Qu'est un faux prophète ? Un prophète qu'on ne croit pas ou qui ne se croit pas. Voyez un Emmanuel de mon actualité, M. Macron, président de la République française depuis un an et demi environ à cette date, le 25 décembre 2018, c'est en la circonstance un faux prophète. Je ne sais que ce que je vois, donc je ne peux dire quel genre de faux prophète, voici pourquoi cette personne est nécessairement un faux prophète : sa position sociale et la manière dont elle y est parvenue font qu'elle ne peut être un vrai prophète. Je veux dire : dès lors que cet Emmanuel occupe la place la plus éminente dans sa société en ayant suivi le cursus normal pour y accéder, quoi qu'il puisse dire, une large part de ceux qui ne l'ont pas désigné et une part variable mais importante de ceux qui l'ont désigné comme moins mauvais choix ne parviennent pas à croire en sa parole, en la vérité de sa parole, dès lors, savoir s'il n'est pas cru ou si lui-même ne croit pas en ce qu'il dit importe peu. Comme dit le proverbe, nul n'est prophète en son pays. Je ne sais si Emmanuel Macron croit en son discours, je sais par contre que, comme dit, une part importante des citoyens et résidents français n'y croit pas.


Les prophètes... Vrais ou faux, ils sont légion. En des temps limpides on les voit à peine, s'ils sont vrais on les comprend et on appuie son opinion, croyance ou incrédulité, sur des éléments objectifs vérifiables dans la réalité effective, s'ils sont faux ils ne recueillent qu'une adhésion limitée et faible, en des temps troublés ils deviennent visibles, sinon que l'adhésion à leurs discours se fait le plus souvent à partir de jugements subjectifs qui ne s'appuient pas sur des éléments vérifiables. Finalement, faux ou vrais prophètes, ça ne veut rien dire, ce qui me semble évident : si les mots “disent quelque chose” il “ne veulent rien dire”, les mots n'ont pas de volonté propre, il ne “veulent dire” que ce que veut dire leur locuteur. Ici, écrire que faux prophète, vrai prophète, ça ne veut rien dire, signifie simplement qu'on ne peut postuler qu'un discours actuel est ou non prophétique — ce n'est pas non plus toujours facile pour le passé mais pour d'autres raisons —, selon les circonstances la question n'a pas de pertinence ou de solution, pas de pertinence quand il y a un certain consensus, pas de solution quand il y a un dissensus certain. Je ne sais pas pour vous, pour moi je ne peux rien postuler quant aux “pensées réelles”, et donc aux actions réelles, de mes semblables, ne serait-ce que pour une chose assez évidente : ce que je peux postuler sur la réalité se révèle souvent inexact, et ce que je peux en dire ne correspond qu'assez peu à ce j'en pense. La réalité est mobile et changeante, ce que j'en pense s'adapte à ce que j'en constate, ce que j'en dis ne vaut que dans le contexte où je le dis.

Prenez par exemple cet Emmanuel déjà mentionné : entre le moment de sa déclaration de candidature à la présidence de la République française et le moment où j'écris ceci j'ai un nombre fini mais grand de fois changé d'opinion, parce qu'il a lui-même évolué, tant dans son discours, parce que j'ai évolué, parce que le contexte a évolué, bref, ne jamais croire pour soi-même qu'on dit ce qu'on pense et qu'on pense ce qui est, on pense ce qu'on perçoit et ce qu'on perçoit n'est pas toujours ce qui est, on dit, d'un certain sens, ce qu'on pense, mais on ne pense pas toujours la même chose donc ce qu'on dit n'est jamais proprement ce que l'on pense mais ce qu'on croit pouvoir penser dans un contexte donné.