Les voleurs de mots... Fut un temps, il y a quelques décennies, un gars fort intéressant, un nommé Georges Orwell, a très bien expliqué comment on procède pour voler les mots, il l'a fait dans deux ouvrages, La Ferme des animaux et 1984. Les titres sont en lien direct avec l'exposé de la technique explorée. Le premier montre comment on se sert des mots “tournés vers la gauche” pour induire ses auditeurs ou lecteurs à regarder vers la droite et aller dans cette direction en rythmant sa marche par la scansion « Gauche ! Gauche ! Gauche ! Gauche ! [...] » ; le second montre comment, quand est au fond du couloir à droite, on peut transformer la réalité en “changeant le sens et le mouvement des mots”, en disant ou écrivant que l'on va toujours plus loin vers la gauche quand on est stationnaire à droite, et en parvenant à persuader des auditeurs ou lecteurs qu'ils avancent vers la gauche.


Les voleurs de mots... Fut un temps, il y a quelques décennies, un gars fort intéressant, un nommé Georges Orwell, a très bien expliqué comment on procède pour voler les mots, il l'a fait dans deux ouvrages, La Ferme des animaux et 1984. Les titres sont en lien direct avec l'exposé de la technique explorée. Le premier montre comment on se sert des mots “tournés vers la droite” pour induire ses auditeurs ou lecteurs à regarder vers la gauche et aller dans cette direction en rythmant sa marche par la scansion « droite ! droite ! droite ! droite ! [...] » ; le second montre comment, quand est au fond du couloir à gauche, on peut transformer la réalité en “changeant le sens et le mouvement des mots”, en disant ou écrivant que l'on va toujours plus loin vers la droite quand on est stationnaire à gauche, et en parvenant à persuader des auditeurs ou lecteurs qu'ils avancent vers la droite.


Description de l'usage simple et immédiat des deux techniques.

Les mots n'ont pas de sens particulier, ils n'ont que le sens qu'on leur donne. En français “mouton” désigne un animal et une viande, je mange du mouton qui vient d'un mouton ; en anglais “mutton” (dérivant du mot français “mouton”) désigne une viande et “sheep” un animal, I eat mutton coming from a sheep. En français “éventuellement” équivaut à “possiblement”, à quelque chose près ; en anglais “eventually” (dérivant du mot français “éventuel”) équivaut à “later”, à quelque chose près, “later” signifiant “plus tard”. De multiples causes historiques “expliquent” ces divergences, reste ceci : en français “mouton” désigne à la fois l'animal vivant et l'animal mort, ce qu'il fut et ce qu'il devint, en anglais “mutton” désigne le seul animal mort, “sheep” le seul animal vivant ; en français les relations entre “éventuellement” et d'autres mots de la langue sont inassimilables aux relations entre “eventually” et d'autres mots de la langue en anglais. Les deux alinéas qui débutent ce texte ont exactement la même forme sauf une petite différence : là où dans l'un figure “droite” dans l'autre figure “gauche” et réciproquement. Est-ce que ça en change le sens ? Non, puisque que ces alinéas disent que là où on dit “gauche” on désigne “droite”, donc dire l'un “au lieu de” l'autre n'a aucune incidence sur le propos. Sauf une : pour qui croit que “gauche” veut dire “gauche” et que “droite” veut dire “droite”, mettre “gauche” à la place de “droite” et “droite” à la place de “gauche” “ça change le sens”. Or, ce qui “change le sens” est sa propre position. Si je suis face à vous et que je dis “c'est à [...]”, le “[...]” que je désigne est à l'opposé de votre “[...]”, et si je dis “c'est à ta [...]”, le “[...]” que je nomme est l'inverse de mon “[...]”.

Les héros, des romans d'Orwell, du moins ceux de ces héros qui veulent voler les mots, tirent parti de cette particularité du langage que la signification qu'on peut lui attribuer dépend de façon immédiate de la position que l'on occupe, et que beaucoup de locuteurs croient que cette signification est invariable, quelle que soit sa position. Les implications de cela, soit vous les explorez par vous-même, soit vous décidez d'en discuter avec au moins deux autres personnes qui ne sont pas dans la même position que vous ou entre elles, soit vous vous arrangez pour me rencontrer, pour qu'on en discute de vive-voix. Je vous propose plutôt la deuxième solution, parce qu'il y a beaucoup trop de locuteurs du français dans ce monde pour que j'en discute avec tous mes potentiels lecteurs, et qu'il est toujours préférable de ne pas se contenter de réfléchir tout seul.