Je n'ai aucune idée de ce que peut signifier le mot “stase”, aucune. Je l'aime. J'ai le vague soupçon que son “vrai sens” est assez divergent de celui que je lui attribue, rapport au fait qu'il semble avoir rapport à “statique” alors que je le sens, le vois, l'entends dynamique, un mouvement, une forme mouvante et incertaine. J'ai commencé ma carrière de rédacteur très tôt, vers les six ou sept ans, avec une carrière brève d'écriveur commencée à cinq ans. Et comme rédacteur j'ai tout de suite donné dans la poésie. C'est que dès le départ j'ai considéré l'écriture comme un travail sur la forme, j'adorais faire de la calligraphie, intuitivement j'avais compris la perspective, le dessin “en surface et en profondeur”, comme regardeur j'aime beaucoup le travail en aplats, comme dessinateur je préfère travailler une image en volume. Par contre, je n'aime pas trop la peinture, ce que j'aime c'est le relief et non, que dire ? Le miroir ? La perspective de fuite. Je veux que mes images jaillissent de la surface et non qu'elles s'y enfoncent. J'aime les effets et moins les illusions, une image dessinée ou peinte est nécessairement au-dessus de la surface et non en-dessous. La poésie est du dessin, le roman de la peinture, les essais l'un ou l'autre, là par contre ça ne me dérange pas de travailler en aplats, les essais sont souvent plats, même si on y mêle souvent de la poésie ou du roman, en tout cas je le fais.
En poésie, le “sens des mots” n'a pas grand intérêt, sinon c'est de la prose vaguement mise en forme, un poème réussi est une forme, on doit le prendre dans son entier pour en obtenir le sens mais s'il est vraiment proche de la perfection certains de ses fragments, à la fois contiennent tout le poème et ouvrent sur autre chose. J'étais un poètes assez imparfait mais j'aimais ça, entre autres j'adorais les contraintes, plus d'une fois j'en ai composé où je plaçais d'abord les rimes pour construire les vers un peu dans tous les sens, tant que ça faisait le nombre de syllabes c'était bon. Et vous savez quoi ? Quelle que soit la manière de créer un poème, à la fin il compose une forme et a un sens, sauf si le sens conditionne la forme, alors ce n'est que de la prose mise en forme. D'ailleurs, le poème en prose est mal nommé, ce n'est pas de la prose mais du vers libre, un poème formé d'un seul vers.
Donc, stases. C'est en rapport avec mon plus récent texte, une tentative d'explication de mon « modèle des cons et des salauds », avec le troisième groupe, celui des indéterminés. Normalement, un indéterminé est un “moyen”, entre les cons et les salauds et tantôt con, tantôt salaud, tantôt autre chose. Factuellement, sauf quelques très rares individus, des humains extrêmement défectueux mais apparemment fonctionnels, tous les humains sont moyens, donc indéterminés, simplement certains se calent dans une position de con ou de salaud, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, la meilleure raison étant que mener une vie de con ou de salaud sans adhérer à l'idéologie de ces groupes est très divertissant. Dans son roman Un Roi sans divertissement Giono illustre très bien ce que c'est : ne pas se divertir est mortifère, donc quand on est “sans divertissement” et qu'on veut ne pas mourir, on tue, pour que la mort advienne puisqu'elle le doit. Bien sûr c'est symbolique mais ce roman parle de la réalité la plus réelle, celle où les gens “sérieux” prennent des décisions “sérieuses” dont les conséquences sont mortifères, ils n'ont pas le désir de vivre mais ne veulent pas mourir, et reportent leur désir de mort sur les autres. Ce sont mes “salauds”, les vrais, ceux qui adhèrent sincèrement à l'idéologie. Ils ne sont pas “mauvais” et sont juste indifférents aux conséquences possibles de leurs actes, indifférents à la vie, la leur et celle des autres.
