non de la majorité des humains, ce que sait l'espèce n'est pas souvent ce que croient ses membres. Considérant les comportements des Pan, ceux humains diffèrent très peu mais ce très peu a résulté en une significative divergence. Une différence notable est précisément la grande variété dans la compréhension de l'univers d'un individu à l'autre, très limitée chez Pan, très grande chez les humains. Pour les espèces Pan et toute espèce autre que les humains ça ne peut qu'être hypothèse même si l'on en sait de plus en plus pour trois raisons principales, des moyens plus efficaces, des méthodes plus fines et des hypothèses un peu ou beaucoup moins idéologisées. Les idéologies. Une nécessité mais aussi un problème.

Idéologiser l'univers.

Le titre de cette discussion, « Quoi qu'il semble se passer, ce qui se passe est autre », a rapport aux idéologies : elles forment un ensemble de croyances concernant la réalité et la meilleure manière de la comprendre et d'y agir ; nulle n'est vraie, certaines sont assez exactes dans leur contexte, toutes sont utiles à un instant donné et beaucoup sont vite périmées ou obsolètes et deviennent inutiles ou d'une autre utilité que celle que leurs attribuent leurs tenants, qu'ils y croient ou non. J'ai plusieurs fois abordé le sujet sans le poursuivre, vous avez probablement participé comme moi et participez encore à des groupes structurés sur un projet explicite, et selon la place que vous y aurez occupé vous aurez constaté comme moi que le discours tenu par ses membres varie selon leur position dans le groupe et les personnes à qui ils s'adressent, selon la durée du projet et selon les circonstances. Le cas le plus courant est une perception des membres du groupe comme “dans la bonne voie”, les sympathisants comme “dans la vérité”, les autres comme “dans l'erreur” ou “dans la mauvaise voie”. Je reprends mon vocabulaire descriptif des idéologies politiques ou religieuses mais sans attribuer à mes termes les mêmes valeurs, je ne suppose pas qu'il y ait une vérité autre que la mienne et celle des personnes de ma connaissance qui agissent selon ce qu'elles disent être leur vérité, pour être clair c'est moins la validité de l'idéologie qui m'importe que la sincérité de qui s'en prévaut, pour autant qu'elle n'aille pas contre ma propre idéologie, contre ma personne ou contre mes proches.

Donc, “mon groupe a raison” et “les autres ont tort”, avec des gradations, qu'ils croient à la vérité du dogme sans le respecter, ou respectent le dogme sans connaître sa vérité, ou ne respectent ni le dogme ni la vérité, ou qu'on ne puisse les situer. C'est une chose connue et mise en évidence par ce qu'on nomme “psychologie sociale” qui dans ses meilleurs aspects n'est pas vraiment de la psychologie. J'ai repris il y a quelques temps un document fort intéressant, proposé par une certaine Éva Louvet, entre autres enseignante en psychologie, Introduction à la psychologie sociale. Bien qu'ayant quelques réticences quant aux méthodes de la psychologie sociale j'y trouve un intérêt, la mise en évidence expérimentale de processus cognitifs. Disant que la psychologie sociale, spécialement dans son versant expérimental, n'est pas vraiment de la psychologie, je réfère à son arrière-plan comportementaliste : la psychologie sociale expérimentale crée des situations permettant d'observer des comportements, sa composante “psychologique” a lieu hors situation par un “debriefing” (terme en usage en psychologie), où l'on interroge les cobayes sur leur perception de la situation et leur comportement dans son cadre, une pratique qui s'éloigne de l'enquête sociologique même si elle en reprend des protocoles formels, puisqu'il s'agit de commenter une situation expérimentale où l'on est cobaye et non de parler en tant que sujet autonome, de manière directive ou non, de situations réelles.

Même si la séparation n'est pas si nette, on peut dire qu'il y a deux principales sortes de sciences humaines et sociales, celles constatives où l'observateur même quand participant n'oriente pas le déroulement de la situation, et celles normatives où il la crée ou la corrige, c'est de mon point de vue ce qui sépare le plus psychologie et sociologie : il y a dans la psychologie une intention correctrice préalable alors que celle possible à partir de la sociologie lui est postérieure. Cela à grands traits, il existe des sociologues qui ont un but de correction préalable, et probablement des psychologues sans intention correctrice, il s'agit d'une différence propre au domaine : la psychologie constitue une nomenclature des comportements “adaptés” et “inadaptés” et développe des méthodes pour “normaliser” ses sujets, qu'elle nomme “patients” à l'instar des médecins puisqu'elle a un but curatif ; la sociologie a des intentions mais d'un autre ordre, même si la plupart des sociologues ont une idéologie implicite ou explicite ils n'ont pas pour but immédiat de corriger la société mais d'en élucider les processus, pour que tous les acteurs de la société disposent d'éléments de réflexion aussi objectifs que possible quant au fonctionnement de leur société. Peu importe ici mais du moins, je préfère les formes constatives des sciences humaines.

Parmi


1. Pour une raison que j'ignore cet épisode du jour, « Aux origines de la chasse » ne figure pas dans la série, on peut y accéder par cette page ).