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Le principe proie/prédateur.
Ce texte devient vraiment important. En taille je veux dire : la deuxième partie dépasse la première de près d'un tiers en quantité de d'octets. Ensemble les deux doivent composer plus de cinquante pages. Je m'étais embarqué pour une petite discussions sur les supposées “failles de sécurité” en informatique et me voilà à ne pas même avoir effleuré le sujet. Bon, avant d'en venir au “principe” indiqué en titre, un petit excursus.
Excursus : Pourquoi ce long discours avant d'en venir au sujet supposé de ce texte ?
Parce que. Et aussi parce qu'il y a une logique au fait. Mon but initial était de discuter des réseaux informatiques comme écosystèmes (je crois l'avoir déjà mentionné, j'ai donc du un peu effleurer le sujet). J'ai alors tenté de donner ma compréhension des écosystèmes, et de fil en aiguille j'ai discuté de ce qui peut donner des éléments précis sur ma compréhension des présupposés qui conduisent à cette compréhension des écosystèmes. Je ne le jurerai pas mais il me semble que j'en viens presque au bout, et en outre je ne crois pas avoir à en dire beaucoup plus sur les écosystèmes. Sans jurer que ce texte sera bientôt achevé, je ne crois pas devoir aller au-delà de cette troisième partie et crois en outre qu'elle sera plus courte que les précédentes, peut-être la moitié de la première. On verra...
Fin de l'excursus.
Le principe proie/prédateur... Ce que requiert un être vivant pour se préserver est d'ingérer de l'énergie et d'en excréter. Ce qui menace un être vivant est l'énergie, qu'il y en ait trop, qu'il n'y en ait pas assez ou qu'elle n'ait pas de la bonne forme. Est proie toute énergie favorable en quantité et en qualité ; est prédateur toute énergie défavorable en quantité ou/et en qualité. Ce sur quoi un être vivant doit obtenir des informations est donc la quantité et la qualité d'énergie accessible. Pour cela, il doit la “sentir”, il doit, peut-on dire, “ouvrir un canal de communication”. Oui mais, la communication est énergie. Et l'énergie, il faut savoir ce qu'elle est avant d'entrer en contact avec elle. S'y j'ouvre un canal et que c'est de la “mauvaise communication”, je passe instantanément dans le statut de proie, et les proies ont une fâcheuse tendance à cesser de vivre après mauvaise rencontre. Je n'irai pas jusqu'à dire une fâcheuse tendance à mourir parce que je suis poli mais bon, le résultat est là, une proie qui cesse de vivre a tendance à être morte, après ça. Bon, voilà, tout est dit sur le sujet, revenons au propos précédent.
Les fins et les moyens.
Dans la partie intitulée « Les fins et les moyens, les causes et les effets », je n'ai traité que des causes et des effets. Mais comme un fin est, soit une cause, soit un effet, pas besoin d'y revenir. Une fin est aussi une information. À moindre niveau, ou selon la manière de regarder une situation, on ne peut différencier information et communication, au niveau d'un individu on le peut : une information est de l'énergie qui entre et qui sort, une communication est de l'énergie qui ni n'entre ni ne sort. Elle se cogne à une barrière derrière laquelle sont placés des capteurs ; ceux-ci reçoivent un signal atténué, indirect et partiel ; chaque capteur va transformer et amplifier ce signal et le faire converger vers un organe sensible relié à plusieurs capteurs, cet organe va à son tour transformer les signaux reçus, les “égaliser” et les “colorer” (leur donner une “longueur” qui, en interne, sera convertie en longueur d'onde), l'égalisation permettant d'envoyer un signal uniforme en puissance, la coloration permettant d'estimer la valeur de chaque signal capté, dit autrement de leur donner un quantité et une qualité acceptables en interne. En interne, et bien, ça va dépendre des individus : un virus ne reçoit en interne qu'un seul type de signal, celui qui lui indique que les conditions sont favorable pour agir ; une bactérie recevra des signaux divers mais dans un spectre limité et déclenchant des actions stéréotypées ; une cellule eucaryotes aura plus de discernement et plus de latitude dans ses réponse mais n'est guère plus sophistiquée ; etc. Jusqu'aux humains.
Fonctionnellement, il n'y a aucune différence d'un individu l'autre ; formellement, il n'y a que des différences mineures d'un organisme à un autre ; perceptivement, il n'y a que des différences de sensibilité d'un mammifère à un autre ; pour le traitement interne du signal, il n'y a pas de différence significative d'un primate simien à un autre ; parmi les Hominini, et quelques autres espèces de la même branche ou que certaines autres, la “qualité de traitement du signal” se vaut ; finalement, les humains ne se singularisent pas sur ce plan, ce qui fait leur particularité est d'avoir trouvé une méthode pour utiliser la communication comme outil d'information, mais j'en parlerai après.
J'ai déjà longuement discuté des organes de sens et spécialement de la vision pour expliquer qu'il n'y a aucune similarité entre la forme des signaux reçus et la représentation qu'on en a. Cela est vrai aussi bien pour les humains que pour les requins, le cafards ou n'importe quel bactérie. Ce n'est probablement pas vrai pour les virus qui, en tant qu'individus, ont des spectres d'action extrêmement limités, ce sont des “poissons rouges”, vous savez, ceux qui n'ont qu'un neurone. Eux en ont deux, un pour “sentir” et un pour “agir”. Pas réellement des neurones mais quelque chose de similaire. De ce fait, on ne peut guère leur supposer une capacité de représentation à proprement parler, qui est en revanche nécessaire dès lors qu'on a au moins deux types de réponses, “action” et “réaction”. Passons...
Dans ma précédente discussion j'ai surtout parlé des parties externe et médiane des organes de sens, les capteurs et l'organe médian qui reçoit et transforme leurs signaux. En interne les signaux sont “numériques”, électriques ou électroniques ; en externe ils peuvent être “numériques” ou “analogiques” (l'agent de la sensation est matériel). Les capteurs sont “numériques”, ils convertissent la sensation perçue en signal électrique. L'organe médian est “digital”, il reçoit un signal tantôt continu, tantôt discontinu, et le transforme en impulsions matérielles ou énergétiques discontinues d'une certaine puissance ou durée, une “amplitude” ou une “fréquence”, ou d'une certaine amplitude et fréquence. L'amplitude informe sur la quantité de sensation, la fréquence sur sa qualité. Bien sûr, ça n'est pas toujours exactement comme ça d'un point de vue objectif mais d'un point de vue perceptif oui, tel type de signal sera interprété comme une quantité, tel autre comme une qualité, par exemple l'œil donnera des indications sur la quantité de photons perçus, sur leur orientation et sur leur longueur d'onde, ce qui sera “traduit” comme une certaine quantité de “couleur” venant de telle direction et de telle distance1).
Tiens, une réflexion incidente sur quelque chose que j'avais supposé de longue date mais jamais exprimé par manque d'informations sur la possible validité de ma supposition : il est assez possible que la représentation de la réalité que chacun se fait soit inassimilable. Je ne parle pas de la représentation seconde, celle décrite à propos de la carte mentale de l'univers, mais de celle première découlant des sensations immédiates : la manière dont la représentation interne se forme importe tant qu'elle est stable et fiable. Sans même parler du traitement interne, on sait que les chevaux ont une vision très différente de celle des humains, leur œil est similaire aux objectifs dits “fisheye” (l'article de Wikipédia sur les objectifs fisheye signale que le nom précis est « objectif hypergone », objectif “très très grand angle”), ce qui a pour effet de donner des valeurs différentes de dimension et de densité aux “points” selon leur position, et pour conséquence qu'un objet sera perçu comme d'autant plus gros qu'il se trouve proche du centre de l'image. Pour un humain il s'agit d'une image déformée au sens où, se servant d'un œil de cheval, il obtiendra une image qui n'a pas la forme de celle qu'il perçoit et qui est, selon lui, plane. Problème, un œil humain reçoit un signal qui n'est pas “plan”, comme l'œil du cheval celui humain perçoit plus de points et plus petits au centre qu'à la périphérie, phénomène qui sera amplifié du fait que la densité de capteurs est plus forte au centre de la zone de réception, ce que le traitement interne va corriger, amplifiant le signal périphérique, réduisant celui central. Mise à part la cause matérielle, le fait qu'un œil est une loupe déformante, ça a une cause fonctionnelle, la partie centrale de la sensation, nominalement “ce qui est le plus proche”, a plus d'intérêt que la périphérie pour sa préservation. N'étant pas un cheval je ne sais pas comment sa sensation oculaire est représentée mais il y a de bonnes chances qu'il fasse comme les humains et corrige le signal : ce qui importe n'est pas que l'image soit “plus grosse” au centre mais qu'elle soit “plus nette”. Considérant l'œil même, les humains affirment que les chevaux nous perçoivent “quatre fois plus gros” que nous ne le sommes, un peu comme si notre image était systématiquement captée au centre de l'œil, or si nous sommes perçus en périphérie et selon la même logique, nous serons pour lui deux, trois, quatre fois “plus petits”. Je ne suis pas un cheval mais j'ai idée que pour lui, quelle que soit notre position relative il doit nous supposer toujours à-peu-près les mêmes dimensions et que, pour lui comme pour nous, nous ne sommes pas plus ou moins gros mais plus ou moins nets. Comme dit au début de cette incidente, ce qui importe n'est pas la forme de la représentation interne mais sa constance et sa fiabilité.
Pour revenir à mon propos, l'amélioration notable de nos instruments d'investigation de la réalité interne d'un cerveau en fonctionnement, les différentes sortes de “scanners” servant à ce qu'on appelle imagerie numérique, ont permis de valider ce qui jusque-là ne pouvait être qu'hypothétique, le fait que la construction de la représentation interne est le reflet de la déconstruction externe avec plusieurs phases, un “prétraitement” qui sérialise et classe les impulsions, un “traitement” qui attribue des valeurs à chaque ensemble et les organise, enfin une “interprétation” qui simule les éléments de la réalité sources de la sensation. Ladite représentation est une simulation extrêmement simplifiée de la réalité qui n'en retient que les éléments qui ont une utilité fonctionnelle pour l'individu. Je le disais à propos de la vision, si ce que nous percevions réellement était la lumière, on devrait voir celle qui nous atteint directement, le “bain de lumière” qui nous environne, ce flux constant qu'émet le soleil et qui nous environne et nous pénètre, et en serions aveuglés. Ce n'est pas le cas. On en peut conclure que ce que nous voyons est autre chose que la lumière. Ce qui est plus ou moins mais plutôt plus le cas, ce que nous voyons ce sont, disons, des interférences. Je ne certifierai pas le terme mais du moins je certifie le processus, nous ne percevons pas la lumière à proprement parler mais ce qui crée des irrégularités dans le flot lumineux. On peut même dire que ce que nous percevons est assimilable à l'absence de lumière. Je le disais dans la précédente discussion, la “couleur” d'un objet est une sorte de négatif, non sa couleur, au sens où ladite couleur serait la part de fréquences lumineuses qu'il absorbe mais sa non couleur, la part qu'il n'absorbe pas et qui rebondit sur lui. L'œil reçoit alors un faisceau d'ondes qui n'a pas la direction du flot principal et interfère avec lui, en y prélevant la part d'énergie perdue lors de la rencontre avec l'objet, ce qui provoque une onde tertiaire qui correspond à la différence d'énergie entre les deux autres ondes. Ce qui explique assez pourquoi les objets sont d'autant moins “colorés” que le flux principal est faible ou des flux secondaires (feu, fluorescences, lumière artificielle) : la différence d'énergie entre les deux flux est moindre, donc l'onde tertiaire moins intense et moins diverse.
