Je me présente parfois comme l'Être Humain Universel. Comme ça,vu de loin ou de trop près ça donne l'impression que je me paie de mots, que vraiment je ne me prends pas pour n'importe qui alors que je suis à coup sûr n'importe qui, ou rien. Vu de là où je suis, et bien, tout cela est très vrai. Je suis l'être humain universel parce que je suis n'importe qui, un semblable parmi plus de sept milliards de semblables. Je suis l'être humain universel parce que je ne suis pas n'importe qui et que comme tous mes semblables je suis unique, tous semblables, tous différents, ou comme le dit cette exposition du Musée de l'Homme, tous parents, tous différents. Je suis l'être humain universel parce que je me paie de mots, au sens figuré comme au sens littéral : quoi que je dise, j'en suis payé par moi et par mes semblables du simple fait de dire, pour moi par affinement de mon jugement, de mes semblables par l'aumône qu'ils me font de leur attention, et sur le plan littéral parce que le paiement de tout travail pour un tiers se fait par les mots, ceux de la somme marquée sur le contrat, puis après travail ceux marqués sur le chèque et ou les billets ou les pièces. Je suis l'être humain universel parce que je ne suis pas n'importe qui mais moi et n'importe qui car un semblable, mais aussi parce que je ne suis rien, je suis “une personne” donc personne, je suis remplaçable et en toute hypothèse, je serai dans quelques temps remplacé, je laisserai ma place à une autre personne qui aura pour l'essentiel les mêmes caractéristiques que les miennes aussi longtemps que je vivrai – autant dire plus très longtemps, à soixante ans on est à coup sûr plus près de la fin que du début...
Je suis un héritier. Par chance, je suis héritier de manière directe de deux adversaires, sinon que mes parents ne furent jamais des adversaires par cause externe si du moins, comme dans tous les couples il y eut de l'adversité mais toujours pour des causes internes, des positions divergentes et à quelques rares occasions opposées quant à leur avenir commun, qui chaque fois se résolurent par la discussion et la négociation et débouchèrent sur un accord nouveau basé sur la même harmonique. Les groupes d'appartenance de mes parents étaient de longue date un couple de circonstance, un peu en accord, beaucoup en désaccord, et jamais vraiment en harmonie, mais mes parents n'ont pas assumé ces positions de groupe, tout en les reconnaissant et en les admettant, parce qu'elles étaient et que si on ne tient pas compte de la réalité, serait-ce pour la remettre en cause, discuter de la validité des discours sur cette réalité, non pour la changer, la réalité ne se change pas, mais pour, à leur humble niveau, contribuer à son évolution dans une direction qu'ils estimaient favorable.