Le composant “éco-” dérive du grec οικος qui signifie “maison” et équivaut assez au mot latin mansio d'où dérive “maison”, qui désignait au départ le bâtiment, la résidence, constante ou temporaire, le “lieu de séjour”, y compris les auberges, d'où les divers sens associés aux humains, l'ensemble des personnes qui y résident et y travaillent, l'ensemble des personnes de la même lignée qui y résident, et par extension l'ensemble des membres d'une lignée, l'ensemble des personnes travaillant pour une même entreprise (une “maison mère”), l'entreprise elle-même, et les sens associés au bâtiment et ceux qui mixent les deux, tel le lieu de travail d'un artisan ou d'un commerçant. Même si l'association première la plus courante pour un locuteur français est le bâtiment résidentiel les autres sens ou au moins une partie d'eux est assez accessible, ceux encore en usage mais d'emploi rare hors de certains milieux, comme celui de “membres d'une lignée”, spécialement de haute noblesse ou de haute bourgeoisie, où la généalogie et la communauté d'intérêts sont importantes. L'écologie est “le discours sur la maison”, “la science du domestique”, l'économie “la loi de la maison”, “le droit du domestique”. Les temps changent, ces deux domaines se sont surtout développés au XIX° siècle mais, contrairement à la chimie, ou l'histoire, ou la physique, ou l'anthropologie, ou d'autres domaines des sciences et techniques, tant pondérales qu'humaines et sociales, on peut dire que l'écologie et l'économie n'ont pas réellement fait leur “révolution conceptuelle” et sont sur les mêmes présupposés depuis plus d'un siècle et demi.

Aussi contrastés semblent-ils, ces deux domaines sont tributaires de la conception dominante des rapports entre les humains et le reste de l'univers et des rapports entre humains dans le siècle qui les a vus naître. C'était le cas de toutes les sciences et techniques, mais les autres ont changé leurs bases dans la première moitié du XX° siècle, principalement avant la seconde guerre mondiale, alors que l'évolution de ces deux “éco-sciences” est tardive et n'a vraiment débuté que dans les années 1960. Cela notamment par leur position, leur statut et leur construction. L'économie fut de longue date centrale et “première”, et l'écologie au contraire périphérique et “dernière”, et pour toutes deux leurs présupposés théoriques ont précédé leur présupposés empiriques, dit autrement elles tendent à vérifier leurs hypothèses par leurs théories plutôt que l'inverse. Pour être clair, ces domaines ne répondirent pas, pendant longtemps, aux critères élémentaires des sciences et dans bien des branches et dans bien des écoles, ont une scientificité douteuse. Ce qui n'enlève rien à la valeur de nombre de travaux empiriques et d'analyses, mais en revanche elles ont une très faible capacité de prédictibilité même à moyen terme, et en revanche une très grande capacité de “prédation”, nombre de travaux de sciences connexes sont “recyclées” par l"économie et l'écologie, ce qui leur donne de la crédibilité et, pendant un temps, une plus grande efficacité apparente, mais dès qu'elles reviennent dans leurs brisées elles perdent en pertinence.

Il y a un paradoxe apparent, mais qui s'explique assez bien : alors que comme auxiliaires des institutions sociales, dont celles politiques, elles sont remarquablement inefficaces, comme domaines “scientifiques” elles ont beaucoup gagné en notoriété et en prééminence. Cela vient de ce que leurs présupposés convergent avec l'imaginaire dominant d'ingénierie sociale depuis environ deux siècles. En outre, comme souvent les branches et les écoles qui sont les plus attractives dans ces deux domaines sont, disons, les plus simplificatrices, et ce qui est “simple” est toujours plus convaincant dans l'immédiat que ce qui est complexe. J'en parle d'abondance, tout ce qui part de présupposés linéaires à causalité simple n'a pas trop de pertinence mais répond à la compréhension immédiate de la réalité, notamment sociale. Mon avis est qu'on devrait développer désormais deux autres domaines “éco-”, qui ne séparent pas la réalité comme le font l'économie, “science de la culture”, et l'écologie, “science de la nature”, celles nommées en titre, l'écotopie, la science “de la maison“ dans l'espace, et l'écochronie, la science “de la maison” dans la durée, non plus deux sciences opposées mais deux sciences complémentaires. Sciences, ou techniques, ou philosophies.

Le mot est la chose, la chose est le mot.

La très ancienne querelle entre les “nominalistes” et les “réalistes”, noms qui comme souvent ne disent pas ce qu'ils montrent, est dépassées depuis le jour où elle naquit. Comme leur nom ne l'indique pas, les nominalistes postulent que “le nom” n'est pas un instrument utile pour “lire la réalité”, qu'il n'est pas premier, que tout mot désigne toute réalité, aucun n'en désigne aucune, donc que ne nom n'est pas un moyen d'accès à la réalité, et ils ont raison. Les “réalistes” postulent qu'il y a un lien nécessaire entre les mots et les réalités qu'ils désignent mais que ces réalités, comment dire ? Ne sont pas réelles, que la réalité réelle ce sont les idées, et ils ont raison. Parce que le mot est la chose, donc quoi que l'on dise ce que l'on dit “crée la réalité”, donc la réalité n'est rien sans les mots, une idée, rien de plus, donc il y a un lien nécessaire entre les mots et les réalités nommées. Parce que la chose est le mot, on ne peut nommer que ce qui existe, ce qui préexiste donc au nom qu'on lui attribue, et on attribuera un nom aléatoire à cette réalité, caballus ou horse ou cheval ou perlimpinpin pour telle sorte d'animaux, canis ou dog ou chien ou perlimpinpin pour telle autre, il n'y a donc pas de lien nécessaire entre le nom et la réalité nommée. Si tous ont raison et qu'ils disent “le contraire” les uns des autres, il y a un os, non ?

Non, il n'y a pas d'os, sauf si os est un synonyme de paradoxe. Ah ben ! Justement, “os” est un synonyme de “paradoxe”. Mais non, pas du tout, un paradoxe est une « affirmation surprenante en son fond et/ou en sa forme, qui contredit les idées reçues, l'opinion courante, les préjugés », alors qu'un os est un « élément de consistance dure et de couleur blanchâtre servant de soutien aux parties molles du corps de l'homme et des vertébrés (à l'exception de certains poissons) », ce ne sont donc pas des synonymes. Et pourtant, si je dis que quand les contraires sont identiques il y a un os, je parle bien de paradoxe. Ou d'autre chose, par exemple de problème alors qu'un os n'est pas un problème sinon dans des situations très particulières mais même là le problème n'est pas l'os mais la situation, ou bien d'incongruité, qui n'est pas loin du paradoxe mais très loin de l'os, ou bien de perlimpinpin ?

Oh ! Là ça devient compliqué ! Pour la suite il faudrait en discuter de vive voix, par écrit la poursuite de cette discussion ferait passer le texte Un Spectre hante les nuages disponible ici en quatre parties (en équivalent papier ça composerait un texte de plus de 75 pages) pour une brève dissertation, oralement et en libre débat on pourrait en faire le tour en quinze ou vingt minutes dans les meilleurs cas, en deux ou trois heures dans les pires, et en ayant plus d'une fois l'occasion de partager des rires et des sourires.