J'en parlais précédemment (deuxième partie), du coup je me cite :
Comme l'explique Gregory Bateson dans le texte cité en première partie, on peut analyser le processus des sensations et actions en termes de “différences” : une “sensation” résulte d'une différence entre deux états d'un capteur de sensations, une “idée” (ou une représentation, ou un concept, en termes cybernétiques une “unité d'information”) résulte du constat de ce changement d'état. Pour citer Bateson, “une unité d'information peut se définir comme une différence qui produit une autre différence”. que l'on peut paraphraser par, “une unité d'action peut se définir comme une différence qui produit une autre différence”.
Je parlais donc de “différences”. Il existe plusieurs manières de décrire ces différences, reste ceci : ce qui “informe” n'est pas le signal, qui est permanent, mais les différences dans le signal, qui sont accidentelles. Communiquer avec le reste du monde est toujours un risque pour l'individu, d'où ces processus complexes de réception indirecte, la partie qui établit le canal de communication est externe, hermétique et résistante, et en outre pourvue de sécurités qui peuvent l'isoler ou mettre rapidement à distance la source de la sensation, celle qui reçoit le signal est proche de cette partie mais en est isolée, ce qui n'exclut pas un possible endommagement mais qui restera circonscrit et localisé, tout ce qui se passe en interne est transformé en signaux normalisés d'une forme acceptable pour l'organisme. Même si, par malencontre, une sensation excessive détériore les capteurs ou même l'organe médian, ça restera “externe”, ça ne diffusera pas dans le reste de l'organisme. Pour endommager les parties internes il faut plus qu'une sensation, il faut une “action”, un apport d'énergie d'une quantité ou d'une qualité non supportable, soit qu'on ait fait une mauvaise évaluation (erreur de prédation), soit qu'un accident en soit cause (qu'on en soit la proie). Et bien sûr il peut y avoir, disons, une cause interne mais qui soit la conséquence d'un contexte défavorable, soit qu'on n'ait pas l'opportunité d'évacuer de l'énergie en excès, soit qu'on ne trouve pas dans son entourage immédiat un taux suffisant d'énergie de bonne quantité et qualité, pour maintenir son homéostasie à un niveau nécessaire.
Il existe plusieurs manières.
En voilà-t-il, une expression que j'énonce régulièrement ! Et oui, il existe plusieurs manière de [...], plusieurs manières de dire “la même chose”, plusieurs choses qu'on peut dire “de la même manière” aussi, remarquez, plusieurs manières de ressentir “la même réalité” mais aussi, bien sûr, plusieurs réalités qu'on ressent “de la même manière”. Bref, la bonne formule serait plutôt « il y a plusieurs [...] {de|qu'on} [...] de la même [...]e ». Un nombre parfois fini et parfois infini de “choses” est assimilable à “la même chose”. Comme dit, une sensation est la conversion d'énergie d'une certaine forme en énergie d'une autre forme avec au passage une “matérialisation”, un transfert de cette énergie vers un objet qui va se mouvoir et la transférer à son tour sous une nouvelle forme. Du début à la fin de ce processus on a affaire à “la même chose” qui est pourtant “une autre chose”, par sa quantité ou/et sa qualité ou/et sa “forme” ou/et son “mouvement”. Fondamentalement, toute “chose” peut être nommée “énergie”, le cas des sensations l'illustre, même si la forme de la source d'une sensation est apparemment autre qu'énergétique, ce qui passe de cette source à soi via les capteurs est de l'énergie, directement ou indirectement : voir ou entendre ou sentir (au sens du toucher) ou sentir (au sens de l'odorat) ou goûter est “la même sensation” sous plusieurs aspects dépendants de la forme et la distance de la source de la sensation. La même puisque quand elle devient une sensation interne c'est sous la forme d'impulsions digitales, de 1 et de 0, de “OUI” et de “NON”, de “VRAI” et de “FAUX”, la réalité n'étant que rarement entièrement 1 ou entièrement 0, entièrement vraie ou entièrement fausse. “Discerner le vrai du faux” n'est pas tant les séparer que mesurer la proportion de “vrai” et de “faux” de tel objet de la réalité, pour déterminer le comportement a avoir : sur une large frange “entre vrai et faux” on peut “ne rien faire” ou “faire avec plus ou moins de prudence”, une frange étroite tendanciellement “fausse” induit “ne pas prendre”, “fuir”, “s'éloigner”, une autre frange étroite tendanciellement “vraie” induit “prendre”, “braver”, “s'approcher”.
Il existe plusieurs manières de sentir qui sont la même manière, il existe plusieurs manières d'agir qui sont la même manière. Un être vivant est un objet en mouvement perpétuel, tantôt ce mouvement reste localisé dans les limites de son enveloppe, est “interne”, tantôt il se réalise en part plus ou moins importante hors de ces limites, est “externe”, effectivement il est toujours à la fois interne et externe puisque la singularité d'un être vivant, celle dont toutes ses autres singularités découlent, est de contrevenir au deuxième principe de la thermodynamique. Tiens, je la cite in extenso elle aussi :
Le deuxième principe de la thermodynamique, ou principe d'évolution des systèmes, affirme la dégradation de l'énergie : l'énergie d'un système passe nécessairement et spontanément de formes concentrées et potentielles à des formes diffuses et cinétiques (frottement, chaleur, etc.) Il introduit ainsi la notion d'irréversibilité d'une transformation et la notion d'entropie. Il affirme que l'entropie d'un système isolé augmente, ou reste constante.
Ce principe est souvent interprété comme une « mesure du désordre » et comme l'impossibilité du passage du « désordre » à l'« ordre » sans intervention extérieure. Cette interprétation est fondée sur la théorie de l'information de Claude Shannon et la mesure de cette « information » ou entropie de Shannon.
Ma source est encore l'article sur la thermodynamique de Wikipédia. Je plaisante souvent cette encyclopédie, d'autant plus que je fus longtemps (presque dix ans) un contributeur régulier, et on ne se moque jamais mieux que de ce qu'on connaît et apprécie, reste qu'elle m'est d'un grand usage et que si l'on sait discerner le vrai du faux elle est assez fiable : le “faux” est l'opacité, le “vrai” est la transparence, donc un passage qui tend à simplifier est “vers le faux”, un passage qui tend à complexifier, “vers le vrai”. Un aphorisme de l'ouvrage de Guy Debord La Société du spectacle dit presque la même chose que ce que dit ici, l'aphorisme 9 :
Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux.
Presque la même chose parce qu'il n'explicite pas ce qu'induit cette proposition : dans le monde réellement renversé, le faux est un moment du vrai. Et qu'il n'explicite pas ce que la proposition complète induit : Dans le monde réel, le vrai est un moment du faux, le faux est un moment du vrai. Le monde étant toujours réel, qu'il soit “réellement renversé” ou “réellement à l'endroit”, le vrai est toujours un moment du faux, le faux toujours un moment du vrai. J'en parlais par ailleurs, si l'ouvrage de Debord est intéressant quant à son analyse de la société comme spectacle, il est peu pertinent quant à son analyse de la société comme société, mutatis mutandis ça ressemble à l'analyse de la situation allemande dans les années 1920 par les nazis : elle est pertinente quant aux conséquences, non pertinente quant aux causes. Par contre Debord n'a pas de projet politique pour “corriger la situation” en éliminant les causes supposées, ce qui fait une différence notable. Remarquez, il y a tout de même eu quelques individus ou quelques groupes restreints qui, dans les années 1970, ont tenté de “corriger la situation” en partant d'analyses des causes aussi fausses que celle de Debord, dont celle même dudit Debord, mais ça n'eut pas les mêmes conséquences. C'est lié à ce que déjà dit, il y a toujours et partout des individus ou groupes qui ont comme projet de “changer la société” mais leur capacité de réalisation de ce projet, qu'il parte de prémisses exactes ou non, qu'il soit “plutôt vrai” ou “plutôt faux”, est tributaire du contexte : dans le contexte allemand de 1932, une solution “simple” donc fausse pouvait convaincre assez de personnes pour s'imposer, dans l'Italie des années 1970 elle put en convaincre assez pour créer beaucoup d'instabilité, dans la France de ces années le contexte n'était pas favorable aux solutions “simples”, ni d'ailleurs à celles complexes quand trop divergentes du modèle social global. importe peu qu'une société soit effectivement “plutôt dans le vrai” ou “plutôt dans le faux” (ce qui n'est pas toujours déterminable), importe qu'une part significative de sa population la considère “plutôt dans le faux” et qu'apparaissent des projets politiques qui proposent une solution simple (ou complexe mais, il faut le dire, les solutions complexes sont en général moins convaincantes) pour la diriger “vers le vrai”.
Dans le monde réellement réel, l'énergie est un moment de l'énergie.
Bien que ce soit vraisemblable, importe peu que l'univers soit essentiellement plein et essentiellement énergie, il peut aussi bien être essentiellement vide et essentiellement matière, importe que pour pouvoir contrevenir au deuxième principe de la thermodynamique, qui, comme le premier, ne connaît pas d'exception2, il n'y a qu'une manière, utiliser l'énergie et la diriger sous une certaine qualité et dans une certaine quantité, non pas pour empêcher cette tendance à l'entropie, qui est inévitable, mais pour la déplacer, “entropiser” l'extérieur et ainsi, réduire le niveau interne d'entropie, celui du système3.
Mmm... Cette discussion commence à me lasser, si je devais aller jusqu'à sa fin, et bien il me faudrait reconstituer l'univers, ce qui est impossible. Il me semble que la “carte” que dessine ce que déjà dit a une granularité suffisante pour aller plus loin, par exemple pour discuter des “failles de sécurité”. L'essentiel est de comprendre que, quelque forme qu'ait une action initiée par un être vivant, une sensation étant un cas particulier d'action, ce qui circule, ce qui meut et ce qui est mu est “de l'énergie”. Même si l'on croit à la fable de l'individu autonome, celle encore plus invraisemblable de l'humain “maître et possesseur” de quoi que ce soit et celle de l'opposition nature-culture, si par exemple on croit que le fait de lever un bras est un mouvement “né de l'intérieur”, pour réaliser cette opération il faut modifier les équilibres énergétiques internes, en transférer d'une partie du corps à une autre, sous une forme “matérielle” (molécules énergisantes) ou “énergétique” (impulsions du système nerveux). Ce qui initie et réalise un mouvement est de l'énergie.
La faille, un fait de culture – et de nature.