La stase, dans le contexte de cette discussion, est la structure complexe, à la fois stable et mouvante, solide et fluide, qui unit tous les humains d'une même société. Une société doit se composer des trois groupes, parmi les cons et les salauds il doit y en avoir une partie de sincères, ce sont eux qui assurent sa stabilité et sa solidité, mais pas trop, la structure ne doit pas prendre le pas sur l'ensemble. Trop de cons, ça bloque l'ensemble par inertie, trop de salauds ça le détruit par emballement, trop des deux en même temps ça rend la société “folle”, erratique, trop de mouvement ici, pas assez là, et des signes contradictoires qui ne permet plus de corriger les dysfonctionnements. Si tout se passe bien, ça réveille les indéterminés qui se mettent à éliminer les salauds et les cons par “conversion”, ce qui revient à cette chose simple : les ramener dans l'indétermination. Si tout se passe bien ça n'a pas de conséquences excessives, la “conversion” consiste simplement à faire prendre conscience aux cons et aux salauds que ce qu'ils prennent pour la réalité est une fiction, que non, les “dirigeants” ne sont pas “au-dessus” et les “dirigés” ne sont pas “en-dessous”, que tous les humains sont “au même niveau”. Les cons acquièrent du discernement et ne se laissent plus tromper par les illusions, les salauds reprennent brutalement contact avec le sol, voilà tout. Ce n'est pas sans risque cela dit, “perdre des illusions” peut rendre fou et contrairement à celui des cons et des salauds le comportement des fous est imprévisible, on en sait quelque chose ces temps-ci avec le “terrorisme”.
Bon. Les fous. La folie n'est pas une “maladie mentale”, ou du moins l'est rarement. Il y a certes des terrains favorables, congénitaux ou héréditaires, mais le plus souvent c'est une maladie sociale, une maladie de la relation. Comme dit, il y a des terrains favorables mais sans un contexte déclencheur ça n'a pas trop d'importance, le diabète est une maladie qui est souvent liée à un terrain favorable mais parfois non, et même quand le terrain est favorable si dans son contexte on n'a pas des habitudes de vie qui le favorisent, selon le type de diabète il peut ne jamais se déclencher. Pour la folie c'est pareil. Pour le “terrorisme” il en va de même : une bonne part des “terroristes” adopte un comportement assimilable à tel ou tel type de “folie” parce qu'ils ont un terrain favorable mais il faut un déclencheur. Parfois volontairement, parfois involontairement, ils sont conditionnés à “chercher des signes” et quand ils les trouvent ou croient les trouver ça les déclenche. Bien sûr, quand c'est volontairement les conditionneurs peuvent, pour des raisons qui les concernent, créer des objets qui “donnent les signes” pour déclencher à distance les potentiels terroristes, une très vieille méthode, c'est de la “taupe” ou de “l'agent double”. On peut dire qu'à un certain niveau le long mouvement de “djihadisme” commencé à la toute fin des années 1970 eut pour but de parvenir à la focalisation des “terroristes” dans ce qui devint Daesh. Non qu'il y eut nécessairement une action concertée, ça n'est pas si simple, un mouvement du type que l'on peut nommer “conspiration” part d'une action concertée initiée par un groupe restreint qui forme un certain nombre d'adeptes, mais d'adeptes qui s'ignorent, quelque que soit la méthode, on les forme en en faisant des humains aussi autonomes et raisonnables que possible et un jour, quand on pense que c'est à-peu-près réussi, on les pousse dehors en leur disant, maintenant tu te débrouilles tout seul et de la manière qui te convient. La vie étant ce qu'elle est, il y en aura toujours assez pour agir d'une bonne manière.
