Le système de Ponzi n'a rien de très nouveau sauf sur un point, le rendement. Il s'agit d'une variante de ce qu'on nomme une “cavalerie” qui, nous dit l'article de Wikipédia, « est un processus financier où de nouveaux emprunts servent sans cesse à rembourser les emprunts antérieurs ». À quoi l'article ajoute que « le système s'écroule lorsque l'emprunteur n'obtient pas le énième prêt », ce qui n'est pas toujours vrai, il peut aussi s'écrouler parce que plusieurs prêteurs réclament en même temps d'être remboursés, ou parce que les comptes sont audités, ou parce que par prudence l'auteur de l'escroquerie part avec la caisse avant d'en arriver au point de rupture. En tous les cas, un tel système ne peut tenir longtemps, au mieux quelques années et, dans des cas extravagants comme celui de Ponzi, qui promettait un rendement de 50% à 90 jours, quelques mois ou même quelques semaines. Il y a tout de même les cas exceptionnels de Bernard Madoff, dont le système tint quarante ans, et d'Allen Stanford, qui tint une vingtaine d'années, probablement parce que les rendements étaient somme toute faibles même si assez au-dessus du raisonnable, entre 8% et 12% l'an. Le système de Madoff s'écroula pour la première cause que j'invoquais, en 2008 trop de prêteurs réclamèrent en même temps la restitution de leur capital, celui de Stanford pour la seconde cause, suite à une dénonciation ses comptes furent vérifiés par l'État fédéral.
Fondamentalement, une cavalerie exagère un processus normal, la faillite. On parle d'ailleurs de faillite frauduleuse dans les cas qui ne sont pas proprement des escroqueries mais des tentatives infructueuses et donc, frauduleuses pour rétablir une situation difficile par des moyens illicites. C'est plus largement le cas de presque toutes les escroqueries, elles sont des exagérations ou des simulations de processus habituels. Comme dit dans la petite phrase d'introduction, le système de Ponzi fonctionne comme tout établissement de crédit sinon que dès le départ c'est à fonds perdus. Le problème inhérent au crédit de type capitaliste, qui explique pourquoi jusqu'à récemment on condamna moralement et souvent légalement le prêt dit usuraire, est qu'il ne peut tenir. L'usure est, nous dit l'article du TLFi, un « taux d'intérêt abusif, obtenu d'un capital prêté ou d'une marchandise vendue à crédit au-dessus du taux fixé par la coutume ou la loi », factuellement un taux qui dépasse le taux de progression de la valeur des productions, pour mieux dire un taux qui rémunère le prêteur au-delà du taux réel de progression des ressources, si je prête 100 et que ce taux est de l'ordre de 10, tout intérêt supérieur à 10 est de l'usure. Le système Madoff n'était pas si invraisemblable dans ses débuts, certaines années des décennies 1960 et 1970 le taux d'usure était supérieur à 10%, le rendement proposé pouvait donc apparaître réaliste, après la décennie 1980 les prêteurs auraient dû s'interroger, avec un taux d'usure d'au plus 4% à 5%, un rendement toujours double ou triple de ce taux sur deux, trois, quatre lustres est impossible. Mais même dans les années 1970 et 1980 c'était suspect, tout boursicoteur honnête vous le dira, un placement ne peut être constamment profitable, un gestionnaire prudent assurera ses fonds en plaçant une bonne part dans des actions et obligations de rendement faible ou nul mais de risque limité, une moindre part dans des investissements plus risqués mais potentiellement plus profitables, parfois ces placements risqués perdront beaucoup de valeur et induiront une année blanche, sans profit.
Les systèmes du type Ponzi ou Madoff ne sont pas proprement des cavaleries même si le procédé de base est le même, une personne prête une somme avec promesse à court terme du versement d'un intérêt et à moyen ou long terme du remboursement du capital, si possible augmenté. Mais la cavalerie classique est plutôt un investissement dans une entreprise de type industriel ou commercial et assez souvent n'est pas au départ une escroquerie, l'emprunteur se retrouve à un moment dans une passe difficile, suppose qu'il va se rétablir, n'y parvient pas et se voit incapable d'honorer ses dettes, d'où ces emprunts nouveaux qui n'ont pour but immédiat que de rembourser les premiers emprunts, sa situation ne s'améliorant pas l'emprunteur tombe alors dans un processus plus nettement délictueux puisque sachant alors qu'à un moment il ne pourra jamais rembourser ses plus récents prêteurs. Ponzi et Madoff sont dès le départ des escrocs, et leur système étant du type fonds de placement ou établissement de crédit, ils tablent sur le fait que bien avant que “le énième prêteur” fasse défaut ils auront mis leur propre part à l'abri. Sinon, il y a une différence entre Ponzi et Madoff, le second avait une connaissance assez bonne du fonctionnement de la finance, d'où la durabilité de son système. Factuellement le système Madoff est une version malhonnête de “hedge fund” (de fonds spéculatif), pour autant qu'il y en ait d'honnêtes, disons, la version légalement malhonnête d'un tel fonds.
Jubilé contre dette pérenne.
Si le mot vient des Hébreux, le principe du jubilé, de la remise des dettes, ne leur est pas propre, dans nombre de sociétés il s'agit d'un processus obligé, comme pratique collective ou interpersonnelle, après un certain temps une dette non honorée doit être annulée. Dans le cas du jubilé il s'agit d'un processus collectif ayant lieu tous les cinquante ans, plus que de la remise des dettes il s'agit de la remise générale des obligations, une sorte de fondation renouvelée du contrat social, on se délie pour mieux se relier en un pacte nouveau.