Vous l'aurez probablement oublié si vous avez lu la première partie de cette discussion, le premier titre de partie était presque le même, « La faille, un fait de nature – et de culture ». La culture étant un cas de la nature ou la nature un cas de la culture ou la nature et la culture des cas d'un processus plus général, genre “la vie”, peu importe l'ordre des deux mots, la “faille” est un fait universel, et la “faille de sécurité” un état habituel pour les processus liés au vivant. J'ai cité McLuhan ? Il me semble. Je vérifie. Oui, je l'ai cité, dans la première partie. Je le cite de nouveau, pour mémoire :
Dans des cultures comme les nôtres, depuis longtemps habituées à utiliser la séparation et la division les choses comme un moyen de contrôle, il est quelquefois un peu choquant de se faire rappeler que, d'un point de vue effectif et pratique, le moyen est le message. C'est-à-dire, tout simplement, que les conséquences individuelles et sociales de tout médium – c'est-à-dire, de toute extension de nous-mêmes – proviennent du changement d'échelle produit dans nos entreprises par chaque extension de nous-mêmes, ou par toute nouvelle technologie
Rien en cet univers ne participe du vivant a priori, tout ce qui, à un moment donné, est “une extension de soi”, un “soi” étant nécessairement un être vivant, participe du vivant. Ce qui n'induit pas une “vitalité interne” ce cette extension : le bûcheron qui se sert d'une hache pour couper un arbre constitue cet outil comme extension de lui aussi longtemps qu'il en use et durant ce moment elle “participe du vivant”. Une fois remisée dans quelque lieu de rangement et séparée du bûcheron elle n'est plus l'extension d'un “soi” et ne participe plus du vivant jusqu'à prochain usage comme extension d'un “soi”. La raison pourquoi « d'un point de vue effectif et pratique, le moyen est le message » vient de ce que le message, c'est-à-dire le but de réalisation d'une certaine action, “communiquer” ou “informer”, est indépendant du moyen employé, et le moyen indépendant du message. Dans le processus général qu'on peut nommer “communication” la partie qui “établit la communication” est toujours un “moyen”, un “médium”, une “extension de soi” (du soi qui établit la communication) celle qui réalise cette communication, le “message”, est toujours une fin, fin causale pour l'émetteur et fin conséquente pour le récepteur. Abattre un arbre est “une sorte de communication” ou plus exactement un enchaînement de communications, le “soi” communique un signal d'action à certaines parties de son corps, cette action “se communique” (est communiquée, transférée) à la hache qui “communique son mouvement” à l'arbre. Si la communication est correctement réalisée l'arbre “reçoit le message” et “se sépare d'une partie de son être”. Le processus global est une série de transfert d'énergie qui, à la fin de la séquence, aboutit (ou non, si la réalisation n'est pas correcte, si l'énergie transférée est insuffisante ou si le point de réalisation n'est pas celui visé ou si l'arbre est plus solide que prévu à cet endroit ou... Bref, si à un endroit du circuit il y a une perturbation, une “faille”) à ce que prévu. Est-ce que j'ai cité Bateson là-dessus ? Après vérification, non, je l'ai mentionné mais non cité. Ça concerne ce que mentionné, donné comme « l'exemple d'un homme qui abat un arbre avec une cognée » - eh ! Je n'ai pas mentionné le bûcheron et la hache sans raison, je songeais à cet exemple. Voici le passage, cette fois :
Des progrès extraordinaires ont été réalisés, au cours de ces vingt-cinq dernières années, dans la connaissance de ce qu'est l'environnement, de ce qu'est un organisme et surtout de ce qu'est l'esprit. Ces progrès sont dus précisément à la cybernétique, à la théorie des systèmes, à la théorie de l'information et aux sciences connexes.
A l'ancienne question de savoir si l'esprit est immanent ou transcendant, nous pouvons désormais répondre avec une certitude considérable en faveur de l'immanence, et cela puisque cette réponse économise plus d'entités explicatives que ne le ferait l 'hypothèse de la transcendance : elle a, tout au moins, en sa faveur, le support négatif du “Rasoir d'Occam” [...].
Nous pouvons dire, de même, que l'esprit est immanent dans ceux des circuits qui sont complets à l'intérieur du cerveau ou que l'esprit est immanent dans des circuits complets à l'intérieur du système : cerveau plus corps. Ou, finalement, que l'esprit est immanent au système plus vaste : homme plus environnement.
Si nous voulons expliquer ou comprendre l'aspect “mental” de tout événement biologique, il nous faut, en principe, tenir compte du système, à savoir du réseau des circuits fermés, dans lequel cet événement biologique est déterminé. Cependant, si nous cherchons à expliquer le comportement d'un homme ou d'un tout autre organisme, ce “système” n'aura généralement pas les mêmes limites que le “soi” — dans les différentes acceptions habituelles de ce terme.
Prenons l'exemple d'un homme qui abat un arbre avec une cognée. Chaque coup de cognée sera modifié (ou corrigé) en fonction de la forme de l'entaille laissée sur le tronc par le coup précédent. Ce processus autocorrecteur (autrement dit, mental) est déterminé par un système global : arbre-yeux-cerveau-muscles-cognée-coup-arbre ; et c'est bien ce système global qui possède les caractéristiques de l'esprit immanent.
Plus exactement, nous devrions parler de (différences dans l'arbre) - (différences dans la rétine) - (différences dans le cerveau) - (différences dans les muscles) - (différences dans le mouvement de la cognée) - (différences dans l'arbre), etc. Ce qui est transmis tout au long du circuit, ce sont des conversions de différences ; et, comme nous l'avons dit plus haut, une différence qui produit une autre différence est une idée, ou une unité d'information.
Souligné par l'auteur. Je cite les deux premiers paragraphes surtout parce qu'ils expliquent l'emploi de certaines notions, telle celle d'immanence. L'ouvrage de Bateson s'intitule, si je ne l'ai mentionné et sinon, pour mémoire, Vers une écologie de l'esprit. Ce passage indique clairement que “l'esprit” en question n'est ni “immanent”, genre “dans le cerveau” ou “dans le cœur” ou “dans l'âme” (quoi que puisse être “l'âme”), ni transcendant, genre “dans la nature” ou “dans l'univers” ou “en Dieu” pour les compréhensions de “Dieu” comme être et comme transcendant (nombre de conceptions d'un objet désignable “Dieu” ne le considèrent pas un être, ou transcendant, ou ni un être ni transcendant. Comme mentionné, une compréhension littérale de la notion de “Dieu” dans les trois ou quatre ou six religions qui se relient à la Torah4 induit une divinité unique, immanente et incorporelle), mais “circulant”, la résultante d'une série plus ou moins longue et plus ou moins répétée de “différences”, telles “externes”, telles “internes”, telles “externes au système”, telles “internes au système”, telles “internes” ou “internes” à tel acteur du processus, telles enfin “relationnelles”, non attribuables à un élément précis. Comme qui dirait, “l'esprit” est partout et nulle part, si c'est “l'esprit” qui commande le mouvement de la hache, alors quand elle se meut “elle a de l'esprit” – et le bûcheron “perd (de) l'esprit”, et comme le transfert ne peut être parfait, “(de) l'esprit se répand dans la nature”, et comme le mouvement est efficace, “l'esprit entre dans l'arbre” et dans la parcelle d'arbre qui s'en sépare. Et bien sûr, quand l'action cesse “l'esprit fuit”, ou s'évanouit, ou va ailleurs.
Savez-vous ? Rien n'est parfait en ce monde. Vous le saviez ? Du coup ça nous fait une base de discussion commune. Puisque rien n'est parfait, quelque action qu'on entreprenne il y a toujours une possibilité de faille, de faillite, de ratage, d'erreur, la possibilité que ce que l'on prévoit ne se réalise pas ou se réalise autrement que prévu. Les humains ayant une certaine tendance à la déceptivité, dire quelque chose de ce genre est souvent interprété de manière négative, ne pas réaliser un projet est supposément “un échec”. Cette tendance à la déceptivité dérive d'une compréhension abstraite et linéaire ou circulaire de la réalité, or la réalité est concrète, non linéaire et non circulaire. L'échec est une possibilité, la réussite aussi, le cas “moyen” qu'on nommera “accomplissement” une autre possibilité mais une possibilité assez rarement réalisée. Ce que l'on vise est l'accomplissement, parfois ce qu'on réalise est un peu (ou beaucoup) moins bien que prévu, parfois un peu (ou beaucoup) mieux, parfois c'est un échec, une “non réalisation” par défaut, parfois une réussite, une “non réalisation” par excès, un résultat autre que celui visé dans les deux cas, parfois enfin le résultat est indéterminé ou indéterminable par les circonstances ou intrinsèquement – nombre d'actions sont des étapes dans un processus plus large, le résultat visé est plus ou moins précis et plus ou moins vérifiable, sa “validation” dépendant de la fin du processus large. Si le résultat obtenu est autre que celui prévu, nécessairement il y aura eu faille, ou ratage, ou erreur, dans sa réalisation, ce qui n'induit pas un ratage du processus, cette “erreur” peut aussi bien résulter en du “mieux” qu'en du “pire”. Exemple, la tarte Tatin, qui selon la légende (qui est peut-être le récit d'un événement réel) est la conséquence d'une erreur, d'un ratage dans la réalisation d'un plat. La Tarte tatin est une illustration du concept de sérendipité qui est, dit l'article de Wikipédia, « le fait de réaliser une découverte scientifique ou une invention technique de façon inattendue à la suite d'un concours de circonstances fortuit et très souvent dans le cadre d'une recherche concernant un autre sujet ». Ce qu'induit cette notion est que, lors d'un processus, si “les choses ne se passent pas comme prévu” il ne faut pas considérer la prévision mais “les choses”, la réalisation effective. La tarte tombe, la cuisinière constate l'imprévu, elle a deux possibilités : arrêter le processus car il y a ratage d'une étape, ou le poursuivre en faisant l'hypothèse que le résultat sera “proche de la prévision” et en outre assez proche pour être acceptable, ou qu'il sera différent mais acceptable. Et parfois, il arrive que le résultat différent soit “une réussite”, un résultat beaucoup plus gratifiant que prévu.
Donc, la faille est une possibilité toujours présente, ergo la “faille de sécurité” en informatique est un événement prévisible car les réseaux informatiques sont un écosystème et comme tout écosystème sont en perpétuelle évolution. De ce fait, ce qui dans tel état de cet écosystème est normal, souhaitable ou négligeable peut par après se révéler anormal, parfois d'une anormalité non souhaitable et non négligeable. Pour préciser, les réseaux informatiques ne sont pas “un” écosystème mais une ensemble d'écosystèmes plus ou moins interdépendants et plus ou moins convergents. La possibilité de faille est intrinsèque à toute action, la faille de sécurité est intrinsèque à tout système et avoir une conséquence interne ou externe.
Les failles de sécurité.
Vous le savez déjà, il n'est pas évident de différencier les causes et les conséquences, ça dépend du point où se situe l'individu : où un acteur-récepteur voit une cause, un acteur-émetteur voit une conséquence, et inversement, quand à l'observateur extérieur, selon qu'il soit objectif ou subjectif, selon son objet ou son sujet et selon la granularité de son observation il aura des interprétations diverses. Jusqu'ici j'ai surtout pris la position de l'acteur ou de l'observateur objectif, pour cette partie je vais plutôt privilégier celle de “l'observateur participant”, a la fois acteur et observateur, et plutôt subjectif. Acteur, mais des deux côtés de la faille. Pour le dire autrement, j'adopterai les trois points de vue qui permettront une triangulation de l'objet “faille de sécurité”, l'acteur “interne” est un élément de la trame ou est dans un nœud, l'acteur “externe” est dans la chaîne ou est dans un lien ou dans un autre nœud d'où il “établit la communication”, l'observateur est “au-dessus” ou “en-dessous” et observe quelque chose qui, en faisant varier la granularité, est plutôt une toile ou plutôt un réseau ou un mixte des deux ou “autre chose”. Pour les acteurs, que leur contexte soit textile ou réticulaire il se compose d'un grand nombre de fils avec un nombre plus ou moins grand de points de liaisons ; pour l'observateur il voit un objet qui est à la fois toile et réseau, une granularité fine montre plutôt une toile, une granularité grossière plutôt un réseau, entre les deux ça dépendra de son objet ou sujet, selon qu'il est “en-dessous” ou “au-dessus” il verra plutôt la trame ou les nœuds, ou plutôt la chaîne ou les liens. Pour l'acteur, le système est plutôt linéaire, pour l'observateur c'est un plan, c'est l'interaction entre les trois points de vue qui en restituera le volume.
Du point de vue interne la faille est interne mais ouvre un accès à l'extérieur, du point de vue externe la faille est externe et ouvre un accès vers l'intérieur, pour l'observateur la faille n'est pas une faille mais un état du système, s'il est subjectif il la verra comme un état qui met en péril le système, et s'il est objectif, comme un état susceptible de faire évoluer le système, soit qu'il se modifie soit qu'il laisse place à d'autres systèmes. Pour les acteurs, il faut “s'occuper de la faille”, soit pour la combler, soit pour l'exploiter. Pour l'observateur il peut avoir une opinion, ou non, mais n'interviendra pas directement, s'il est un observateur participant il peut communiquer ses observations à un des acteurs ou aux deux, cela dit communiquer c'est communiquer à toute personne en situation de voir cette communication, les deux acteurs étant liés les deux seront informés. Bien sûr, l'ordre a son importance, le premier informé a un avantage sur le second, “un coup d'avance” dirait-on dans certains jeux où l'ordre des coups a un intérêt stratégique. C'est le cas en informatique, un système plutôt linéaire où la position dans “le fil” a son importance. Un programmeur dirait que l'informatique comme secteur économique est le plus souvent un système FIFO, un système “First In, First Out”, le premier qui entre est le premier qui sort, alors que l'informatique comme secteur collaboratif est plutôt du genre LIFO, qui pourrait se dire FILO, “Last In, First Out” ou “First In, Last Out”, dernier entré, premier sorti ou premier entré, dernier sorti. Dirait-on, dans le premier cas on a une “religion aristocratique” dans laquelle les premiers seront les premiers, dans l'autre une “religion démocratique” ou les premiers seront les derniers et les derniers les premiers. Cela dit et pour philosopher encore un peu, comme l'univers est tendanciellement démocratique (les événements les plus récents sont ceux qui changeront d'état le plus tôt), au bout du compte toute série d'événements qui s'y déroule est LIFO, mais parfois le bout du compte est très distant...
