L'univers.
Y a-t-il une cause première ? Dans un texte non encore publié au moment (le 14 septembre 2018 au matin) où je débute celui-ci, « Dedans dehors », je discute du mot “chose” et rappelle son étymologie. Pour me citer, j'y écris :
L'étymologie [est] la même que pour le mot “cause” au sens de « procès, affaire judiciaire », qui a rapport à “cause” au sens de « cause, motif, raison », donné pour son sens contemporain comme : « Ce qui produit un effet ». En latin classique, le sens central est “origine de” – raison pourquoi, comme précisé dans l'article, il est « employé chez les aut[eurs] chrétiens en parlant de Dieu », donc ”l'origine”, la “cause première” [...].
Tout ce dont je discute ici à propos de l'univers part de ce principe, il n'y a pas de cause première. Non que cela soit impossible ou inexact, simplement l'hypothèse d'une cause première ne peut être ni validée ni réfutée, on y croit ou on n'y croit pas, bref, il s'agit d'une notion de l'ordre de la croyance, non d'un savoir assuré. Sur ce sujet je suis anti-pascalien, n'ayant pas de réponse certaine sur une cause première je parie contre ou plus exactement je ne parie pas, je ne mise ni ne prends, je ne puis croire en ce qui ne se valide ni ne se réfute donc je prends une autre option que Pascal de son fameux « pari », pour moi parier sur ce qui ne connaît pas de règles n'est pas sérieux. Pascal part de l'idée que l'humanité se divise en deux ensembles, ceux qui acceptent et ceux qui refusent la notion de cause première, il en exclut donc ceux de ma sorte, qui n'ont pas d'opinion dessus mais partent du principe que si même il existe une cause première il n'y a pas lieu d'en tenir compte : soit tout est écrit d'avance, donc les choix que l'on croit faire ne sont pas des choix mais la conséquence nécessaire de la cause première, soit ladite cause première nous a doté du fameux “libre arbitre” et en ce cas il n'y a pas de raison de tenir compte d'une cause première. Poser qu'il n'y a pas de cause première tient donc compte de cela, je ne nie ni n'approuve la notion, je n'en vois pas l'intérêt, voilà tout.
Cela pour expliciter d'une part ma position relativement à l'univers et à ce que l'on en peut dire, de l'autre les limites de mes propos : si vous tenez qu'il y a une cause première, qu'elle agit encore en cet univers et qu'il faut voir l'univers au filtre de cette croyance, alors vous aurez une lecture erronée de mes discours. Ce qui n'importe a pas tant, mon seul but ici est de vous en informer, de mon point de vue il n'y a pas de cause première.
La vie.
Partant du principe qu'il n'y a pas de cause première, par nécessité la vie telle qu'on la connaît localement, sur la Terre, est un accident et non la conséquence d'une volonté. Enfin non, pas nécessairement. Pour dire le vrai, là non plus je n'ai pas d'hypothèse, on peut tout imaginer y compris que quelque-un (ou quelques-uns), quelque part, lança des capsules de “germes de vie”, quelque chose d'assez élémentaire, avec le vague espoir que quelque part une planète potentiellement biotique en reçoive et que s'y épanouisse une forme de vie proche de celle qui eut lieu depuis le site d'émission de ces capsules. Après tout, nous-mêmes avons fait des trucs de ce genre, pas strictement mais ça pourrait résulter en cela : les sondes spatiales Pioneer 10 et 11, et Voyager 1 et 2, censées poursuivre leur voyage jusqu'à des étoiles lointaines, transportent nécessairement des traces de matériel biologique même si elles n'était pas prévues pour ça, ergo en arrivant possiblement dans ces systèmes, il se peut qu'elles aboutissent sur une planète potentiellement biotique. Cela dit, je ne crois pas trop à une telle possibilité pour la Terre, il en est ici comme pour la cause première, si on ne peut exclure une telle possibilité elle n'a pas trop de pertinence dans le cadre d'une réflexion sur ce qui se passa localement, en ce sens que d'une part il y aura toujours un moment où la vie eut une origine locale, dans le cas de mon hypothèse farfelue les émetteurs des capsules sont sui generis, n'ont pas d'origine autre qu'eux-mêmes, ou s'ils sont eux-mêmes issus de capsules, il y aura toujours une source ultime sans cause, d'autre part ça n'a pas tellement d'incidence quant à ce qu'est la vie localement, qui suivit sa propre voie.
