Il y a ceci à comprendre : tout ce qui fut jamais est pour toujours et à jamais. C'est certes une jolie pensée philosophique mais c'est aussi une réalité, pour la raison simple que les êtres vivants en général et les humains tout spécialement ont la mémoire longue, celle de tous leurs ascendants, et sélective, seule la “vérité” de leurs “ancêtres” est la bonne, toutes les autres sont à exclure ou à éliminer. Si nécessaire, et ça l'est souvent, en excluant ou en éliminant les porteurs de “vérités” alternatives. Imaginez ceci : près de 3000 ans après l'arrivée des Hébreux dans ce coin, les Samaritains sont toujours là. Une population certes résiduelle, moins de 1.000 personnes, mais toujours là. Savoir s'ils sont des œufs ou des poules, je veux dire : possible qu'ils soient les fondateurs de la religion dont découlent toutes celles qui se relient au Pentateuque, possible qu'ils soient une secte dissidente, “conservatrice”, possible que les Hébreux soient une secte dissidente, “innovatrice”, possible qu'ils soient deux dissidences d'une religion antérieure. En tout cas et de leur point de vue ils sont “le premier occupant” d'une part non négligeable de l'actuelle Palestine. Problème, il y a au moins quatre groupes de base et tout un tas d'autres groupes secondaires ou tertiaires, qui sont tous “le premier occupant” car pour tous, le premier propriétaire de l'endroit a donné un titre de propriété en bonne et due forme à leurs ascendants. Comme en outre plusieurs de ces héritiers ont une propriété en indivision et qu'ils n'arrivent pas à s'entendre sur le partage, ça crée des tensions multiples et des alliances parfois étranges, le frère s'allie au cousin contre le frère en promettant au cousin de lui céder des parts du bien, le frère spolié s'allie avec un usurpateur contre le frère et le cousin en promettant vaguement à son allié-adversaire de lui céder son titre de propriété, chacun trahit chacun, c'est la guerre de chacun contre tous.
Bien sûr, rien ne se déroule comme espéré, notamment ce fait incontournable : le vainqueur d'un jour décide de massacrer tous ses adversaires et d'effacer toute trace d'eux, et il y arrive parfois, sauf qu'il reste toujours une trace, celle de l'effacement. Probable que les Samaritains de 2018 n'ont aucun lien généalogique avec ceux historiques, et certains qu'on ne sait pas exactement ce qui se passa il y a dans les 3000 ans, reste que malgré la tentative hébraïque d'effacer les Samaritains de l'histoire du monde, de raconter leur seule version de l'histoire, le simple fait de mentionner leur victoire, ce qui est presque inévitable (on veut effacer les traces de son infamie mais conserver celles de sa gloire, et les deux sont inséparables, garder l'une c'est garder l'autre), préserve la mémoire de ce qu'on a effacé. Le jour où un gars se prend de haine contre les Hébreux, probablement un Hébreu en rupture de ban qui en veut “à mort” à ses ascendants, il cherchera ce qui dans le passé légitime sa haine, trouve les Samaritains en s'en proclame héritier. Il ne sait rien d'eux et même, il va contre la loi des Samaritains puisque c'est à la base la même que celle des Hébreux, mais ça lui importe peu, le passé ne lui sert pas à se relier au passé mais au futur, à celui où l'objet de sa haine sera effacé de la mémoire du monde. Avec la même efficacité que la fois précédente : ce qui fut un jour est à jamais ineffaçable.
Pour anecdote, un jour j'ai été interdit définitivement de contribution sur la Wikipédia francophone puis de celle anglophone. Mon but alors était précisément d'en arriver là, de me faire “exclure de la communauté” pour de mauvaises raisons, non par ce que j'avais fait mais par ce que j'avais dit. J'avais à l'époque spécifié plusieurs fois à mes contradicteurs que “la vérité est ineffaçable”. L'un au moins m'a pris à l'époque pour un fou, l'au au moins m'a pris pour un danger, une personne susceptible d'empêcher la réalisation d'un projet qui lui tient à cœur. Les deux se sont trompés : le premier saura bientôt que la vérité est bien ineffaçable et qu'il n'est pas admissible de vouloir le faire, mais la conséquence en sera mineure pour lui, il subira une exclusion temporaire de Wikipédia, pour lui donner le loisir de réfléchir à une bonne pratique collaborative, où l'on inclut plutôt que d'exclure ; le dernier saura bientôt qu'il n'est pas bon de faire de vaines promesses à des tiers, de leur faire croire qu'ils agissent “pour le bien” (du projet encyclopédique) en faisant “le mal” (en “tuant” un contributeur – meurtre symbolique bien sûr), par cette fausse sentence, “d'un mal peut naître un plus grand bien”. D'un mal ne peut naître qu'un mal. Car il est plus grave de mal faire que de faire mal, plus grave de mettre sous le signe du bien ce qui est le mal que de mal faire en croyant agir bien. La conséquence sera, dira-t-on, quelque chose comme “rendre à César” : le contributeur qui a agi en sous-main pour me faire exclure à injuste titre, et bien sera exclu à juste titre. Lui et tous ceux “de sa race”, manière de dire, tous les contributeurs qui ont le même projet que lui, projet dont je ne sais rien et dont je ne veux rien savoir, ça m'indiffère, mais du moins projet pour lequel il est important que des contributeurs de mon genre soient exclus.
C'est le problème commun à ceux qui veulent “mal faire”, que ce soit avec une supposée bonne ou une supposée mauvaise intention, ils croient toujours qu'on les repère en discernant leur projet alors qu'on les discerne juste par leur comportement : quand quelqu'un me dit “je tire” et que je le vois pousser, je n'ai pas besoin de savoir le pourquoi, il me suffit de constater le comment. Le premier de mes “adversaires” est honnête, il dit qu'il veut me pousser hors du projet, par contre il manque de discernement et “agit bien” mais “fait mal”, le dernier ne manqua jamais, discutant de mon cas de “mauvais contributeur”, de préciser en premier qu'il souhaitait “me voir revenir dans le projet” pour par la suite aligner tous les arguments justifiant mon exclusion. C'est ainsi, prétendre tirer quand on pousse suffit pour “révéler son projet” qui, quel qu'il soit, est contradictoire à celui plus large. Sur un tout petit segment de la réalité c'est une application de la dialectique comme art martial : inciter l'adversaire prudent à agir le premier pour qu'il se précipite sur un leurre et se cogne contre le mur juste derrière.