Un écosystème est toujours un réseau. La structure textile est une représentation inexacte, opaque. Ce qui informe est une interaction entre “la trame” et “la chaîne” or l'une est un cas de l'autre, savoir quoi est le cas de quoi, si, disons, “la trame” est orientée, va d'est en ouest ou d'ouest en est, “la chaîne” est polarisée, va de nord en sud ou de sud en nord, “la trame” est polarisée, “la chaîne” est orientée, si je regarde vers l'ouest, je vois une chaîne qui va du nord au sud, si je regarde à l'est elle va du sud au nord, regardant au nord la chaîne va de l'est à l'ouest, au sud, de l'ouest à l'est. En toute hypothèse, pour autant qu'on sache ce que sont l'est, l'ouest, le sud et le nord. J'en discutais dans un très vieux texte, écrit au siècle dernier je pense, pour mieux le dire au millénaire précédent, en 1998 ou 1999 : impossible de déterminer réellement ce qui est de l'ordre de la latéralité. J'y suis revenu depuis, d'ailleurs. Le haut et le bas, ici et maintenant c'est assez facile à déterminer, le bas c'est là vers où on tend à se diriger, le haut c'est à l'opposé (pour un astronaute ou une personne en chute libre dans un lieu fermé je n'en dirai pas autant). La face et l'arrière c'est relativement déterminable, la face est ce qui se trouve devant ma face, l'arrière est à l'opposé. Bien sûr, quand je change de position la face et l'arrière se déplacent avec moi mais restent stables relativement à moi, la face reste en face, l'arrière reste en arrière. Là où ça devient délicat, c'est la question de la droite et de la gauche. Pour exemple, si j'étais un député français, disons, “de droite”, une fois assis à ma place dans l'hémicycle, les élus “de gauche” seront, si je considère la succession des sièges, “à droite”, et si je considère leur position absolue, “en face” donc ni à gauche ni à droite. Oui, “la droite” est sur la droite pour le président de l'assemblée donc, pour un député, qui lui fait face, elle est sur la gauche. Et l'hémicycle étant un hémicycle, un “demi-cercle”, les députés “les plus à droite” du président ont en vis-à-vis ceux “les plus à gauche”.
Bon, on dira que la gauche et la droite c'est “relativement à celui qui le dit”. Ouais. Je lève la main droite devant un miroir et devant moi un individu qui me ressemble beaucoup lève “la même main que moi”, c'est-à-dire sa main gauche. D'accord d'accord, c'est une image, un reflet. J'écris, et devant moi une personne écrit. Tous deux écrivons avec la main qui est “du même côté”, sur ma droite. Il écrit “de la main gauche” ou “de la main droite” ? Ok, je veux bien, il est gaucher et écrit de sa main gauche. Vous savez ce qui différencie les gauchers des droitiers ? Les droitiers ont la main droite adroite et la main gauche gauche, les gauchers ont la main gauche adroite et la droite gauche. Bon, je peux poursuivre que ça ne changera rie, tiens, allez, un dernier exemple, les communistes sont “à gauche” et les fascistes “à droite”, n'empêche que les fascistes sont sinistres – donc “à gauche”.
Pourquoi cette question de la latéralité ? À cause des points cardinaux : l'un est en face, un autre en arrière, mais lequel est à gauche, lequel à droite ? Bien sûr, ça ne concerne pas, ou pas trop, les individus, dans mon jeune temps j'étais dyslexique et j'avais des problèmes quant à la latéralité, c'est là que j'ai inventé e truc de l'écriture, on m'a dit que j'étais “droitier”, ce qui signifie entre autres que la main qui me sert à écrire est réputée se trouver “à droite”, quand le devais situer quelque chose latéralement je mouvais légèrement “la main qui écrit” et voilà, je savais où était censée se trouver “la droite”. Ce qui ne m'empêchait pas de continuer à me tromper un peu avec les d et les b, les q et les p, si j'écrivais à la va-vite, “sans y penser” au sens propre, sans faire un effort de pensée pour savoir dans quel sens ça devait être dessiné, ça tombait comme ça tombait... Je ne suis pas certain de ne plus être dyslexique et “mal latéralisé” mais depuis, j'ai automatisé cet effort de pensée qui n'est donc plus un effort. Cela dit, quand je suis un peu fatigué ou peu vigilant, il m'arrive de taper un q au lieu d'un p ou l'inverse, plus rarement un b pour un d ou l'inverse, et aussi un q au lieu d'un g ou l'inverse (là, c'est plutôt que, ça n'est pas très différent, pour sûr). Là n'est pas la question, même si dans une population donnée il y a au moins autant de dyslexiques que de gauchers, ce qui fait du monde, et que certains n'ont pas eu la volonté ou la capacité de pallier à cette différence de perception.
La question est liée aux cartes mentales anamorphiques. Ce que dit à propos de Bateson, de l'esprit et de son écologie, vous donne à comprendre que ce qui, pour lui comme pour moi, est “mental” ne se situe pas spécialement et même, pas principalement dans le cerveau :
Nous pouvons dire [...] que l'esprit est immanent dans ceux des circuits qui sont complets à l'intérieur du cerveau ou que l'esprit est immanent dans des circuits complets à l'intérieur du système : cerveau plus corps. Ou, finalement, que l'esprit est immanent au système plus vaste : homme plus environnement.
Si nous voulons expliquer ou comprendre l'aspect “mental” de tout événement biologique, il nous faut, en principe, tenir compte du système, à savoir du réseau des circuits fermés, dans lequel cet événement biologique est déterminé. Cependant, si nous cherchons à expliquer le comportement d'un homme ou d'un tout autre organisme, ce “système” n'aura généralement pas les mêmes limites que le “soi” — dans les différentes acceptions habituelles de ce terme.
J'apprécie beaucoup le « dans les différentes acceptions habituelles de ce terme » de la fin du passage, car même ces “acceptions habituelles” désignent des réalités ou des vérités ou des croyances assez différentes. Ce dont discute principalement Bateson ici est la granularité ainsi que la subjectivité et la position de la personne qui décrit : si je me place du point de vue de l'agent humain, me considère subjectivement comme une entité fermée et suppose que mes actions sont commandées par mon esprit, situé dans mon cerveau, le “soi” sera très localisé et propre à cette entité fermée ; si je suis un observateur extérieur de la séquence “arbre-yeux-cerveau-muscles-cognée-coup-arbre” avec une granularité grossière, “acteur-acteur-action-acteur” et une subjectivité d'écologue ou de cybernéticien, difficile de déterminer si “l'esprit” est dans un des acteurs, dans l'action, dans l'ensemble ou hors de ce segment de réalité, ou plus large, ou nulle part, une “action sans intention”. Comme humain j'aurais tendance à considérer que l'esprit réside principalement dans l'acteur humain et secondairement dans les autres éléments du système ; comme cybernéticien j'aurai plutôt tendance à considérer qu'il circule dans tout le système et varie en quantité dans tel et tel élément selon le moment de la séquence ; comme écologue je peux selon les cas, et selon la granularité bien sûr, situer l'esprit principalement dans l'humain, ou dans l'arbre, ou voir cette séquence comme une “pensée” plus ou moins petite ou grande de l'esprit de l'écosystème, qui est un circuit fermé dont ces acteurs sont une composante. Ou, pensant en économiste à tendance spencérienne (le spencérisme est le nom plus exact du supposé “darwinisme social” qui n'a pas grand chose à voir avec le darwinisme, ni vraiment avec le social), je situerai peut-être l'esprit dans l'employeur (individuel ou collectif) du bûcheron, la “pensée” de l'employeur motivant censément l'action du bûcheron. Et bien sûr, il y a la possibilité d'un effet sans cause au sens où la séquence serait circonstancielle et involontaire. Possibilité faible mais qu'on ne peut exclure, et qui exclurait en revanche quelque “esprit”.
Une carte mentale anamorphique peut être individuelle ou concerner un ou plusieurs groupe, ou une société large, ou plusieurs groupes dans plusieurs sociétés, ou plusieurs sociétés, peut être territoriale ou déterritorialisée, en toile, en réseau, en damier, mixte. Pour exemple, la carte mentale portée par l'Église catholique ou toute Église ou secte à une visée universelle et structure hiérarchique, et qui suppose que tous ses membres font partie d'une même communauté “sans frontières”, est quelque chose comme un réseau en toile d'araignée avec un nœud central, des nœuds auxiliaires (autant de niveaux d'auxiliarité qu'il y a de niveaux hiérarchiques) et des nœuds élémentaires, les “paroisses”, la distance entre nœuds de même niveau étant à-peu-près équivalente, le tout sur fond de toile dans les zones où les membres de la communauté sont minoritaires et entrecroisement ou superposition avec d'autres réseaux dans les zones où il y a d'autres communautés réticulaires équivalentes. Du point de vue des États par contre, chaque État est une toile qui constitue un nœud dans le réseau des États, sinon que certains de ces États sont aussi réticulaires, les entités auxiliaires étant toiles ou réseaux. Et bien sûr, toute société large est toujours un réseau et même, un réseau de réseaux. La question de la latéralité intervient à plusieurs titres.
En premier, il y a l'inadéquation entre latéralité effective et latéralité anamorphique. Le cas de l'œil de cheval ou de l'objectif fisheye le montre, la granularité du terrain ne correspond pas à celle de l'anamorphose, et ne correspond pas nécessairement à une variation “significative” – par exemple, une anamorphose corrélée à une donnée ou une information peut faire varier la granularité selon sa valeur sur un territoire délimité, une anamorphose où, à l'instar des fisheye, la densité est corrélée à la distance du point focal, ne tient pas compte de quelque signifiance de chaque zone. L'anamorphose des cartes mentales n'est pas nécessairement respectueuse de la position relative de chaque “territoire” (tenant compte que ce que, comme dit, l'on ne cartographie pas obligatoirement un territoire géographique, une carte mentale de réseau informatique n'est pas toujours liée à un territoire et constitue son propre territoire, qui a une granularité réelle, celle des nœuds) ni de sa dimension. Les cartes mentales “géographiques” étant plus accessibles, quelques exemples dans ce secteur. Me viennent en tête les classements géopolitiques des pays au cours du siècle écoulé, entre 1917 et aujourd'hui, qui ont varié plusieurs fois. Je partirai de l'après-seconde guerre mondiale.
Le centre à l'est, l'est à l'ouest, l'ouest à l'est, le nord au sud et le sud au nord.