Selon moi, il vaut mieux considérer que la vie est un accident local. Les recherches les plus récentes mettent en évidence que l'origine extra-terrestre des briques élémentaires de la vie est la plus probable, mais que la vie même est locale, je veux dire : certaines molécules organiques n'ont pu s'élaborer que dans des conditions qui n'existent pas sur la Terre, par contre leur combinaison dans des structures biotiques ne peut avoir eu lieu que sur la Terre ou une structure planétaire comparable. Comme elle est la seule planète de son genre dans le secteur, on en peut déduire que la vie est un accident local.
Ceci de nouveau pour cadrer mon propos : si vous considérez qu'il y a une cause première et que la vie n'est pas un accident mais la conséquence d'une décision volontaire de cette cause première, vous risquez fort de contester mes propositions sur la vie, ses fins et ses moyens, ou de les interpréter mal. Je le dis dans divers textes, je n'ai pas une appréciation téléologique de l'enchaînement des événements dans l'univers, pour moi il n'y a pas de plan, de “dessein intelligent” qui expliquerait l'univers, la Terre, la vie, et il n'y a pas non plus de “sens de la vie” selon les deux acceptions, la vie n'a pas de signification, elle est et voilà tout, et il n'y a pas de “progrès de l'évolution” – les formes d'organismes plus complexes ne constituent pas un progrès et en outre l'histoire de la vie n'est pas linéaire, il y a des progressions et des régressions dans les espèces, les phylums et la biosphère.
Les humains.
Je définis diversement les humains. Il y a les humains comme espèce, comme groupes, comme individus, et il y a l'humanité qui à la fois transcende l'espèce et ne l'inclut pas toute. En cela je ne diffère pas de la majorité des membres de l'espèce sinon que je fais partie de cet ensemble actuellement assez restreint des membres de l'espèce qui ont une conscience claire, réflexive, du fait que l'humanité n'est pas limitée à l'espèce humaine et n'en tirent pas pour ça une idéologie. J'ai une approche qu'on peut dire scientifique en termes actuels, ou méthodique en référence à René Descartes et son Discours de la méthode, notamment ici en ce qui se rapporte à ses premier et troisième principes :
Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire, d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute. [...]
Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés ; et supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres.
Je suis aussi adepte d'un principe connu sous divers noms, le plus courant étant celui de « rasoir d'Occam », implicite dans la méthode cartésienne, dont l'article de Wikipédia précise qu'on le nomme aussi « principe de simplicité, principe d'économie ou principe de parcimonie » et dont il donne cette définition :
Les entités ne doivent pas être multipliées par-delà ce qui est nécessaire.
Pour revenir brièvement à l'univers et à la vie, aux causes premières et aux desseins intelligents, disant que je ne crois pas à une cause première et n'adhère pas au concept de dessein intelligent ressort du rasoir d'Occam : quand une explication de la réalité fait appel à une multiplicité d'entités alors qu'une autre explication en nécessite peu, la seconde a beaucoup plus de chances d'être valide. En outre, les avancées significatives dans la connaissance de la réalité partent toujours d'hypothèses et de théories parcimonieuses qui vont des « objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés ». La supposée théorie du dessein intelligent a par exemple nombre de caractéristiques communes avec la défunte théorie de la génération spontanée, en tout premier le fait de “marcher à l'envers”, de construire sa théorie et ensuite seulement de développer ses hypothèses, lesquelles doivent à toute force correspondre à la théorie.