J'en parle dans d'autres textes, je suis une sorte de taupe, le mouvement initial est très ancien, on peut le nommer “conspiration des Samaritains”, le nom importe peu mais ce groupe très restreint, quelques centaines de personnes qui ont maintenu leur tradition depuis près de 3000 ans, est à l'origine de tout ce qui se relie à la religion hébraïque. Le but d'une conspiration n'est pas de faire adhérer à une idéologie particulière mais d'amener chacun à, disons, “se réaliser”, entrer en harmonie avec soi-même et avec l'univers (en tout cas, avec cette portion de l'univers que compose l'humanité et si possible au-delà mais ça ne l'est pas toujours et même quand ça l'est ce n'est pas toujours souhaitable). L'idée, qui se vérifie somme toute assez souvent, est que si on s'harmonise avec soi et les autres et bien, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, sans trop faire d'hypothèses sur le “mieux” et le “meilleur” en question. Quand, disons, le contexte le réclame, les taupes sortent de leur trou et deviennent autre chose, des chiens, des rats, des renards, des chats, des souris, voire même des humains ou des dieux, disons, prennent le rôle adapté à leur propre contexte. Pour moi, peut-être à tort je me vois tantôt comme un rat, tantôt comme un cochon, tantôt comme un bovin, le plus souvent comme un humain très moyen et dans tous les cas comme un humain. Ce ne sont que des représentations, des rôles, généralement déclenchés par les situations et les interactions ou par les moments.
Si vous vous amusez à parcourir ce site (si tout du moins il est amusant) vous verrez que les dates de mes discussions et réflexions indiquent des moments d'intense production suivis de périodes parfois longues sans rien, notamment entre 2007 et 2017, presque rien dans mes “pages personnelles”, durant cette période mes contributions publiques ont eu lieu presque uniquement dans Wikipédia ou dans des jeux en ligne (là avec un pseudo qui ne concorde pas avec mon nom d'état-civil, que je réserve aux contributions “sérieuses”, Wikipédia, certains blogs où je laissais des commentaires, des sites de médias “sérieux”...). La courbe est assez régulière dans les périodes productives, d'abord des textes qui vont dans tous les sens, pas de sujets précis, des longues discussions décousues et rarement abouties ou à l'autre bout des pages qui ne comportent parfois que le titre. Des sortes de blocs-notes, mais en ligne (je le faisais déjà à dates plus anciennes mais sur papier). Après, une ou deux périodes où les textes sont un moins foisonnants mais toujours assez décousus, puis une ou deux autres où ça se structure et ça se resserre. Comme cette partie-ci. Pas besoin de développer, un texte, une idée principale, une ou deux idées secondaires, pas de développement. Ce sont, peut-on dire, des “argumentaires”, je donne juste le squelette, deux ou trois suggestions ou pistes, charge à qui me lit d'y mettre de la chair.
Il m'est arrivé une ou deux fois de me décrire comme un apôtre, un prophète ou un messie. Là aussi il s'agit d'un modèle, d'une fonction, bien évidemment je ne suis pas tout ça, c'est une indication sur ce que je fais : j'imagine le réel, j'expose en bref ce que j'imagine et si cette imagination rencontre l'imagination de mes lecteurs, et bien, ils imagineront à leur tour, mais autre chose. Je l'ai écrit par ailleurs et peut-être ici même, si je devais me souvenir de tout ce que je fais ça serait horrible, je l'ai donc écrit, mon but n'est en aucun cas que mes semblables pensent ce que je pense, ça serait vain et inutile, je vise seulement à leur dire, faites comme moi, imaginez. Mais imaginez à votre manière. Un apôtre, un prophète, un messie est un être exemplaire non parce qu'il donne l'image d'une vie exemplaire mais que, donnant l'exemple de sa manière d'être au monde, c'est-à-dire en étant fidèle à lui-même, il espère que qui le verra en fera autant, être fidèle à lui-même et non à l'apôtre, au prophète, au messie. Ça ne marche pas toujours mais du moins, si mes lecteurs, faute d'être fidèles à eux-mêmes, le sont à moi, ça me sera profitable. Je ne vise pas cela et je ne le souhaite pas mais si ça se produit, j'en tirerai une petite gloire dérisoire mais agréable, genre, « Ah ben ! je ne suis peut-être pas aussi nul que je le croyais s'il y en a qui pense que m'imiter est une bonne voie ». Je donne beaucoup dans l'auto-dérision mais ça n'induit pas que je n'aie quelquefois quelque fatuité...