En premier, je tiens à préciser que les points cardinaux ont perdu beaucoup de pertinence depuis que la Terre est devenue une sphère, ce qui est assez récent, environ deux siècles. Non qu'elle ne le fut auparavant qui que ce ne soit devenu un fait vérifié au XV° siècle mais un fait ou une réalité ne deviennent une vérité que quand une part significative en quantité ou qualité des populations concernées se comporte en tenant compte de ce fait. Or, pendant la reconfiguration des structures sociales commencée vers le XV° siècle et qui dura jusqu'au XIX° siècle (jusqu'en 1875 environ), subsista longtemps la possibilité d'aller “au delà des limites du monde connu”. Sans le dater précisément, les élites politiques, religieuses, sociales, intellectuelles, ont “pris conscience de la finitude du monde” dans leur majorité alentour de 1820. Bien sûr ça ne les empêcha pas de continuer à propager l'idée qu'il y avait encore des “territoires vierges à conquérir” mais le plus souvent sans adhérer au concept, il s'agissait de motiver ceux qui n'en avaient pas encore conscience à aller défricher et accaparer des territoires encore disputés – aux autochtones ou à des concurrents. Dans un monde fini et sphérique, quand on va toujours plus loin vers l'est, on finit par revenir à son point de départ, idem pour toute direction. Et oui : le point le plus distant à l'est est... à l'ouest. Un point à l'ouest de son point de départ. Cela dit, la réelle ou plutôt, la véritable “désorientation” eut lieu au XX° siècle, quand, au-delà des élites, une part significative des populations concernées eut conscience de la finitude du monde.
La désorientation, c'est le fait que la localisation des territoires n'est pas liée à leur situation relative à un centre. En 1500, “le centre” est en Europe. Non pas le centre absolu mais le centre à partir duquel, au cours quatre siècles suivants, quelques sociétés vont peu à peu, à partir de ce centre, s'emparer réellement, formellement ou nominalement, du reste du monde, les grands empires coloniaux finalisés formellement en 1885 par traité. Bien sûr, il y eut encore des changements, notamment la fin de l'Empire ottoman, le renouveau et l'expansion de l'Empire russe sous les aspects de l'URSS, la consolidation et l'expansion de l'Empire étasunien, la brève, puissante et désastreuse reconstitution de “l'Empire germanique” durant le Troisième Reich allemand, mais du moins, jusqu'à la deuxième guerre mondiale...
Les chats et les souris – et les autres. Et le Jeu...
Le Jeu. Le jeu. Les jeux. Qu'y a-y-il de plus sérieux qu'un jeu ? Et de plus frivole, et de plus – de plus tout, de plus rien. La vie est un jeu, la vie est jeu. Un jour on naît, un jour on meurt, que faire entre les deux ? Qu'y a-t-il a faire de pertinent à faire de l'un à l'autre jour que de se distraire du deuxième ? Que disait donc Innocent Premier sur la question ? Ah oui ! Ça me revient :
Quand je m’y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent dans la Cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place. On n’achète une charge à l’armée si cher, que parce qu’on trouverait insupportable de ne bouger de la ville. Et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir. Etc.
Mais quand j’ai pensé de plus près et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective et qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de près.
Quelque condition qu’on se figure, où l’on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde. Et cependant, qu’on s’en imagine accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher. S’il est sans divertissement et qu’on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu’il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point. Il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent des révoltes qui peuvent arriver et enfin de la mort et des maladies, qui sont inévitables. De sorte que s’il est sans ce qu’on appelle divertissement, le voilà malheureux, et plus malheureux que le moindre de ses sujets qui joue et qui se divertit.
De là vient que le jeu et la conversation des femmes, la guerre, les grands emplois sont si recherchés. Ce n’est pas qu’il y ait en effet du bonheur, ni qu’on s’imagine que la vraie béatitude soit d’avoir l’argent qu’on peut gagner au jeu ou dans le lièvre qu’on court, on n’en voudrait pas s’il était offert. Ce n’est pas cet usage mol et paisible et qui nous laisse penser à notre malheureuse condition qu’on recherche ni les dangers de la guerre ni la peine des emplois, mais c’est le tracas qui nous détourne d’y penser et nous divertit.
Raison pourquoi on aime mieux la chasse que la prise.
De là vient que les hommes aiment tant le bruit et le remuement. De là vient que la prison est un supplice si horrible. De là vient que le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible. Et c’est enfin le plus grand sujet de félicité de la condition des rois de ce qu’on essaie sans cesse à les divertir et à leur procurer toutes sortes de plaisirs.
Le roi est environné de gens qui ne pensent qu’à divertir le roi et à l’empêcher de penser à lui. Car il est malheureux, tout roi qu’il est, s’il y pense.
Voilà tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux. Et ceux qui font sur cela les philosophes et qui croient que le monde est bien peu raisonnable de passer tout le jour à courir après un lièvre qu’ils ne voudraient pas avoir acheté, ne connaissent guère notre nature. Ce lièvre ne nous garantirait pas de la vue de la mort et des misères qui nous en détournent, mais la chasse nous en garantit.
Et ainsi, quand on leur reproche que ce qu’ils recherchent avec tant d’ardeur ne saurait les satisfaire, s’ils répondaient comme ils devraient le faire s’ils y pensaient bien, qu’ils ne recherchent en cela qu’une occupation violente et impétueuse qui les détourne de penser à soi et que c’est pour cela qu’ils se proposent un objet attirant qui les charme et les attire avec ardeur, ils laisseraient leurs adversaires sans repartie...
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La danse : il faut bien penser où l’on mettra ses pieds.
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Mais ils ne répondent pas cela, parce qu’ils ne se connaissent pas eux-mêmes. Ils ne savent pas que ce n’est que la chasse et non pas la prise qu’ils recherchent.
Le gentilhomme croit sincèrement que la chasse est un plaisir grand et un plaisir royal. Mais son piqueur n’est pas de ce sentiment-là.
Ils s’imaginent que s’ils avaient obtenu cette charge ils se reposeraient ensuite avec plaisir et ne sentent pas la nature insatiable de la cupidité. Ils croient chercher sincèrement le repos, et ne cherchent en effet que l’agitation. Ils ont un instinct secret qui les porte à chercher le divertissement et l’occupation au-dehors, qui vient du ressentiment de leurs misères continuelles. Et ils ont un autre instinct secret qui reste de la grandeur de notre première nature, qui leur fait connaître que le bonheur n’est en effet que dans le repos et non pas dans le tumulte. Et de ces deux instincts contraires il se forme en eux un projet confus qui se cache à leur vue dans le fond de leur âme, qui les porte à tendre au repos par l’agitation et à se figurer toujours que la satisfaction qu’ils n’ont point leur arrivera si, en surmontant quelques difficultés qu’ils envisagent, ils peuvent s’ouvrir par là la porte au repos.
Ainsi s’écoule toute la vie, on cherche le repos en combattant quelques obstacles. Et si on les a surmontés, le repos devient insupportable par l’ennui qu’il engendre. Il en faut sortir et mendier le tumulte. Car ou l’on pense aux misères qu’on a ou à celles qui nous menacent. Et quand on se verrait même assez à l’abri de toutes parts, l’ennui, de son autorité privée, ne laisserait pas de sortir du fond du cœur, où il a des racines naturelles, et de remplir l’esprit de son venin.
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Mais qu’on juge quel est ce bonheur qui consiste à être diverti de penser à soi.
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Ainsi l’homme est si malheureux qu’il s’ennuierait même sans aucune cause d’ennui par l’état propre de sa complexion. Et il est si vain qu’étant plein de mille causes essentielles d’ennui, la moindre chose comme un billard et une balle qu’il pousse suffisent pour le divertir.
D’où vient que cet homme qui a perdu son fils unique depuis peu de mois et qui est accablé de procès, de querelles et de tant d’affaires importantes qui le rendaient tantôt si chagrin n’y pense plus à présent. Ne vous en étonnez pas. Il est tout occupé à savoir par où passera ce sanglier que ses chiens poursuivent. Il n’en faut pas davantage pour chasser tant de pensées tristes. Voilà l’esprit de ce maître du monde tant rempli de ce seul souci.
Mais, direz-vous, quel objet a-t-il en tout cela ? Celui de se vanter demain entre ses amis de ce qu’il a mieux joué qu’un autre. Ainsi les autres suent dans leur cabinet pour montrer aux savants qu’ils ont résolu une question d’algèbre qu’on n’aurait pu trouver jusqu’ici. Et tant d’autres s’exposent aux derniers périls pour se vanter ensuite d’une place qu’ils auront prise, aussi sottement à mon gré. Et enfin les autres se tuent pour remarquer toutes ces choses, non pas pour en devenir plus sages, mais seulement pour montrer qu’ils les savent, et ceux-là sont les plus sots de la bande, puisqu’ils le sont avec connaissance, au lieu qu’on peut penser des autres qu’ils ne le seraient plus s’ils avaient cette connaissance.
Tel homme passe sa vie sans ennui en jouant tous les jours peu de chose. Donnez-lui tous les matins l’argent qu’il peut gagner chaque jour, à la charge qu’il ne joue point, vous le rendez malheureux. On dira peut-être que c’est qu’il recherche l’amusement du jeu et non pas le gain. Faites-le donc jouer pour rien, il ne s’y échauffera pas et s’y ennuiera. Ce n’est donc pas l’amusement seul qu’il recherche, un amusement languissant et sans passion l’ennuiera, il faut qu’il s’y échauffe et qu’il se pipe lui-même en s’imaginant qu’il serait heureux de gagner ce qu’il ne voudrait pas qu’on lui donnât à condition de ne point jouer, afin qu’il se forme un sujet de passion et qu’il excite sur cela son désir, sa colère, sa crainte pour l’objet qu’il s’est formé, comme les enfants qui s’effraient du visage qu’ils ont barbouillé.
D’où vient que cet homme, qui a perdu depuis peu de mois son fils unique et qui accablé de procès et de querelles était ce matin si troublé, n’y pense plus maintenant ? Ne vous en étonnez pas, il est tout occupé à voir par où passera ce sanglier que les chiens poursuivent avec tant d’ardeur depuis six heures. Il n’en faut pas davantage. L’homme, quelque plein de tristesse qu’il soit, si on peut gagner sur lui de le faire entrer en quelque divertissement, le voilà heureux pendant ce temps-là. Et l’homme, quelque heureux qu’il soit, s’il n’est diverti et occupé par quelque passion ou quelque amusement qui empêche l’ennui de se répandre, sera bientôt chagrin et malheureux. Sans divertissement il n’y a point de joie. Avec le divertissement il n’y a point de tristesse. Et c’est aussi ce qui forme le bonheur des personnes de grande condition qu’ils ont un nombre de personnes qui les divertissent, et qu’ils ont le pouvoir de se maintenir en cet état.
Prenez-y garde, qu’est-ce autre chose d’être surintendant, chancelier, premier président, sinon d’être en une condition où l’on a le matin un grand nombre de gens qui viennent de tous côtés pour ne leur laisser pas une heure en la journée où ils puissent penser à eux-mêmes ? Et quand ils sont dans la disgrâce et qu’on les renvoie à leurs maisons des champs, où ils ne manquent ni de biens, ni de domestiques pour les assister dans leur besoin, ils ne laissent pas d’être misérables et abandonnés, parce que personne ne les empêche de songer à eux.
Le divertissement est une chose si nécessaire aux gens du monde qu’ils sont misérables sans cela. Tantôt un accident leur arrive, tantôt ils pensent à ceux qui leur peuvent arriver, ou même quand ils n’y penseraient pas et qu’ils n’auraient aucun sujet de chagrin, l’ennui de son autorité privée ne laisse pas de sortir du fonds du coeur où il a une racine naturelle et remplir tout l’esprit de son venin.
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Le conseil qu’on donnait à Pyrrhus de prendre le repos qu’il allait chercher par tant de fatigues, recevait bien des difficultés.
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Dire à un homme qu’il soit en repos, c’est lui dire qu’il vive heureux. C’est lui conseiller d’avoir une condition toute heureuse et laquelle puisse considérer à loisir, sans y trouver sujet d’affliction.
Aussi les hommes qui sentent naturellement leur condition n’évitent rien tant que le repos, il n’y a rien qu’ils ne fassent pour chercher le trouble.
Ainsi on se prend mal pour les blâmer ; leur faute n’est pas en ce qu’ils cherchent le tumulte. S’ils ne le cherchaient que comme un divertissement, mais le mal est qu’ils le recherchent comme si la possession des choses qu’ils recherchent les devait rendre véritablement heureux, et c’est en quoi on a raison d’accuser leur recherche de vanité de sorte qu’en tout cela et ceux qui blâment et ceux qui sont blâmés n’entendent la véritable nature de l’homme.