Comme tout un chacun je dispose d'un fonds désormais assez riche de théories et hypothèses de tous ordres, qui pour leur plus grand part sont plutôt du genre non méthodique et ne font pas dans la parcimonie. Dans l'ordinaire des choses ça n'a pas tellement d'importance. Quand je lis, sur l'éphéméride de mon bulletin météo quotidien reçu par courriel, que ce jour on aura (désormais, on a eu) un lever de soleil à 7h27 et un coucher à 20h03, cette description part d'une prémisse fausse, celle d'une Terre autour de laquelle le soleil tourne, qui découle de diverses hypothèses sur la Terre, les astres dont le soleil, leurs mouvements relatifs, et sur l'univers dans son ensemble, qui sont plutôt inexactes – qui sont tout-à-fait inexactes. Le seul astre dont le mouvement apparent est à-peu-près celui réel est la Lune qui, de fait, “tourne autour de la Terre”, cela entre guillemets parce que son mouvement réel n'est pas exactement tel mais, en gros, c'est une description valide et acceptable. En fait, tout ce que dit cette éphéméride est inexact : les heures indiquées sont décalées de deux heures par rapport à l'heure solaire à l'endroit où elle est supposée vraie ; étant à plus de 200 kilomètres au sud-sud-ouest de cet endroit, pour moi et sans considérer ce décalage il y a de toute manière une inexactitude, lever et coucher sont un peu plus tardifs. Bref, que ce soit pour des questions larges sur le mouvement réel des astres ou des questions observationnelles cette éphéméride est invalide, dans l'ordinaire des choses ça suffit pour savoir que si je veux profiter du soleil c'est en gros de 7h30 à 20h, si je veux l'éviter c'est avant ou après – cela dit, pour les personnes photosensibles qui doivent éviter de s'exposer au soleil une donnée plus exacte est nécessaire, en France entre les points extrêmes à l'est et à l'ouest il y a un décalage de presque une heure. Cet exemple pour illustrer le fait que la validité d'ordre scientifique de son fonds d'hypothèses et théories n'a pas toujours une importance cruciale, ça dépend du contexte.
Les humains, donc. Dans l'ordinaire des choses, diviser l'univers en deux blocs, les membres de l'espèce et le reste, est une hypothèse inexacte mais fonctionnelle, de fait et pour le bien de l'espèce, de ses groupes et de ses individus, il semble valide de ne pas traiter les membres de sa propre espèce de la même manière que le reste de l'univers. Dans des contextes plus larges, ceux des écosystèmes, des sociétés et in fine de la biosphère, les choses apparaissent moins tranchées, comme dit, ce qui constitue l'humanité excède l'espèce et on ne peut pas si assurément affirmer que tous les membres de l'espèce appartiennent à l'humanité, pendant très longtemps tous les humains spécifiques considéraient la majorité des membres de l'espèce comme “hors humanité”, et aujourd'hui encore la majorité des humains spécifiques ont une forte tendance à exclure une part plus ou moins large des membres de l'espèce d'un statut d'humain à part entière ou d'un statut d'humain tout court – demandez par exemple à tous les génocidaires du siècle passé si ceux qu'ils visaient étaient des humains, et à tous les “fondamentalistes” de ce siècle si ceux qui se situent en dehors des “fondements” sont des humains à part entière. À l'inverse, les sociétés dites traditionnelles ou “premières” ont le plus souvent une compréhension extensive de ce qui constitue l'humanité, mais limitée à leur espace, pour un éleveur nomade traditionnel les membres de son troupeau sont plus humains que les membres des autres groupes de sa culture, et les humains spécifiques d'autres cultures sont souvent “hors humanité” ; dans les sociétés dont les principales ressources sont la chasse et la cueillette, les animaux et plantes, parfois les entités non biotiques, de son espace sont des semblables, alors que les humains spécifiques hors de cet espace sont des sous-humains ou des non-humains.
La Société et les sociétés.
