Pour qui sait ce qu'est au sens propre une fatrasie, pas de crainte ! Je ne compte en rien peupler cette page de « pièces en vers d'un genre mineur, écrites dans un style amphigourique et présentant des incohérences dans la composition et les idées développées » wink J'utilise ici le mot dans son emploi secondaire et le plus souvent pluriel pour désigner, en gros, des calembredaines énoncées doctement sous une forme amphigourique, au sens d'obscure ou inintelligible plutôt que de burlesque. De fait, on en ouït souvent, de ces discoureurs qu énoncent du ton de la certitude appuyée sur la raison des propos décousus articulés sur des lieux communs éculés et sur des dogmes incertains dans l'air du temps. Pour commencer, un fantasme très couru...


Le Code du travail est trop gros !

Et donc, en bonne logique, il faut lui faire subir une cure d'amaigrissement, parfois drastique, ou pour les extrémistes sur le sujet, l'enterrer. Il s'agit ici du Code du travail français, cela dit on entend des propos comparables dans des pays où un tel objet n'existe pas ou est très mince, voir par exemple le récent succès d'un Donald Trump aux États-Unis, où il n'existe pas de Code du travail comparable ce qui n'induit pas l'absence de législation dans le domaine, que Trump souhaite aussi raboter, réduire ou pour certaines lois et certains règlements, les supprimer. C'est un fantasme pour plusieurs raisons, dont les termes dans lesquels ces propositions sont faites.

Pour les tenants du « détricotage » du Code du travail, ils ont donc en France cet objet bien visible avec ses plus de 4.300 articles (tenant compte que la majeure partie de ces articles sont en réalité des sous-articles, par exemple il y a pas d'article 1132 mais en revanche, sept articles 1132-[n] ou 1132-[n]-[n]), ses 3.016 pages dont 1.237 pour la seule partie législative, ses quelques 100.000 lignes et 6,5 millions de signes, dont environ 2,8 millions pour la partie législative, c'est gros, c'est très gros. Les tenants de son allègement ou de sa suppression prennent en exemple toujours un peu les mêmes pays, les États-Unis qui n'en ont pas, la Suisse et son supposé Code du travail et du commerce (en réalité un compendium d'articles traitant de ces questions dans divers autres codes), etc. Illusions... Il n'y a pas de Code du travail aux USA parce qu'il n'y a pas de codes dans ce pays, sinon un « Code fédéral », révisé tous les six ans, qui est la simple recension de toutes les lois permanentes en vigueur à ce moment-là. Avec une partie « commerce » qui compte, excusez du peu, 8405 «sections» soit autant ou plus d'articles, et une partie « travail » qui compte 3361 sections, 872 pages qui, par leur densité, représenteraient presque le double dans la mise en page du code français, bref, rien qu'au niveau fédéral la législation sur le travail est au moins aussi importante que pour la France. À quoi s'ajoute la législation de chaque État fédéré, comme la Californie, ce parangon, vu de France et des laudateurs de ce pays et de cet État, du libéralisme échevelé, qui compte, excusez encore du peu, plus de 9.000 « sections » dans son Code du travail...

Fantasme pour un autre raison assez compréhensible je crois, que vient d'illustrer la petite comédie jouée par l'exécutif et le législatif aux États-Unis : une législation, même une simple loi, ça ne se défait pas comme ça, hop ! En claquant des doigts. Sans même en venir à sa promesse de campagne, le supprimer (malgré ce qu'en disent les médias), en soumettant juste un projet de réforme, certes radical, de cette loi, Trump a du retirer sa proposition faute de pouvoir rassembler une majorité dans son propre camp, ou supposé tel, au Congrès, entre ceux qui la trouvaient excessive, ceux qui la jugeaient au contraire trop timorée, et ceux qui tout simplement n'aiment pas Trump et son équipe. Pour comparaison, en 2007 Sarkozy annonça qu'il ferait abroger la loi sur les 35h ; après cinq ans de mandat et une majorité parlementaire écrasante, il a tout juste réussi à la modifier sur les bords. Quand on ne parvient pas à s'entendre même avec son propre camp avec une seule loi, comment y parvenir pour tout un code ?

Bref, entre fantasme d'une supposée singularité française en matière de législation sur le travail et fantasme d'une réforme radicale avec forte majorité « libérale », m'est avis que le Code du travail n'est pas près de maigrir ou mourir...


L'élection présidentielle comme course hippique ou concours de saut en hauteur.