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La vanité : le plaisir de la montrer aux autres.
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Vous l'imaginerez, “ça” ne m'est pas “revenu”, ça m'est venu, d'un site Internet. J'ai de la mémoire mais je ne l'encombre pas de choses disponibles, longues et de pertinence modérée ou faible ou nulle. Il m'arrive d'apprendre des textes, parfois longs, mais c'est rare. Le plus souvent des poèmes, qui sont faits pour ça – non pas nécessairement pour être mémorisés mais pour l'être assez aisément, soit qu'ils tendent à la “forme parfaite” et que leur cohérence facilite la mémorisation, soit qu'ils usent de techniques comme la rime ou l'assonance. Le plus souvent je compte sur des mémoires auxiliaires, livres, films, enregistrements sonores, sur des supports “analogiques” ou sur ce vaste répertoire “numérique” qu'est Internet. Toutes les citations de Bateson et Descartes viennent de ce site même. Quand on a des mémoires de ce genre, il suffit de disposer “en interne” d'une sorte de table des matières à l'ancienne, où les parties sont intitulées et brièvement commentées. Je pense “diversion” ou apparenté (ici, “distraire”), sans réellement chercher un exemple en lien, anticipant sur la suite, émergent “divertissement” et “Pascal”. Si le fragment est assez court et familier, parfois je peux le citer de mémoire, de ma mémoire – sans le certifier, je pense pouvoir citer assez fidèlement les principes de la méthode cartésienne dans le sens sinon dans la forme, tant je les ai lus et relus –, mais là, le texte est malaisément mémorisable – fragments plus ou moins liés d'un ouvrage en préparation jamais achevé, par cessation anticipée de participation à la vie de son auteur, pas toujours les mêmes fragments et pas toujours dans le même ordre selon les éditions posthumes. Cette citation est l'une des versions d'un ensemble intitulé « Le Divertissement » ou « Divertissement » selon les éditions.
Je n'ai pas trop d'opinion sur ce texte et son auteur, je ne l'apprécie pas trop, sa lecture est plaisante, spécialement ses œuvres polémiques, mais je n'en tire pas grand chose. Que dire ? De mon point de vue, du style mais peu d'originalité. Non que je la recherche, un auteur comme Montaigne n'est pas spécialement original, d'ailleurs une part importante de ses Essais est composée de citations, souvent littérales. Mais je l'apprécie. En même temps, les Pensées ne sont pas un ouvrage “pensé” mais un collage qui reflète la pensée des colleurs plutôt que celle de l'auteur supposé. Imaginez que, parmi tout ce qui est publié sur ce site, on fasse une sélection de certains textes, parmi ces textes de certains passages, et qu'on remanie ces passages, qu'on en retire des segments, qu'on en change la composition, qu'on les “corrige”5, cela après ma mort bien sûr, avant j'aurais toujours moyen de protester. Et bien, ça ne serait plus mon texte, ma “pensée”, mes le texte et la “pensée“ des reconstructeurs. C'est simple : les mots dont on use, on n'en est pas les auteurs et même si on les a inventés on les a rarement créés, ils se composent de mots ou d'éléments de mots déjà disponibles ; on est proprement auteur de l'organisation même de ces mots, changer ces mots ou leur organisation revient à écrire un autre texte. D'où la prudence nécessaire quand on traduit, le soin qu'on doit avoir à tenter de respecter “la pensée de l'auteur” donc l'organisation de son expression. Sinon et pour le redire, je n'ai pas d'opinion particulière sur cette citation des Pensées. Sinon que ce ne sont pas celles de Blaise Pascal mais celles de l'auteur du collage.
Le divertissement “au sens pascalien” comme le disent presque tous les commentateurs, je ne sais pas ce qu'il est, peut-être cette citation peut vous aider à le savoir, parce je crois et même, je suis certain que les commentaires ne vous y aideront pas, ça ne pourra que vous aider à savoir quel est ce sens pour les auteurs des commentaires – lesquels ont tendance à donner un peu le même sens, qui est celui donné par d'autres commentateurs. Par contre je peux vous indiquer le sens commun du terme à l'époque où Pascal écrivait, qu'il donne d'ailleurs lui-même, c'est d'une part « ce qu'on appelle divertissemen » :
[Si le roi] est sans ce qu’on appelle divertissement, le voilà malheureux, et plus malheureux que le moindre de ses sujets qui joue et qui se divertit.
C'est aussi “ce qui ne rend pas malheureux” et peut-être “ce qui rend heureux” mais ça n'est pas évident, « le moindre de ses sujets qui joue et qui se divertit » est “moins malheureux” mais pas nécessairement “plus heureux”, puis ça a rapport “au jeu” et “aux jeux”. C'est aussi ce qui empêche de penser à soi :
Le roi est environné de gens qui ne pensent qu’à divertir le roi et à l’empêcher de penser à lui. Car il est malheureux, tout roi qu’il est, s’il y pense.
D'où il ressort que le malheur est de penser à soi et que se divertir empêche cette pensée. Je n'ai pas d'opinion sur Pascal, sa pensée, ses Pensées et son opinion précise sur le divertissement, j'ai en revanche une opinion sur les personnes qui considèrent ou semblent considérer qu'il est préférable d'être malheureux que de ne l'être pas ou l'être moins : des imbéciles, et en outre des imbéciles malheureux. À ma manière je suis ou aspire à être un imbécile, mais un imbécile heureux.
J'ai une autre opinion sur Pascal : une personne qui “manquait de sensibilité”. Non pas en un sens, disons, moral, mais en un sens effectif, quelqu'un avec des problèmes sensitifs, qui avait “des difficultés à se relier au monde”. C'est rapport aux nombreuses mortifications qu'il s'imposa dans ses dernières années, qui n'ont pas peu contribué à sa fin hâtive. On peut sans trop de risques avancer que son opinion sur le divertissement et le malheur découle de ces déficiences sensitives : se mortifier pour “s'éprouver au monde” ça donne l'indice d'un difficulté à “s’empêcher de penser à soi” combinée au sentiment que “penser à soi” est “un malheur”. Je ne crois pas l'avoir dit dans ce texte, j'ai une opinion défavorable de ce qu'on étiquète “philosophie”, le plus souvent ça vise à opacifier. Disons, au moins trois fois sur quatre et pour le dernier quart il y a encore assez d'opacification mais, dirai-je, plutôt involontaire, pas plus volontaire que pour n'importe qui, que pour vous ou moi. Quand on est un “intelligent”, une personne qui a désire se relier au monde, et qu'on y parvient difficilement et mal, ça rend malheureux. Comme on ne peut aisément “s’empêcher de penser à soi” on tendra alors à attribuer à ce “soi” la cause principale de son malheur, d'où l'idée que “penser à soi” est “un malheur” et “se divertir” quelque chose comme “une illusion”, pour la raison même que dans son propre cas la manière efficace de “se divertir”, de “s'empêcher de penser à soi” est la mortification, qui est aussi un malheur...
Ce qui précède n'est pas un commentaire sur la pensée de Pascal mais une analyse des causes objectives pouvant amener à développer une philosophie déceptive. Là-dessus, si on discutait un peu des chats, des souris et du reste ?
Partant du principe assez évident qu'un individu ne peut être que “prédateur” ou “proie”, que vivant ou mort, et que la seule question qui vaille est, comment se maintenir en vie, selon les X (ici quatre, mais le nombre peut varier. Disons que quatre suffisent pour “donner du volume” à mon propos) points de vue nécessaires, ceux pratique, effectif, moral et éthique. Allez, encore une digression sur mes petits trucs d'auteur : juste avant de commencer la rédaction de cet alinéa j'avais idée que j'y aborderais le “principe prédateur-proie” sous l'angle de la diversité de ses réalisations ; juste après avoir écrit « se maintenir en vie » émerge la formulation “points de vue”, qui doivent être divers, au moins trois et au plus, “un certain nombre” et au plus six ou sept, au-delà ça ne serait qu'un changement de point de vue sur les points de vue, un commentaire. J'écris alors « selon les X points de vue nécessaires », le dernier mot étant surfétatoire, une coquetterie, un procédé rhétorique visant à faire admettre à ma lectrice ou mon lecteur que tout ça est “bien pensé”, “de l'ordre de l'évidence”, puis j'énonce des “points de vue” plus ou moins valides mais devenus, par le miracle de la rhétorique, “nécessaires”. Comme il y en a quatre, c'est le moment de remplacer le “X” par “quatre”. Ou alors, le moment de dévoiler un peu les trucs, de montrer que ce que présenté comme nécessaire, évident, réfléchi, l'est plus ou moins. De montrer que je suis un prédateur. À preuve : je suis vivant.
Le point de vue éthique est divers mais un de ses éléments est, ne pas masquer ses procédés. Et là, cet élément est vraiment nécessaire. Pour revenir rapidement sur ce cas, nombre de commentateurs ont mis en question le caractère éthique de l'expérience de Milgram discutée précédemment dans ce texte, or sauf un cas, une discussion plutôt qu'un commentaire par la philosophe Isabelle Stengers, leur interrogation porte plutôt sur le caractère moral que celui éthique de l'expérience. Milgram ne masque pas ses procédés, ni durant la mise en place et la réalisation de l'expérience, ni quand il la rapporte et la commente. D'ailleurs, Stengers discute aussi de l'aspect moral mais d'un point de vue éthique, dans les autres cas les commentateurs ont un point de vue moral sur un aspect moral et rebaptisent ça “éthique” pour ces raisons circonstancielles : en Europe ou en Amérique du Nord et dans les années 1970 et suivantes, parler de “morale” est considéré impoli. Donc on le fait mais on dit qu'on parle d'autre chose, de politique ou d'éthique, par exemple. Dans le courant de la vie l'éthique est avant tout cela, ne pas masquer ses procédés, ne pas prétendre qu'on fait telle chose pour telle raison quand c'est faux. On peut aussi ne pas exposer ses motifs, libre aux personnes concernées par la situation de se faire leur propre opinion sur les motivations de l'agent initial de cette situation. Quand on engage le devenir même temporaire de tiers, il est nécessaire de les informer sur ce à quoi ils s'engage ou sont engagés.
L'exemple de cette expérience permettra de séparer clairement morale et éthique, des mots qui à l'origine sont des quasi-homonymes mais qui, dans “l'écosystème de la langue française” ont à la fois un autre sens qu'en latin pour le premier, en grec pour le second, et un autre sens l'un que l'autre. Les deux concernent “ce qu'on peut faire”, au sens “ce qu'on a le droit ou le devoir de faire dans le cadre des interactions en société”. C'est une question, et bien, une question de sens bien sûr, ce que pointent ces mots et de qui ou quoi à quoi ou qui : la morale vient de la société et pointe l'individu, l'éthique vient de l'individu et pointe la société, les deux se croisent au point “ce qu'on peut faire”, la société est “ce qu'à le droit ou le devoir de faire l'individu selon les règles fixées par la société”, l'éthique, “ce qu'a le droit ou le devoir de faire l'individu selon ses propres règles”. Les deux se croisant sur le point “ce qu'a le droit ou le devoir de faire l'individu”, l'une et l'autre doivent intégrer les deux blocs de droits, mais non au même point. L'apparente similarité des deux vient de ce qu'une définition abstraite peut spécifier “ce qu'un des contractants (ou acteurs, ou intéressés) a le droit ou le devoir de faire selon les règles de l'un des contractants et dans le respect des propres règles de l'autre contractant”. Savoir qui est l'un et l'autre, et qui est l'autre de l'autre. La société étant à la fois un individu et l'ensemble des individus qui, à un instant donné, la composent, par nécessité les règles de la société sont aussi les règles des individus, plus précisément l'ensemble des règles que ses membres se sont entendus à considérer communes, soit qu'ils les aient fixées entre eux préalablement, soit que, s'engageant à agir dans le cadre de la société, un nouveau membre s'engage à respecter ce bloc de règles communes. La fameuse sentence « nul n'est censé ignorer la loi » dit cela : la question n'est pas de savoir si une personne “n'ignore pas la loi” mais si, s'engageant dans une action qui engage d'autres personnes, cela dans le cadre de la société, elle a fait le nécessaire pour déterminer si cette action ne contrevient pas à la loi. Tout ce qui ne concerne pas “la loi” et ne lui contrevient pas est possible.