J'évite d'abuser des majuscules, donc on va vite régler la question de la Société : il s'agit d'un modèle jamais effectif, avec ou sans majuscule on peut faire des généralités sur les sociétés en parlant de la Société ou la société mais considérant les cas effectifs chaque société est singulière, différente des autres dans l'espace, différente d'elle-même dans la durée. Les linguistes francophones confrontés à un problème similaire l'ont résolu en usant des deux termes proches désignant leur matière, “langue” et “langage”, la langue, c'est le modèle conceptuel, le langage sa réalisation singulière dans l'espace et la durée, et les langues les réalisations spécifiques. Pour les sociétés on n'a pas la même possibilité.
Qu'est une société humaine ? Un ensemble composite fait d'éléments disparates, matière, énergie, temps, espace, entités biotiques et non biotiques, effectives ou symboliques, etc. Une société humaine ne peut être réduite à sa composante humaine spécifique, ce qui fait la singularité des sociétés en général et des sociétés humaines plus encore est justement cela, elles organisent un segment plus ou moins large de l'univers à leur seul profit. Bien sûr, l'espèce principale est l'organisatrice de ce segment mais tout ce qui entre dans cette organisation participe de la société donc de l'espèce, un outil fabriqué par un humain n'est pas humain en soi mais un humain sans ses outils n'est pas vraiment humain, donc on peut dire que les outils des humains participent de l'humanité en la constituant. De même pour tout ce qui entre dans la sphère de la société, animaux, plantes, espace...
Élucubrations.
On ne sait pas toujours pourquoi on choisit un mot, par exemple j'ai intitulé cette partie du site « Élucubrations » sans pouvoir clairement définir le terme, pour moi il appartient à un ensemble de termes plutôt péjoratifs qui désignent des discours souvent complexes et peu clairs sur tout et n'importe quoi, des fadaises, des coquecigrues, des billevesées... Bien sûr, c'était ironique à mon encontre, par le fait je produis souvent, à l'écrit, des discours souvent complexes et souvent pas trop clairs sur tout et n'importe quoi. Selon le Trésor de la langue française informatisé (le TLFi), élucubration, « ironiquement et souvent au pluriel », désigne « [l’]action d'élucubrer ; [la] recherche laborieuse et patiente pour composer un ouvrage érudit ou un texte d'une certaine longueur ». Il nous dit aussi qu'élucubrer c'est « composer un ouvrage péniblement et au prix de longues recherches ». On peut dire que le titre convient à-peu-près à cette partie du site, on peut aussi dire autre chose, du moins puis-je dire cette autre chose : le seul ouvrage que j'aie réellement composé péniblement au prix de longues recherches est ma vie, bientôt 60 ans et je continue cet ouvrage. Je compte le poursuivre jusqu'à mon dernier jour.
Cette partie du site, ce site, je les ai composés péniblement en ce sens que je n'aime guère écrire, ce m'est pénible, mais je n'ai pas fait de recherche laborieuse et patiente pour composer un ouvrage érudit, j'ai fait dans ma vie bien des recherches laborieuses et pas toujours patientes mais dans un seul but, mieux comprendre le monde et moi-même, ce site et cette partie sont des aspects secondaires et très limités de ces recherches, leur composition n'a pas requis, pour l'essentiel, de recherches laborieuses et patientes, pour moi toute recherche où j'ai idée de savoir à-peu-près, sinon quoi du moins où trouver, n'a rien de laborieux, c'est un loisir plutôt qu'un labeur. Pour exemple, dans deux ou trois textes je fais des développements assez longs sur la vision et sur la lumière, pour expliciter certaines de mes prémisses sur les sensations, sur l'énergie et sur la matière à partir de données et informations fiables et étayées. Il m'a fallu pour cela faire des recherches assez longues sur diverses questions en physique, chimie, biologie, anatomie, etc. Durant ces recherches j'ai appris beaucoup de choses nouvelles, ce qui m'est toujours un plaisir. Même pour les recherches laborieuses et patientes il y a au bout le plaisir d'apprendre, sauf que l'on part dans des explorations nouvelles et qu'au cours de cela on perd bien du temps et de l'énergie dans des recherches qui se révèlent vaines.