Pour étendre la chose, l'élection présidentielle comme compétition sportive. Cela renvoie à la manière dont les médias parlent de ce sujet, c'est-à-dire en utilisant des expressions ayant cours pour décrire une telle compétition. Les plus usuelles se rapportent aux courses en général mais me font le plus souvent penser aux courses hippiques même si certaines de ces expressions (écurie, casaque, obstacle, franchir l'obstacle, disqualification – pour les courses d'obstacle ou de trot –, finish, photo finish...) ont diffusé dans d'autres courses, humaines ou mécaniques. D'autres rappellent les concours de saut en hauteur ou à la perche (franchir la barre, passer au-dessus ou en-dessous de la barre). Et parfois aussi des termes qui s'appliquent à la périphérie des compétitions, préparation, training, champion (au sens de « membre de l'équipe choisi pour la représenter », non au sens de vainqueur titré), stratégie – un terme militaire mais dans son usage sportif, comme la plupart des termes d'emploi initial militaire largement repris par les sportifs et les journalistes sportifs et recyclés par les commentateurs de la politique – etc. Je n'ai ps une connaissance aussi fine du vocabulaire sportif dans d'autres langues mais pour le peu que j'en connais en anglais, espagnol et italien, je vois la même tendance à l'œuvre dans d'autres pays.

Ce n'est pas tant en soi cette manière d'aborder le sujet qui pose problème mais le fait qu'elle est pratiquement la seule. Sous un certain aspect, l'élection est une compétition et l'usage de termes applicables à une compétition est compréhensible, par contre cet usage est problématique quand il devient presque unique et met de côté les autres aspects, qui pourtant devraient être principaux, je veux dire les aspects politiques et sociaux. Bref, quand je lis ou entends des sujets sur l'élection présidentielle, d'échéance en échéance j'entends de moins en moins parler de politique et de plus en plus, de compétition sportive.


Radioactif un jour, radioactif toujours...

En ce 17 mai 2017, la Grande Question du Jour est : comment le Premier ministre Édouard Philippe, ancien cadre chez Areva, pourra-t-il s'entendre avec Nicolas Hulot, anti-nucléaire farouche ? Je ne comprends pas comment les commentateurs de la chose politique ne parviennent pas à comprendre que ça n'a pas de rapport ? Possible que Philippe soit en faveur du nucléaire, possible que non, ce n'est pas parce qu'on travaille pour un marchand d'armes qu'on est favorable à la guerre ou au crime organisé. Quant à Nicolas Hulot, j'ai du mal à comprendre pourquoi on le présente comme « issu de la société civile », lui qui fait de la politique au plus haut niveau depuis près de quinze ans, et comme écologiste antinucléaire, ses soutiens de longue date sont EDF (pas franchement antinucléaire), L'Oréal, Bouygues, Veolia (pas franchement écolos). Bref, les gentils opportunistes sont faits pour s'entendre avec les méchants arrivistes, ça coule de source (et pas de source d'eau claire). Savoir qui est qui et quoi...


Je vais sans doute choquer mais...

Un lieu commun inoxydable, version symétrique de « je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas » et gentille de « au risque de… » (le sens est le même mais « au risque de… » indique qu'on a l'intention réelle de choquer). Cette sentence introductive indique en théorie que la personne qui parle compte émettre une opinion rare ou minoritaire allant à contre-courant de l'opinion générale. Pratiquement, elle indique le plus souvent que cette personne se prépare à émettre un lieu commun. Dernier cas en date pour moi, ce 18 mai 2017, l’historien Marc Lazar dans Les Matins de France Culture : « Je vais sans doute choquer mais contrairement à ce qui se dit homme politique c'est un métier ! ». Ce n'est que le vingtième ou vingt-cinquième qui depuis le lendemain de l'élection d'Emmanuel Macron, soit dix jours, a pris sur cette radio le même risque.

C'est comme ça, pour une raison que j'ignore les personnes qui se font le relais des lieux communs les plus répandus ont souvent l'impression d'aller à contre-courant. Peut-être parce qu'elles rament à tenter de se convaincre que ces fausses évidences en sont de vraies...


La droite c'est bleu, la gauche c'est rose ou rouge.

Déclaration d'Aurélie Fillipetti sur France Culture, mardi 23 mai 2017 vers 12h55. Très belle illustration d'une réflexion que je mène : à quoi reconnaît-on un fasciste ? Il a une svastika noire sur fond blanc au revers ; à quoi reconnaît-on un antifasciste ? Il a un triangle rouge au revers.