Contrairement à la morale, l'éthique est interpersonnelle, elle est la rencontre de deux blocs de “droits et devoirs” pour une situation qui concerne les porteurs de ces deux blocs. D'autant cette situation est “hors société”, d'autant ces “droits et devoirs” peuvent ne pas s'y référer. Par contre ils doivent en tenir compte à la mesure des conséquences sociales de cette situation. Le point de vue moral abusivement dit éthique qui revient souvent est celui de la “duperie”, le fait que les acteurs naïfs sont dans l'ignorance du contexte réel, qu'ils ignorent que le tirage au sort est truqué, que “l'élève” est un acteur qui simule, que les chocs électriques n'ont pas lieu, que “le moniteur”, le supposé responsable de l'expérience, joue un rôle, qu'il ne dirige pas l'expérience, bref, qu'il est trompé, qu'on lui ment. Or, d'une part la notion de tromperie n'est pas d'ordre éthique, de l'autre on ne le trompe pas. Ce qui est cohérent : dès lors que la tromperie n'entre pas dans le cadre d'une situation régie par l'éthique elle ne peut pas y être présente. Par contre il se peut que les suites de cette situation aient une conséquence sociale, et alors il faut tenir compte d'un possible biais qui résulte en tromperie. Dans le cas de l'expérience il se peut que, suite à cette situation “de laboratoire”, l'acteur naïf éprouve un remords qui l'amène à un comportement moralement réprouvé qui soit la conséquence de sa croyance en la véracité de la situation, ou se retrouve dans un état qui lui soit défavorable et qui réduise son utilité sociale, ou son adhésion à la morale sociale, bref, qu'il soit “antisocial” du fait de la situation. Raison pourquoi Milgram a prévu un “debriefing”, une séquence consécutive à la situation qui a entre autres fonctions d'expliciter l'expérience et de présenter la situation pour ce qu'elle fut, une simulation. Mais, n'y eut-il pas tromperie durant la situation ?
Qu'est-ce qu'une tromperie ? Un mensonge qui a pour but d'induire un comportement. Sans épuiser le sujet, il existe deux grandes classes de tromperies, qui parfois se combinent, qui souvent se combinent, les tromperies de défense et d'attaque. Nul ne souhaite devenir proie et chacun souhaite rester prédateur. De ce fait, les proies se défendent, les prédateurs attaquent. Tous les acteurs d'un système fermé sont toujours à la fois proies et prédateurs, toujours en risque de mourir et toujours en désir de vivre. D'un point de vue formel chaque acteur passe par des moments de “vie” et de “mort”, de mouvement et d'immobilité. Se mouvoir c'est “prendre”, s'immobiliser, “donner”, prendre et donner de l'énergie. Dans un système fermé cette énergie “circule en boucle”, elle se transfère d'un acteur à un autre ou vers la part non biotique du système, ou en provient.
L'énergie étant un flux permanent, cette description du fonctionnement d'un système comptant des agents biotiques, des acteurs, est proprement formelle, elle part de l'hypothèse qu'il y a des “formes” et que parmi elles certaines sont des êtres vivants, ce qui est vrai mais non réel, à la granularité la plus fine on ne voit que des flux d'énergie de direction diverse, plutôt réguliers, qui parfois et localement interagissent, ce qui génère un très bref moment ce que l'on peut décrire comme, tantôt une “réduction des forces”, tantôt une “augmentation des forces”, une réduction ou une augmentation de la mobilité des flux. L'observateur qui a des connaissances élémentaires en physique peut supposer avec assez de consistance que cette réduction ou augmentation est une illusion, l'énergie, quelle qu'elle soit, a une mobilité constante, par contre elle peut changer de direction et de mouvement, et dans ces cas mettre plus de temps pour aller d'un point à un autre ou stationner, avoir un mouvement circulaire. L'augmentation est l'indice d'une énergie qui passe d'un mouvement circulaire à un mouvement linéaire, la réduction l'indice du processus inverse. Selon cette compréhension des choses, la “matière” est une concrétion assez massive et assez stable d'énergie à mouvement plutôt circulaire. Assez stable il faut s'entendre : une concrétion qui se maintient un temps qui excède le temps qu'il faudrait à un flux d'énergie linéaire pour parcourir l'espace qu'elle occupe est “assez stable”, par exemple certains atomes, “instables” de notre point de vue, spécialement ceux “transuraniens”, de masse supérieure à celle de l'uranium, ne comptent que des isotopes instables, l'un de ceux du “nobélium”, un élément artificiel, a une “demi-vie” de 1,7 secondes, ce qui signifie que dans une concrétion de plusieurs atomes de nobélium la moitié d'entre eux se désagrège et pour partie libère de l'énergie, pour partie génère un ou plusieurs atomes de moindre masse. Disons, une concrétion “assez stable” a une quantité qui excède le quantum d'énergie minimal, qui est à la fois distance et durée, et de ce fait est mesurable en distance et en durée.
Par le fait, il existe des concrétions dont la demi-vie de la majorité des éléments est d'une très grande durée, certains de ces éléments ont une demi-vie qui excède la durée actuelle de notre univers, et certaines de ces concrétions ont une durée nominale qui excède la demi-vie de leurs constituants les plus stables. Raison pourquoi l'analyse d'un système comme formé de concrétions assez ou très ou extrêmement stables, l'analyse de certains systèmes comme des systèmes biotiques, l'analyse de certains systèmes comme la combinaison de systèmes biotiques et de systèmes et d'éléments non biotiques a de la consistance, est “vraie”. Le principe proie-prédateur s'applique à l'univers entier mais concerne les seuls éléments biotiques de cet univers, je veux dire : tout ce qui meut ou immobilise est “de l'énergie” mais seuls les éléments biotiques ont un intérêt propre à tenter de contrôler ce principe, à mouvoir ou se mouvoir, à immobiliser ou s'immobiliser, dans le but du maintien de leur organisation dans une certaine forme et dans certaines limites de fluctuation de ces modifications externes ou internes. Cela posé, revenons aux chats et aux souris, et aux chiens, aux rats, à l'arbitre (qui peut être divers), à l'autre (qui peut être multiple).
Les chats et les souris et les autres : les règles du Jeu.
Un chat est un prédateur, une souris est une proie. Un chien est une sorte de prédateur-proie et un rat, une sorte de proie-prédateur. Un arbitre est neutre, ni proie ni prédateur, sinon qu'il dispose d'auxiliaires proies et prédateurs et que pour des raisons indéterminables une partie des proies “disparaît” sans qu'on puisse en discerner la cause. Un autre, de nouveau, est un autre. Il semble ne pas jouer le jeu mais parfois si, il semble le jouer, ou le joue, et dans une position indéterminée ou indéterminable. Vous le savez déjà, toute entité en cet univers est à la fois proie et prédateur, donc les apparences sont trompeuses : même les acteurs qui sont seulement proies ou prédateurs ne sont pas que proies ou que prédateurs, et même ceux qui ne sont ni proies ni prédateurs sont des proies-prédateurs. Ce jeu concernant les humains, tous les acteurs sont humains, donc jouent un rôle. Il me faut aborder un point avant de poursuivre, celui de la personne.
Une personne est, soit un individu, soit un groupe. Une personne singulière est toujours un humain, un membre de l'espèce humaine ; un groupe peut se composer de n'importe qui ou de n'importe quoi mais doit toujours comporter au moins une personne singulière. Pourquoi deux types de personnes ? Parce qu'il n'y a pas de limite claire au “soi”. Dans les faits, il n'existe ni personne singulière, “physique”, ni personne collective, “morale”, la question qui permet de déterminer le statut est celle de la garantie d'objets ou de sujets “sociaux”. Une personne singulière n'est garante que d'un seul sujet, elle-même, un groupe est garant collectivement de ses membres humains et de tout ce que la société lui concède pour accomplir des actions profitables à elle pour la plus grande part, au groupe pour le reste, à d'autres personnes s'il y a lieu sur la part qui revient au groupe. La limite n'est pas claire parce que la répartition des “parts” des ressources disponibles dans le cadre d'une société est variable et mobile. La “part sociale” est minimale et proportionnelle, celle des personnes singulières est fixe et proportionnelle, celle des personnes collectives est mobile et non proportionnelle. Du fait que des personnes singulières peuvent, par contrat, obtenir une part non proportionnelle au-delà ou en-deçà de la partie fixe, et que celles collectives peuvent, par contrat, obtenir une part fixe et une part proportionnelle, il n'est pas simple de savoir si telle personne est singulière ou collective. Et du fait que la répartition des parts ne correspond pas toujours à celle formelle, difficile de savoir ce qui dans une société compose la société, les personnes physiques et les personnes morales.
Ouaye ouaye ouaye, une partie plus courte que les précédentes... C'est mal parti...
Mon modèle abstrait d'une société humaine est très similaire à celui courant, concernant les sociétés dans un état initial ou dans une structuration optimale, une société de pairs où chacun vaut chacun, où le statut des individus est en lien avec leur valeur et où ce statut est personnel, révocable et non transmissible. Les sociétés réelles, que ce soit dans leur état initial ou actuel, correspondent plus ou moins au modèle, et là on peut lire “plus ou moins” au sens exact, positivement ou négativement, y correspondent ou n'y correspondent pas, tenant compte que la réalité n'est pas binaire et qu'il y a des gradations, certaines peuvent presque y correspondre, certaines sont en contradiction presque complète à lui, d'autres n'y correspondent qu'en partie, soit en quantité, soit en qualité, soit en quantité et qualité. C'est pour cela qu'on ne sait pas toujours quelles sont les règles et si on les respecte.
Les règles du Jeu de la Vie.
Pour mémoire, la liste des règles du Jeu :
- Le Chat, qui est unique, a le pouvoir,
- Le Chien, qui est plusieurs, garde la Souris, c'est ainsi qu'il garde le pouvoir,
- La Souris, qui est multitude, n'a aucun droit et beaucoup de devoirs,
- Le Rat, qui est multiple, a quelques droits et devoirs mais...,
- L'Arbitre, qui est unique et multiple, vérifie que les règles sont respectées,
- L'autre, qui est autre, joue le Jeu ou ne le joue pas.
- Les règles de cette liste sont en nombre fini, sauf si les joueurs s'entendent pour en ajouter,
- Les règles non modifiables qui seraient ajoutées sont modifiables,
- Les règles non modifiables actuelles de cette liste sont modifiables.
Qui aurait suivi ce discours et se rappellerait même approximativement la liste précédente, qui figure dans sa deuxième partie, se souviendra qu'il y en avait plus. Précisément, il y en a le double. Pour mémoire encore, la dernière règle de la seconde liste, qui est aussi celle de la première, je veux dire, la dernière de la première, non la neuvième de la première, ce qui donne à penser sur ce qui est ou non “la même chose” : les règles non modifiables de cette liste sont modifiables. Si la vie est un jeu et si je suis vivant, ce dont je ne doute pas à l'instant où je rédige ce texte, je participe de ce jeu, donc je peux modifier les règles non modifiables. Ce qui laisse à penser sur ce que sont des règles. Une autre version du règlement du Jeu de la Vie pourrait être :
- Tout est permis sauf ce qui ne l'est pas,
- Rien n'est interdit sauf ce qui l'est,
- La Vérité est entre les deux première règles,
- La Fausseté est entre les deux première règles,
- Le Discernement est dans les deux premières règles.
Bref, les deux premières règles permettent de discerner le vrai du faux, avec cette limite qu'on ne sait pas au départ, ni à l'arrivée d'ailleurs, où se situent précisément le vrai et le faux. Discerner l'indiscernable n'est pas une tâche évidente...
Prédation générale et spécifique.
C'est bête à dire, ou humain à dire, bref, biotique à dire, les humains sont des prédateurs en puissance et des proies en devenir, tant qu'ils vivent il sont prédateurs, s'ils ne font plus de prédation ou s'ils en font trop ils meurent, s'ils meurent ils deviennent proies, et tout humain est destiné à mourir. Jusqu'à preuve du contraire mais je doute que cette preuve arrive prochainement ni même jamais. Pour le dire grossièrement, avec une granularité simple, binaire, le Vrai est proie, le Faux est prédateur. Comme le dit Guy Debord dans l'aphorisme 9 de La Société du Jeu,
Dans le monde réellement réel, le vrai est un moment du faux.
Vous doutez de l'exactitude de mes références et de ma citation ? Vous avez raison. Pour une explication de mon opinion sur l'impossibilité d'une citation vraie, je vous invite à la lecture d'un texte tout récent, « La fierté de l'alcoolique » : un texte achevé (par décision de son auteur ou par décès dudit, qui fait que tout texte de sa main est achevé avec lui) étant un objet mort, “non vivant”, tout texte inachevé étant un objet vivant, “non mort”, tout fragment mort intégrant un ensemble vivant est vivant, ergo il est, malgré les apparence, autre que ce qu'il fut précédemment, non plus un fragment mort d'un objet mort mais un fragment vivant d'un objet vivant. Cet objet devenant mort à son tour, ne fait pas du fragment revivifié l'équivalent exact du fragment mort initial, ces deux fragments résidant dans deux objets différents. Pour comparaison, lors de la conception d'un nouvel humain la cellule initiale comporte un noyau dont la moitié est “la même que la moitié du patrimoine génétique d'un parent” est la moitié “la même que la moitié du patrimoine génétique d'un parent”. Aucun nécessité de différencier ces parents puisque la totalité du patrimoine du nouvel individu n'est ni l'un ni l'autre, et que l'individu est autant l'un que l'autre et aucun des deux. À sa mort, qui censément a lieu après celle des parents, même si factuellement il peut en aller autrement, son patrimoine ne redeviendra pas celui de ses parents mais au pire disparaîtra, au mieux persistera par moitié dans d'autres individus, qui ne seront ni lui ni ses parents mais lui et ses deux parents et autre. On peut dire et croire que cet autre est héritier d'un seul de ses grands parents, ce qui est faux : il hérite de son parent qui n'est que par l'existence de ses deux parents. Citer c'est hériter, et hériter ça n'est pas produire du même, malgré les apparences.
Ma citation et mes références sont inexactes mais seraient-elle exactes, la fonction ce ce fragment dans ce texte est autre que la sienne dans le texte de Debord. Aurais-je écrit, « Comme le dit Guy Debord dans l'aphorisme 9 de La Société du Spectacle », ma citation aurait tout de même concouru à cette partie de cette longue discussion où le sujet est bien quelque chose comme “la Société du Jeu”, ce que dit est bien de Guy Debord, ce à quoi cela s'applique ici est bien “la Société du Jeu”, donc ce qu'il a dit, qui est mort, se trouve dans La Société du spectacle, ce qu'il dit, qui est vivant, dans ce texte encore vivant pour l'instant se trouve bien dans La Société du Jeu, ce n'est pas là où lui l'a dit mais c'est où par mon entremise il le dit de nouveau. De toute manière il n'a pas dit ça, j'ai fait du bricolage génétique et remplacé une partie du code, il dit,
Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux.
Le monde réel est réel, qu'il soit réellement renversé ou réellement non renversé il reste réellement réel, et quel que soit son état, le vrai est toujours un moment du faux comme le faux est un moment du vrai. L'opinion debordienne, présentée comme un constat, d'un monde qui serait à la date de rédaction du texte, alentour de 1967, “renversé”, vient de ce que pour le rédacteur de ce texte, nominalement Guy Debord, il semble exister un vrai toujours vrai et un faux toujours faux et que dans un monde “non renversé” le faux est un moment du vrai. Pour reprendre mon concept de société textile, considérant que “le vrai” serait la chaîne et “le faux” la trame, ou le contraire, peu importe, si, ou la toile ou moi changeons de position, et bien, la trame devient la chaîne et la chaîne la trame, par contre la toile est toujours la même, donc il y a “inversion du mouvement” et “le vrai” devient “un moment du faux”. Pour l'instant, laissons de côté la question de savoir qui, de moi et de la toile, a changé de position, une tierce possibilité étant un double mouvement, de la toile et de moi, une quarte possibilité étant un triple mouvement, de l'univers, de la toile et de moi, une quinte étant l'indécidabilité quant aux mouvements effectifs, du moins on est dans la situation où moi en tant que Guy Debord me trouve “de l'autre côté de la toile” en conservant mon opinion sur “le sens normal des choses”, de ce fait “le monde” est “renversé” et “le vrai” est “un moment du faux”. Ouais. J'ai une opinion qui n'est ni vraie ni fausse mais qui est fortement corrélée à l'observation que l'on peut faire de ce monde depuis un temps assez long, pour l'espèce au moins cinq cent mille à deux millions d'années, pour l'espèce historique et proto-historique au moins quatre mille cinq cent à cinq mille ans, le monde est extrêmement stable et on n'a pas constaté de renversement d'icelui durant cette période, d'où j'en conclus qu'en 1967, c'est Guy Debord qui a changé de position et que le monde est le même que précédemment, à peu de choses près, par contre ce monde, sous les aspects de la Société, à “inversé les signes” relativement à la situation antérieure de Guy Debord, non qu'elle l'ait réellement fait mais que de sa nouvelle position Debord les voit “à l'envers”.
L'analyse que l'on peut faire de la position philosophique et politique de Guy Debord dans ce texte et, autant que je sache, dans sa vie vers 1967 et dans les années suivantes, est qu'il fait partie des membres de la société qui, à un certain moment, les uns vers 1945, d'autres à divers moments entre cette date et alentour de 1965, cessèrent de “suivre le mouvement de la société”, de ce fait il y eut pour eux “inversion des signes” quand ils se retrouvèrent “de l'autre côté de la toile”. Un processus habituel et très prévisible : une société est un système homéostatique, sont but général est de se situer dans un certain état avec un écart plus ou moins important à la moyenne et des instruments de correction pour ramener le système “vers la moyenne” quand il se rapproche trop de l'écart tolérable. Comme c'est un système complexe, un “écosystème” où les limites de “la maison” sont variables et différentes pour chaque membre de la société selon sa position et son état dans “la maison” globale, lesdits membres ne se déplacent pas tous à la même vitesse ni dans la même direction. Pour eux comme pour le système il y a des limites de tolérance, pour eux comme pour le système il y a des processus correcteurs, pour eux comme pour le système il peut se produire des défaillances qui, soit les immobilisent – les détruisent en tant que système autonome –, soit amènent à modifier les équilibres internes, à déplacer l'état moyen ou/et l'écart-type. Chaque membre humain de la société est en lui-même un système, qui appartient à un système contigu proche, “la famille”, “les amis”, “les connaissances”, qui appartient à un système plus large, qui – et ainsi de suite, jusqu'au système global “la société”. Chacun de ces système à sa propre erre, c'est-à-dire sa propre vitesse, son propre cap et sa propre capacité de correction de vitesse et de direction. Dans l'idéal tous les éléments du système ont un déplacement global harmonieux, l'ensemble des mouvements est relativement harmonieux, chaque déplacement de ses éléments est en synchronisation avec ceux des éléments auxquels il se relie, chaque ensemble local d'éléments en synchronisation avec les ensembles contigus, et ainsi de suite. Dans le concret il se passe un phénomène prévisible et certain : de la bactérie ou du virus à la société humaine et, sans date mais de manière inéluctable, à l'espèce humaine, les individus meurent. Ce qui m'amène à la notion d'individu.
Un individu est à la vie ce qu'un atome est à la physique : une portion de l'univers qui dans le contexte observé, la granularité, et sauf circonstance exceptionnelle, reste assez stable pendant une durée significative et peut être séparé d'autres objets comparables assez aisément par l'observation ou par l'action. Par exemple, au niveau de “force” qui concerne les structures nominalement atomiques, celle intermédiaire entre celle dite “nucléaire forte” et celle dite “nucléaire faible”, qui n'a pas de nom mais qui est une résultante et en partie une cause de ces deux “forces”, les structures nominalement atomiques sont assez stables, plus ou moins facilement séparables des autres structures mais du moins, ne requérant pas une énergie suffisante pour mettre en cause leur structure, certaines structures sont plus instables, d'autres plus stables, ce qui comme évoqué se calcule par leur “demi-vie”, sauf d'hypothétiques structures en-deçà du niveau de détectabilité elles sont assez stables pour qu'on puisse les observer ou les utiliser en tant que structures “stables” ou en tirant parti de leur instabilité prédictible. Considérant le niveau où s'exerce proprement la force forte les “atomes” sont ce que l'on désigne comme “hadrons”, assez stables à leur niveau et à ce niveau les structures nominalement atomes sont plutôt instables dans leurs composantes si du moins plutôt stables dans leurs structures ; une molécule est plutôt stable à son niveau, plus ou moins stable au niveau atomique, selon la force et l'orientation de la “force” qui structure ces molécules, et constitue un atome à ce niveau ; et ainsi de suite, jusqu'au point de vue universel, celui de la relativité générale, où l'univers est une sorte d'atome. Il se trouve que les individus sont très divers du point de vue qui est le leur mais pour un observateur, jusqu'au niveau “social” il n'y a pas de grande différence, que l'individu soit unicellulaire ou pluricellulaire, qu'il soit un pluricellulaire organisé ou non, ça forme une structure déterminée par une “membrane” assez solide et assez peu perméable qui contient un “milieu intérieur” comptant un nombre variable de, disons, “organites”, de sortes d'individus qui n'ont pas d'autonomie en dehors de cette membrane et d'une certaine qualité et quantité de “milieu intérieur”.
Les individus “sociaux” sont composés d'individus autonomes qui ne dépendent pas d'un “milieu intérieur” et ne sont pas enclos dans une “membrane”, ce qui en fait des individus est leur interdépendance, qui pour les formes sociales les plus simples, où les individus sont des copies les uns des autres (coraux, insectes sociaux...), est telle qu'il n'ont pas de réelle autonomie, y compris quand un groupe “prend son autonomie” (nouvelle fourmilière, essaimage des abeilles), cette apparente autonomie est induite par un signal du groupe ou des individus centraux, les “reines”, qui provoque la génération de nouvelles reines et la séparation d'une partie de la colonie qui créera une nouvelle colonie distante. Probablement, le signal est un niveau entropique qui indique un niveau de ressources insuffisant pour toute la colonie dans le territoire qui lui est accessible. Plus les individus acquièrent d'autonomie, plus leur capacité de décision d'insertion ou de désinsertion dans un “individu social” augmente. Dans l'état actuel des choses, un humain (au sens de l'espèce) est un individu qui, quand les circonstances s'y prêtent, peut se révéler avoir le plus haut niveau d'autonomie de ce point de vue, au sens que tout humain défini autonome par sa société d'origine peut librement en rester membre, la quitter, participer d'elle et d'une autre, conjointement ou en alternance, en créer une nouvelle ou même se séparer de toute société humaine. Librement, façon de dire, il y faut tout de même le consentement de la société. Moins l'individu a un statut éminent dans la structure, plus il sera libre. Pour le dire autrement : l'autonomie réelle d'un individu est proportionnelle à la “part sociale” dont il dispose et à la “fonction sociale” qu'il a consenti à accomplir, les deux étant théoriquement corrélatives. Pratiquement c'est moins évident, et c'est le moment où le Jeu du Chat et de la Souris change ses règles.
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